Seconde entrevue exclusive avec l'auteur Didier
Godard
(Voir la première plus bas)
L'Autre
Faust était sodomite, les Indiens d'Amérique avaient
des pratiques homosexuelles, la religion protestante a joué
un rôle important dans la reconnaissance des droits des
gais, certains historiens nient l'homosexualité de personnages
connus, voilà seulement quelques éléments
captivants de l'histoire que nous raconte l'historien Didier
Godard. Une autre entrevue des plus intéressantes avec
un historien qui nous fait découvrir une autre histoire
qu'on nous a longtemps cachée, celle de l'homosexualité.
Questions à Didier Godard sur son livre
"L'Autre Faust, l'homosexualité masculine pendant
la Renaissance", éd. H&O, 2001, 222 pages.
Richard Chartier- Le titre de votre livre évoque
un autre Faust, le personnage que l'histoire a retenu n'est
pas tout à fait celui que l'on connaît, que représente
t-il pour la Renaissance ?
Didier Godard - Le titre de mon livre sur la
Renaissance fait en effet référence au personnage
de Faust. On a surtout retenu la dimension prométhéenne
du personnage qui passe outre aux interdits traditionnels, notamment
de l'Eglise, et conclut un pacte avec le démon pour accéder
au savoir et au pouvoir ; en ce sens il est bien représentatif
de la Renaissance, époque où l'homme s'affranchit
de la tradition et de la tutelle divine, découvre de
nouveaux mondes et de nouvelles connaissances. Mais on a occulté
jusqu'ici l'autre aspect du Faust historique, qui était
sodomite, ce qui pour moi est évidemment une raison de
plus d'en faire le symbole de la Renaissance étudiée
du point de vue homosexuel.
RC - La période de la Renaissance c'est
la découverte de nouveaux mondes. Vous abordez, entre
autres, l'homosexualité en Amérique. Il y avait
donc des pratiques homosexuelles chez les Indiens d'Amérique
?
DG - Il y avait en effectivement des pratiques
homosexuelles chez les Indiens d'Amérique comme chez
tous les peuples de la Terre. On nous a longtemps fait croire
que la Grèce antique était une exception et que
le refus de l'homosexualité était la norme dans
les sociétés humaines. C'est le contraire qui
est vrai. L'exception, c'est le refus de l'homosexualité
que l'Occident a développé depuis 2000 ans sous
l'influence du christianisme. Ceci étant, l'homosexualité
est vécue différemment selon les cultures. Chez
les Indiens d'Amérique elle est notamment représentée
par le personnage du bardache et associée à des
pratiques comme le chamanisme. Je renvoie ici à l'excellent
livre de Walter L. Williams qui a été une de mes
principales sources sur la question, The Spirit and the Flesh,
Sexual diversity in American culture, Beacon Press, 1986.
RC - Vous affirmez que si Martin Luther n'avait
pas mis de l'avant le protestantisme, il n'y aurait pas de mouvement
gay dans l'Occident moderne, quel est donc le lien entre les
deux ?
DG - Je pense en effet que la question des rapports
entre religion et homosexualité, et plus particulièrement
entre protestantisme et homosexualité, a été
insuffisamment étudiée jusqu'à présent.
L'apparition du protestantisme au XVIe siècle a été
l'un des principaux facteurs qui ont permis l'évolution
des sociétés européennes vers la démocratie.
Alors que le catholicisme est pyramidal, autoritaire, dogmatique
et intolérant, le protestantisme, qui repose sur un fonctionnement
collégial, où les décisions sont prises
par des assemblées, où il n'y a pas d'intermédiaire
entre le fidèle et la divinité, où la pluralité
d'opinions est admise et même recherchée, où
l'individu est encouragé à penser et agir par
lui-même plutôt que de s'en remettre à une
autorité, inaugure dès la Renaissance un fonctionnement
démocratique ; ce n'est pas un hasard si ce sont des
penseurs protestants qui élaborent, dans les deux siècles
suivants, la théorie des droits de l'homme. Et c'est
pourquoi, à mon sens, les sociétés protestantes
sont moins vulnérables au fascisme, plus ouvertes, plus
tolérantes, plus respectueuses des différences
et des minorités, que les sociétés catholiques.
Une loi comme celle qui vient d'être votée en France,
pour interdire aux jeunes filles musulmanes de porter le voile,
officiellement justifiée par le principe de laïcité,
est en fait, à mon sens, caractéristique de la
culture et de l'intolérance catholiques dont nous restons,
même inconsciemment, imprégnés en France
: la République légifère contre les musulmans
comme Louis XIV contre les protestants. Et je crois que l'esprit
du protestantisme, comme aurait dit Max Weber, explique pareillement
l'avance prise par les pays protestants en matière de
reconnaissance des droits des homosexuels et d'organisation
des communautés homosexuelles.
RC - L'Italie occupe une place importante dans
votre livre, qu'est-ce qui a favorisé cette tolérance
à l'endroit de l'homosexualité à cette
époque ?
DG - L'Italie occupe une place importante dans
mon livre d'abord parce qu'elle occupe une place prédominante
dans la culture européenne de l'époque, comme
ce sera le cas pour la France au XVIIIe siècle, du fait
du rayonnement de ses artistes et de ses intellectuels. Mais
l'Italie de la Renaissance occupe aussi une place importante
dans ce livre parce que l'homosexualité y était
très répandue ; et beaucoup de ces artistes aimaient
les garçons. Cela peut sembler paradoxal puisque l'Italie
était le siège de la papauté, c'est à
dire que le chef d'une religion officiellement hostile à
la sodomie y résidait. Mais cela peut s'expliquer par
plusieurs facteurs, notamment la persistance, sous le vernis
du christianisme, de traditions héritées du paganisme,
l'importance des contacts avec l'Orient, l'absence d'Etat centralisé
désireux de prendre en charge l'application de la morale
chrétienne. Après la Renaissance, l'Italie restera
réputée en Europe comme la terre d'élection
des amours masculines jusqu'au XIXe siècle et des expressions
"moeurs italiennes", "vice italien", seront
synonymes d'homosexualité.
RC - En France, le cas d'Henri III est intéressant
parce qu'il met en relief la façon dont le roi a vécu
son homosexualité et les réactions négatives
d'un certain milieu chrétien qui s'opposait aux sodomites.
Des historiens tentent de nier l'homosexualité d'Henri
III, pourtant vous étayez des preuves assez convaincantes
au sujet de l'attrait du roi pour les garçons. C'est
comme si l'homophobie de l'époque s'était perpétuée
jusqu'à nos jours... Comment un historien comme vous
travaille pour dépoussiérer une histoire ensevelies
sous le poids des préjugés ?
DG - S'agissant d'Henri III, je ne pense pas
que l'on puisse vraiment parler d'homophobie sous l'Ancien Régime.
Disons que l'hostilité chrétienne à la
sodomie se faisait plus virulente dans les périodes d'exaspération
religieuse, et le règne d'Henri III, marqué par
les guerres de religion, est l'une de ces périodes. Dans
ce contexte, les relations d'Henri III avec ses mignons étaient
l'un des thèmes utilisés par les pamphlétaires
contre le roi, mais pas le seul : on lui reprochait aussi son
gaspillage de l'argent public, sa frivolité, son incompétence.En
revanche il est certain que l'on peut parler d'homophobie chez
beaucoup d'historiens modernes : quand ils sont favorables à
Henri III et qu'ils veulent le réhabiliter, ils ne veulent
pas admettre qu''il ait pu être homosexuel, parce qu'à
leurs yeux l'homosexualité reste répréhensible.
On retrouve cette attitude à propos d'autres monarques
homosexuels comme Frédéric II de Prusse. Si l'on
veut parvenir à dégager une vérité
historique trop souvent ensevelie, comme vous le dites, sous
le poids des préjugés, le mieux, je crois, est
de laisser parler les contemporains, de s'appuyer au maximum
sur les textes du temps, et dans le cas d'Henri III ils sont
assez nombreux, correspondances, à commencer par celle
du roi, Mémoires comme le Journal de l'Estoile, rapports
diplomatiques, oeuvres littéraires....
RC - Votre livre se termine sur les conséquences
du Concile de Trente qui annonce une radicalisation religieuse
où procès et condamnations contre les sodomites
se multiplieront. Est-ce que le Concile a marqué pour
de bon la condamnation de l'homosexualité qui se perpétuera
jusqu'à nos jours ?
DG - La répression de la sodomie a progressé
par étapes ; au départ on a simplement une condamnation
religieuse dans des textes écrits notamment par les pères
de l'Eglise, dans un second temps cela se traduit par des lois
répressives, à Byzance d'abord, puis, vers 1250,
dans les pays catholiques du sud de l'Europe, dans un troisième
temps on a des procès et des condamnations à mort
assez régulières... Le Concile de Trente est l'une
de ces étapes ; en réaction aux crises qui ont
secoué l'Eglise et à la montée du protestantisme,
on assiste à une reprise en main et à une répression
accrue contre les dissidents (pas seulement les sodomites, mais
aussi les juifs, les hérétiques, voire les astronomes
comme Galilée..). Mais parallèlement on a aussi
l'idée de tolérance qui commence à émerger
avec les humanistes, avec Erasme ou Montaigne, on a l'ébauche
d'une revendication homosexuelle avec des oeuvres comme la pièce
de Marlowe "Edouard II". Cette tension entre, d'une
part, l'hostilité chrétienne, d'autre part, la
revendication homosexuelle, se prolonge jusqu'à nos jours,
comme en témoignent les débats actuels sur le
mariage gay.
RC - Peut-on s'attendre à un prochain
ouvrage qui couvrira les XIXe et XXe siècles ?
DG - Il n'est pas impossible que j'écrive
un jour sur les XIX et XXes siècles, mais il faut d'abord
que je termine cette série concernant l'homosexualité
masculine au Moyen Age et sous l'Ancien Régime, et un
quatrième volume doit paraître en 2005, consacré
au XVIIIe siècle ; les quatre volumes pourront être
regroupés sous le titre : Histoire des Sodomites. Par
ailleurs, sur une suggestion de mon éditeur, j'ai entrepris
la rédaction d'un "Dictionnaire des chefs d'Etat
homosexuels et bisexuels", qui est déjà bien
avancé.
RC - Vous avez un projet de librairie, pouvez-vous
nous en parler ?
DG - En effet, j'ouvrirai le mois prochain en Bourgogne, une
librairie proposant des livres anciens, des livres d'occasion,
des livres rares ou épuisés. Ces livres porteront
sur l'homosexualité, mais pas seulement.
Il y aura aussi des livres sur la Bourgogne, puisque c'est ma
région d'origine et que je m'intéresse à
ce qui se publie sur elle sous ses différents aspects,
et également des livres d'intérêt plus général.
Par ailleurs, comme je possède, sur l'homosexualité,
un ensemble de documents (journaux, magazines français
ou étrangers, tracts, livres publiés tout au long
du XXe siècle dont certains difficiles à trouver)
j'ai l'intention de compléter la librairie par un centre
de documentation accessible aux chercheurs, aux étudiants,
et à tous ceux qui s'intéressent à la question
homosexuelle.
Richard Chartier
Vous trouverez d'autres
critiques de livres de Richard Chartier sur le site internet
du magazine RG : www.rgmag.com
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Entrevue exclusive avec l'auteur Didier Godard
Il
y a des lectures dans notre vie qui nous marquent profondément.
C'est ce qui s'est produit lorsque j'ai eu le plaisir de lire
tout d'abord "Deux hommes sur un cheval, L'homosexualité
masculine au Moyen Âge" (éd. H&O, 2003),
puis ensuite "Le goût de Monsieur, L'homosexualité
masculine au XVIIe siècle" (éd. H&O,
2002) de l'historien Didier Godard. Deux ouvrages remarquables
qui peuvent être considérés déjà
comme des œuvres indispensables sur l'histoire de l'homosexualité.
Didier Godard possède un grand talent d'écrivain
qui ne pourra vous laisser indifférent. Entretien avec
l'auteur sur son livre "Le goût de Monsieur".
Richard Chartier - Votre livre "Le goût
de Monsieur" aborde l'homosexualité masculine au
XVIIe siècle. Par la présentation d'acteurs et
de témoins de l'époque, vous démontrez
que l'homosexualité n'était pas un sujet aussi
tabou que les historiens ont tenté de nous faire croire.
Comment en êtes-vous arriver à déceler qu'il
y avait une mauvaise interprétation des historiens sur
l'homosexualité à cette époque ?
Didier Godard - Je crois que le discours des
historiens est contestable non seulement quand ils traitent
de l'homosexualité au XVIIe siècle, mais quand
ils traitent de l'homosexualité en général.
Il faut préciser que je parle ici principalement des
historiens hétérosexuels du XXe siècle.
Heureusement, les choses commencent à changer, du fait
de l'évolution générale des mentalités
et sous l'influence des historiens gays de plus en plus nombreux.
Mais le discours de la majorité des historiens était
homophobe et l'est parfois encore. Il reflétait l'homophobie
de la société dans son ensemble et contribuait
à la perpétuer. On débat actuellement en
France de l'opportunité d'une loi sanctionnant les propos
homophobes comme on sanctionne les propos racistes ou antisémites.
Quand je lis certaines formules dans des livres d'historiens
qui paraissent encore en France en 2003, je pense qu'une telle
loi est nécessaire.
RC
- Vous voyez une différence entre le sodomite et l'homosexuel,
pouvez-vous nous expliquer cela?
DG - Je crois que la différence entre le sodomite et
l'homosexuel est fondamentale pour comprendre la façon
dont l'homosexualité masculine était vécue
en Occident avant les révolutions du XVIIIe siècle.
La notion de sodomie renvoie à la condamnation religieuse
de la sodomie à travers l'épisode biblique de
Sodome. La condamnation dont fait l'objet celui qui commet l'acte
de sodomie est avant tout une condamnation religieuse (il est
perçu comme hérétique), alors que la condamnation
de l'homosexuel sera plutôt laïque, judiciaire et
médicale. Surtout on reproche au sodomite un acte (le
coït anal), plutôt qu'un sentiment, plutôt
qu'une "orientation", plutôt que le fait d'être
disposé à aimer les gens de son sexe (d'autant
que le sodomite est souvent bisexuel, marié, père
de famille).. On lui reproche, autrement dit, un comportement
et non une identité. On pense qu'il peut renoncer à
ce comportement (comme un fumeur à la cigarette, comme
un automobiliste à l'excès de vitesse). Pas plus
que le fumeur ou l'automobiliste imprudent, de nos jours, il
n'est perçu comme un être à part, "différent"
des autres ; il ne vit donc pas dans la honte ni dans la clandestinité
; il ne se sent ni rejeté ni marginal, sa sexualité
ne fait pas l'objet d'un tabou, il en parle et on en parle librement
autour de lui, il n'intériorise pas la répression,
toutes choses qui le différencient de l'homosexuel des
XIX et XXes siècles.
RC - Est-ce que l'on peut affirmer que la répression
à l'endroit des sodomites n'incluait pas nécessairement
les relations sexuelles entre personnes de même sexe ?
DG - La répression de la sodomie visait le plus souvent,
dans la pratique, les relations entre personnes du même
sexe, et, plus précisément, entre hommes. Comme,
cependant le critère officiel n'était pas l'identité
de sexe entre les partenaires, elle excluait le lesbianisme
(des lesbiennes ont pu être condamnées ici ou là,
mais ce ne sont pas elle en général qui montaient
sur les bûchers ; la sexualité féminine
était réprimée dans d'autres cadres, notamment
celui de la chasse aux sorcières).Même entre hommes,
tous les actes que nous dirions homosexuels n'étaient
pas réprimés : les caresses, les baisers sur la
bouche, la masturbation mutuelle, ne l'étaient pas ou
l'étaient moins ; la fellation était souvent ignorée.
Enfin la sodomie (c'est-à-dire le coït anal) pouvait
aussi être réprimée entre partenaires hétérosexuels.
RC - Est-ce que l'Église jouait un rôle important
dans la répression contre l'homosexualité au XVIIe
siècle ?
DG - Dans la mesure où la sodomie, au
XVIIe siècle, reste un crime contre la religion, l'Église,
le facteur religieux, continuent à jouer un rôle
non pas exclusif (il faut aussi mentionner les juristes et le
monde judiciaire) mais important dans sa répression.
Il n'est que de voir le rôle joué par l'Inquisition
en Espagne, par des religieux comme Garasse et Voisin dans l'affaire
Théophile de Viau en France, par les accusations d'impiété
dans le procès Castlehaven en Angleterre. Cependant,
cette influence de l'Église connaît parfois des
échecs ; les autres secteurs de la société
ne sont pas aussi répressifs ; sous Louis XIV, le père
Bourdaloue incite le pouvoir à la répression,
mais il n'est pas suivi. Par ailleurs, comme l'a montré
Michel Foucault, dès le XVIIe siècle de nouvelles
formes de répression apparaissent, qui relèvent
plutôt de la police que de la religion, en particulier
l'enfermement à l'Hôpital Général.
RC - Si l'on ne peut comparer la façon
dont se vivait l'homosexualité au XVIIe siècle
à celle d'aujourd'hui, peut-on quand même y retrouver
des ressemblances ou s'il s'agit de deux mondes complètement
différents ?
DG
- Si vous pouviez faire un voyage dans le temps, si vous étiez
soudain transporté dans le Paris du XVIIème siècle,
si vous aviez une aventure amoureuse avec Théophile de
Viau, s'il vous emmenait dans les cabarets qu'il fréquentait
et s'il vous écrivait des poèmes, je crois que
vous trouveriez qu'il y a des ressemblances entre ce que vivait
Théophile et ce que nous vivons... D'après mon
expérience personnelle, un homosexuel occidental du XXIe
siècle, qui lit des poèmes homosexuels de la Grèce
antique, ou des contes japonais de l'époque des Samouraïs
sur l'amour mâle, se trouve en pays de connaissance (de
même que je me sens proche d'un homosexuel maghrébin
ou irakien malgré les différences de nos cultures).
Pour moi il y a là un fait aussi irrécusable que
le "cogito" de Descartes. Par delà les différences
de civilisations, je crois qu'il y a un "noyau dur"
de l'homosexualité qui est intemporel et qui appartient
au patrimoine commun de l'humanité.
RC - Vous revenez régulièrement dans votre ouvrage
sur le changement de mentalités à l'endroit des
homosexuels qui s'opérera dès le XIXe siècle.
Est-ce que c'est ce lourd héritage que nous portons encore
comme gais ?
DG - Je pense qu'incontestablement nous subissons encore les
effets de l'homophobie du XIXe siècle. Je suis né
en 1952 ; la société française du temps
de mon enfance et de ma jeunesse, sur la question de l'homosexualité,
avait encore les réflexes du XIXe siècle, et j'en
ai inévitablement été marqué. Mais
nous portons aussi l'histoire de la répression qu'ont
subie les sodomites. Parce que la répression du XIXe
siècle ne se comprendrait pas, si elle n'avait été
préparée par la répression chrétienne
de la sodomie, de même que l'antisémitisme nazi
ne se comprendrait pas, s'il n'avait été préparé
par l'anti-judaïsme chrétien... Il faut bien être
conscient par ailleurs que la répression religieuse,
celle qu'ont subie les sodomites, n'appartient pas seulement
au passé. Les homosexuels dans les pays musulmans subissent
de nos jours une répression religieuse. En Occident même,
le discours du Vatican, celui des intégristes chrétiens,
celui des télévangélistes américains,
perpétuent ou cherchent à perpétuer cette
répression. En Pologne, les catholiques ont combattu
l'adhésion à l'Union européenne, en invoquant
notamment comme motif que l'Union était trop favorable
aux droits des homosexuels. D'une certaine façon, par
conséquent, la répression religieuse qu'ont subie
les sodomites se perpétue de nos jours. Pierre Hahn a
écrit un livre (sur l'homosexualité au XIXe siècle)
qu'il a intitulé : "Nos ancêtres les pervers"
; nous pourrions dire : "Nos ancêtres les sodomites"....
RC - Il faut mentionner aux lecteurs que vous
avez écrit "Deux hommes sur un cheval" qui
traite de l'homosexualité au Moyen-Âge (vous trouverez
sur le site du magazine RG www.rgmag.com, une entrevue avec
Didier Godard au sujet de cet ouvrage) et "L'Autre Faust"
sur l'homosexualité à la Renaissance" aux
éditions H&O. Vous avez un autre projet de livre
?
DG - Pour moi "L'Histoire des sodomites" s'achève
lorsque la révolution française supprime le crime
de sodomie. L'événement est passé assez
inaperçu parmi tous les bouleversements de l'époque,
mais il met fin définitivement à la possibilité
pour une juridiction française de condamner quelqu'un
à mort pour avoir eu des rapports sexuels avec quelqu'un
de son sexe. Cela correspond aussi à la disparition de
la figure historique du sodomite, qui va être remplacé
par l'homosexuel. Pour achever donc cette "Histoire des
sodomites", je prépare un volume sur cette période
charnière du XVIIIe siècle, qui paraîtra,
si tout va bien, en 2005. J'espère qu'à ce moment
là, j'aurai à nouveau le plaisir de m'en entretenir
avec vous...
RC - Merci Didier Godard pour cet échange
des plus intéressant !
Richard Chartier
Vous trouverez d'autres
critiques de livres de Richard Chartier sur le site internet
du magazine RG : www.rgmag.com
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Denis-Martin Chabot - Manigances, Roman
Manigances est une histoire d’amour impossible,
un drame psychologique, un suspens et un polar avec comme toile
de fond le milieu gai du début des années 80 à
Montréal et à Québec. C’est l’époque
des Reaganomics, une époque d’opulence, d’égoïsme,
d’avarice et de convoitise. Le SIDA en était alors
qu’à ses balbutiements et ne faisait que son apparition
dans les médias.
Une langue crue mais vraie, un style direct mais
franc, une histoire aux nombreux rebondissements n’en finiront
pas de surprendre le lecteur jusqu’à la fin.
Depuis son lancement au Salon international du
livre de Québec, le 10 avril 2003, Manigances a été
bien reçu par la critique.
Manigances est le premier tome d’une série
que l’auteur promet tout aussi surprenante. Pénitence
et Innocence sont les titres des tomes suivants qui paraîtront
respectivement en 2004 et en 2005.
L’auteur Denis-Martin Chabot sera à
Paris pendant quelques jours avant et après le lancement
et donc disponible pour interviews. Il se fera un plaisir de vous
rencontrer.