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Chronique
littéraire
Décembre 2002
Au sommaire
Entrevue
avec l'auteur
Roland Michel Tremblay
par Richard
Chartier
Une
version éditée de cette entrevue est parue dans le
magazine gai québécois RG,
édition du 7 novembre 2002.
Questions à Roland Michel
Tremblay
-Votre nom ressemble étrangement à un auteur connu,
est-ce pour cela que dans votre prénom on retrouve "Roland"?
Mes
parents voulaient m'appeler Michel Tremblay lorsque je suis né
en 1972, mais parce que mon oncle se nommait ainsi, ils m'ont également
donné le nom de mon père Roland. Aujourd'hui je suis
bien heureux de pouvoir me distinguer du grand Michel Tremblay,
autrement il serait bien difficile de faire la distinction. Je suis
également gai et j'écris du théâtre et
des romans. Cependant je suis né à Québec,
à 7 ans j'ai déménagé au Saguenay-Lac-St-Jean
où toute ma parenté habite et je n'ai jamais habité
Montréal. Donc le contenu de mes écrits et mon style
diffèrent de ceux de Michel Tremblay. Je suppose que je le
complète bien, comme lui mon uvre est assez autobiographique.
J'aimerais cependant que l'on me considère comme un auteur
à part entière et indépendant. C'est peut-être
pourquoi je n'ai jamais vraiment mis d'énergie à écrire
de nouvelles pièces de théâtre et à faire
monter mes deux premières pièces appelées La
Légende de Val-Jalbert et Antoine/Antonia, Amour et Médiocrité.
-Qu'est-ce qui vous a incité à vivre à Londres?
Comme mon roman L'Attente
de Paris publié aux Éditions
iDLivre le confirmera, j'étais en amour avec Paris. Il
me fallait partir à n'importe quel prix pour y étudier
la littérature française à la Sorbonne. La
seule façon que j'avais de demeurer en Europe l'année
suivante était de prendre un visa pour le Royaume-Uni où
j'ai d'ailleurs terminé ma maîtrise en littérature
française à l'Université de Londres.
Après 7 ans à Londres je dois avouer
que je préfère bien davantage les Londoniens aux Parisiens.
J'espère pouvoir y demeurer aussi longtemps que possible,
mais je dois demander un nouveau visa sous les bases que je vis
avec mon copain Mark depuis 1995. Ce ne sera pas facile.
-Pouvez-vous nous décrire votre parcours littéraire?
Mon parcours littéraire est très varié, j'ai
écrit à peu près tous les genres littéraires
et maintenant en deux langues. J'ai dernièrement participé
à l'écriture et au contenu scientifique d'une série
télévisée de science-fiction pour NBC, Discovery
Channel et Fireworks Entertainment. Ceci m'ouvre de nouveaux horizons
du côté anglophone et j'ai bien l'intention de me lancer
dans l'écriture de scénarios en anglais dans les prochains
mois. Même mon livre de poésie l'Anarchiste est maintenant
traduit en anglais et devrait être publié chez un éditeur
londonien très bientôt. Je n'en dis pas plus pour l'instant.
J'écris depuis que j'ai 10 ans, sérieusement
depuis que j'en ai 15. Comme je viens de fêter mes 30 ans,
j'écris depuis plus de 20 ans. C'est l'an dernier seulement
que j'ai réussi à faire publier quatre de mes livres
chez un éditeur de Paris qui m'a trouvé sur Internet.
Je n'ai plus fait d'efforts chez les éditeurs depuis 1995,
date où mes livres ont été mis en ligne sur
mon site l'Anarchiste Couronné Littérature. En peu
de temps j'accumulais plus de 20,000 visiteurs par mois sur ce site
littéraire qui présente également les livres
d'autres auteurs.
Vaut mieux être lu qu'être publié
je crois, voilà pourquoi j'ai une clause dans mon contrat
d'édition qui me permet de garder en ligne mes livres publiés.
Bien sûr j'aurais aimé être publié au
Québec, je suis d'ailleurs surpris qu'un éditeur de
Paris se soit montré intéressé. Il faut dire
qu'iDLivre s'intéresse davantage à la francophonie
et distribue ses livres autant dans la francophonie mondiale qu'en
France.
-Qu'est-ce qui vous inspire pour élaborer vos récits?
Avant c'était tout simplement ma propre vie amplifiée
à l'extrême. Bien sûr il faut vivre une vie suffisamment
intéressante pour en faire de bons livres. Alors je suis
parti pour Paris en 1994, j'ai habité New York, Toronto et
Bruxelles pour finalement m'installer à Londres un an plus
tard. Depuis je n'ai cessé de voyager à travers l'Europe,
car mon principal emploi durant les cinq dernières années
était de produire des conférences européennes
dans les télécommunications et l'informatique.
Aujourd'hui j'aimerais parler d'autre chose que
de moi et j'aime bien travailler sur des histoires intéressantes
à raconter. En particulier mon roman de science-fiction The
Relative Universe que j'écris en ce moment en anglais et
mon travail sur la série de télévision de science-fiction
qui n'ont plus rien à voir avec moi. En un sens on peut dire
que la longue crise existentielle qui a marqué la plupart
de mes premiers livres est maintenant chose du passé. Mais
c'est certain qu'elle refera surface dans le futur, car mon mal
de vivre ne semble pas vouloir partir avec l'âge, au contraire.
-Qu'est-ce qu'on retrouve dans vos livres? Parlez-vous de la
vie gaie?
Je parle énormément de la vie gaie dans mes livres
puisque c'est autobiographique. L'Attente
de Paris est la version roman de mon journal appelé Underground,
donc un compte rendu précis de ma vie à l'époque
de mes études à l'Université d'Ottawa et de
mon départ pour Paris. Le héros Julien est hétérosexuel
dans le roman mais le livre présente encore un important
contenu gai.
L'Anarchiste
est un recueil de poèmes noirs qui est de loin mon livre
le plus populaire. C'est un livre à scandale ouvertement
gai qui raconte un peu ma vie et mes aventures lorsque je suis arrivé
à Londres. C'est le livre qui m'a ouvert les portes des Éditions
iDLivre. Cela est étrange car personne ne vend de la poésie
de nos jours, je suis donc bien heureux d'être reconnu pour
cela, d'autant plus que je suis loin de me considérer tel
un poète.
Denfert-Rochereau
est mon premier vrai roman fictif et je suis très satisfait
du résultat. J'ai réussi à communiquer toute
une philosophie spirituelle dans ce livre. Il faut dire que j'ai
fait beaucoup de recherches afin de pouvoir parler en connaissance
de cause des sociétés secrètes en France et
en Angleterre. J'aime bien l'idée d'un personnage homosexuel
atteint du sida qui tente de se guérir par la spiritualité
et qui est enfermé dans les catacombes de Paris à
Denfert-Rochereau. J'ai pu également intégrer toute
une partie sur une sorte de retour au Saguenay-Lac-St-Jean après
des années d'absence. Tout cela coïncidait avec mon
retour dans la région et aussi mon départ pour New
York. Ce livre me semble m'avoir été dicté,
ma vie s'organisait en fonction de son écriture. Bien que
je ne sois pas séropositif, pour moi ce roman a été
une aventure fantastique où j'ai pu analyser mon existence
et en ressortir une certaine philosophie de vie.
L'Éclectisme,
que je n'aurais jamais cru pouvoir publier, est à mon avis
mon meilleur livre. Difficile d'accès, c'est également
mon plus intime. C'est ma vie et mes pensées alors que je
vivais à Londres, toutefois ces pensées sont plutôt
philosophiques, presque de la science-fiction. L'Éclectisme
est la remise en question de tout, et sans doute mon livre le plus
anarchique sans même que l'on y retrouve le mot anarchie.
Après avoir terminé l'Éclectisme et l'avoir
vu sur ma table en un vrai livre publié à Paris, je
me suis dit que je pouvais maintenant mourir, que j'avais tout écrit.
Cependant je vivrai peut-être suffisamment longtemps pour
écrire, comme Michel Tremblay, une quarantaine de livres.
Pour l'Éclectisme, comme pour l'Anarchiste, il n'y a pas
de demie mesure, on adore ou on déteste. Mais cela ne laisse
pas indifférent.
-Est-ce que, selon vous, il est difficile de percer quand on
est un jeune auteur?
Il est tout simplement impossible de percer lorsque l'on est un
jeune auteur. Mon message aux nouveaux auteurs qui tentent de se
faire publier est qu'il vous faudra beaucoup d'intelligence, de
patience, de contacts et donc du social à faire dans les
milieux littéraires afin d'être publiés. Le
génie littéraire ne sera jamais découvert par
les éditeurs, c'est pourquoi tous les grands auteurs ont
d'abord publié à compte d'auteur.
Moi j'ai eu la chance d'être découvert
à Paris par un vrai éditeur, cependant cela m'a pris
des années. Comme je vivais à Londres il m'était
difficile de faire du social et j'ai perdu patience après
les refus de mes premiers écrits. Je n'ai plus tenté
de me faire publier ensuite, j'ai attendu que les éditeurs
me trouvent sur mon site. J'ai d'autres livres intéressants
à publier, avis aux éditeurs québécois
intéressés !
-Est-ce
que vous vous identifiez comme un auteur gai?
Gai, oui, engagé, non. Je ne suis pas là pour sauver
les gais ou présenter une image positive de la communauté
gaie. Je cherche avant tout à être honnête et
à comprendre l'univers et l'humain dans son milieu, qu'il
soit gai ou non. De toute manière je ne voudrais pas être
catégorisé ainsi, même l'étiquette d'auteur
est déjà trop pour moi. Je me suis construit un univers,
j'ai tous ces livres et ces sites Internet, et c'est l'ensemble,
l'uvre que je laisserai après ma mort qui compte. Voilà
pourquoi je ne m'occupe guère de la promotion de mon dernier
livre, que je ne me suis même pas rendu au salon du livre
de Paris alors que je suis un des auteurs les plus populaires des
Éditions iDLivre.
Je parle à une conférence à
l'Université de Tulsa dans l'État américain
d'Oklahoma le 4 avril prochain et ce n'est pas en tant qu'auteur
gai que l'on me présentera. C'est mon opinion que l'on ne
devrait pas qualifier les auteurs selon leurs attirances sexuelles,
et les auteurs gais ne devraient pas seulement écrire à
propos des gais et des lesbiennes. N'empêche que je suis un
auteur gai et j'écris à propos de l'homosexualité,
mais pas exclusivement.
-Est-ce que vos livres sont disponibles au Québec? Si
oui, à quel endroit?
J'ignore quelles librairies au Québec ont commandé
mes livres, mais je sais qu'il est possible de commander mes 4 livres
publiés dans n'importe quelle bonne librairie. Il suffit
de leur mentionner le nom du distributeur d'iDLivre au Québec
qui est Édipresse (Site: www.edipresse.ca
Courriel: Diffusion1@edipresse.ca
Tél.: (514) 273-6141). Ils sont également disponibles
sur le site d'Archambault.
Sinon, sur le site d'iDLivre on mentionne plusieurs
endroits où l'on peut commander mes livres sur Internet comme
les sites Le Livre-Français et À la Page: www.idlivre.com/rolandmichel.tremblay
Et n'oubliez pas que mes livres sont tous téléchargeables
en entier gratuitement sur mon site littéraire appelé
l'Anarchiste Couronné Littérature: www.lemarginal.com
-Vous avez décidé d'assurer la continuité
de la Toile gaie du Québec, pouvez-vous nous expliquer vos
motivations?
J'étais le correspondant londonien de la Toile gaie du Québec
et lorsque Pierre Goudreau m'a annoncé qu'il voulait découvrir
de nouveaux horizons, je trouvais triste que les archives et tant
de travail disparaissent. Je lui ai demandé si je pouvais
mettre les archives en ligne si je créais mes propres sites
gais, heureusement il a accepté.
Ainsi nous retrouverons bientôt plusieurs
collaborateurs de la Toile gaie du Québec ainsi que leurs
articles précédents sur deux nouveaux sites qui seront
sans doute déjà en ligne lorsque vous lirez cette
entrevue. Ces sites s'appellent Le Marginal (www.lemarginal.com)
et The Marginal (www.themarginal.com).
Ce sera une bonne surprise en un nouveau concept
non commercial. J'espère que vous aimerez, nous aurons justement
un spécial Michel Tremblay d'ici la fin de l'année,
ça promet.
Richard Chartier
Vous trouverez d'autres
critiques de livres de Richard Chartier sur le site internet du magazine
RG : www.rgmag.com
02-10-24
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Entrevue
avec Roland Michel Tremblay, auteur du roman l'Attente de Paris
DES LIVRES POUR
S'INSPIRER DE LA VIE!
RC : À la lecture de ton livre "L'Attente
de Paris", j'ai constaté que tu utilises un style littéraire
simple, direct et qui évite d'utiliser des mots trop "intellectuels".
Est-ce volontaire de ta part ?
RM
: Cette question est très intéressante car en
effet l'Attente
de Paris a un seul niveau d'interprétation et c'est écrit
d'une façon spontanée. Cependant ce n'est pas le cas
de mes trois autres livres publiés qui sont tous très
différents les uns des autres, même du point de vue
du style littéraire.
Par exemple, l'Éclectisme
est davantage un essai philosophique qui utilise même un jargon
relatif à la science fiction, pour ne pas mentionner Star
Trek. Et Denfert-Rochereau
est davantage un roman dont le style est plutôt littéraire.
C'est volontaire, mais cela a une explication. J'écris
toujours deux livres en même temps. Un qui est mon journal
qui sera transformé en un roman, comme l'Attente de Paris
qui a sa version journal appelée Underground
que l'on retrouve sur mon site (www.lemarginal.com).
Et un autre livre que j'écris en parallèle et qui
est une uvre littéraire fictive qui diffère
de mon existence, mais s'en inspire tout de même. Ce deuxième
livre est d'un style plus recherché, sans contenir cependant
de mots trop intellectuels qui ne viennent pas naturellement. Je
ne suis pas un de ces fervents littéraires qui croient qu'il
faille un dictionnaire pour lire un livre ou que les mots compliqués
prouvent la qualité d'une uvre.
On m'a souvent dit que l'Underground était
meilleur que la version roman l'Attente de Paris, car c'est beaucoup
plus instantané. Mais il faut être connu afin de réussir
à faire publier un journal, donc j'en fais des versions romans
différentes, transformant le héros d'un être
gai à un être hétérosexuel.
On pourrait m'accuser de ne pas m'affirmer en transformant
mon journal en des romans hétérosexuels, mais je le
fais pour une seule raison : pour ne pas enlever l'intérêt
du journal qui lui aussi sans doute sera publié un jour.
Alors vaut mieux que le roman diffère de l'original, sinon
le journal ne sera jamais publié.
RC
: Ton personnage principal, Julien, est souvent en proie à
des révoltes contre la société, son fonctionnement
et ses principes. Peut-on affirmer qu'il te représente ?
RM : Je suppose qu'il est un anarchiste en
attente d'être couronné, ce qui est le titre de mon
site littéraire (l'Anarchiste Couronné Littérature)
et donc le titre qui couronne toute mon uvre. J'aime dire
que je ne suis pas un anarchiste, ou du moins pas un anarchiste
politique, mais on dirait que ça revient toujours dans mes
livres. J'ai même un livre qui s'appelle la Révolution
où l'anarchie et la révolte sont également
les sujets du livre, bien que ce soit plus songé que l'Attente
de Paris.
Il n'y a aucun doute que Julien c'est moi, puisque
le livre était un journal à l'origine. J'ai même
la version Underground
Uncut (non coupée, non corrigée) sur mon site
qui contient 650 pages de plus que l'Attente de Paris. Dans cette
version j'entre dans bien des détails inutiles pour un roman,
mais qui aident à comprendre les passages du roman.
Cette version Uncut est le livre le plus populaire
de mon site l'Anarchiste Couronné et je pense que je vais
l'enlever bientôt. Car lorsque l'on dit trop ce que l'on pense,
on se fait attaquer ensuite sur des détails que l'on pensait
un jour et que l'on ne pensait plus le lendemain. Et vraiment, je
n'y vais pas avec le dos de la cuillère à propos de
mes profs et du système. Je pense qu'il y en a assez dans
la version Uncut pour me poursuivre en justice ! Juste pour dire,
dans les romans, en tant qu'auteurs, nous sommes très gentils
et mesurés.
RC : Le roman nous présente des personnages
qui vivent d'incessants remous intérieurs, plongeant dans
l'incertitude et le doute face à leur destin. Ce tableau
que tu nous dépeins de jeunes gens en crise d'identité,
à la recherche d'un sens à leur vie, est-il représentatif
de la nouvelle génération ? Si oui, n'est-ce
pas un peu décourageant pour l'avenir ?
RM : Je suis tout à fait convaincu que mon expérience
est l'expérience de la majorité des étudiants,
et un peu plus tard dans le livre, l'expérience des étudiants
québécois qui vont étudier à l'étranger.
Il est très difficile de planifier sa vie
un mois à l'avance alors que les universités nous
acceptent ou non dans un programme trois jours avant le début
des cours. Et lorsque c'est Paris, il faut toute une révolution
pour que cela survienne, et bien des miracles. La bureaucratie internationale
n'a plus de limites. Comme si la seule raison d'être des gouvernements
était de passer de nouvelles lois contraignantes, et qu'avec
le temps cela devienne impossible même de respirer.
Mais je suis convaincu que nous suivons tous une
destinée. J'ai écrit 14 livres, j'ai un éditeur
de Paris qui en a publié quatre, un autre éditeur
de Paris qui est intéressé à en publier d'autres,
ma destinée se dessine bien à l'horizon. Mais même
avec cette certitude que notre destinée va bien, il y a toujours
les doutes et les misères, et oui cela se reflète
dans mes livres.
Cela m'a pris des années pour enfin être
publié, et cela, pas grâce aux éditeurs québécois
qui ignorent encore mon existence. Mais cela n'est plus important
alors que nous avons la France, la Belgique, la Suisse et la population
francophone de l'Afrique pour nous apprécier. Sans compter
que je reçois parfois jusqu'à 8000 visites par mois
sur mon site. J'ai même été invité à
parler tous frais payés à des conférences aux
États-Unis et en Roumanie. Alors j'ai enfin le droit d'espérer
et de croire qu'il existe un avenir pour la nouvelle génération.
En ce qui concerne ma crise existentielle, elle
n'est peut-être pas si représentative de la nouvelle
génération. Je ne me souviens pas d'avoir rencontré
tellement de gens en crise d'identité ou à la recherche
d'un sens à leur existence. Mais si cela est représentatif
de la nouvelle génération, et oui il est possible
que ce soit le cas, alors ce n'est pas décourageant car il
existe une vie après les études, un succès
à trouver, une possibilité de s'en sortir. Et finalement
je suppose qu'on finit par se ranger. Mais pas dans mon cas, bien
sûr, car même le succès littéraire ne
remplira pas mon vide existentiel, qui est sans doute le thème
principal de tous mes livres.
RC : Julien est hétérosexuel et
ne semble pas s'offusquer outre mesure d'offres ouvertement sexuelles
d'amis gais, même que parfois il nous paraît ouvert
à une expérience homosexuelle. Crois-tu que cet aspect
du personnage ne reflète pas plutôt un fantasme que
certains gais entretiennent d'avoir une baise avec un hétéro
ou bien si, selon ton expérience, des hétéros
peuvent être effectivement tentés par une relation
sexuelle avec un autre gars ?
RM : Julien paraît avoir toute une histoire à
propos des gais et une tentation à ne pas être fidèle
à sa blonde, parce que dans le livre original, Underground,
il est gai. Dans la version roman j'ai dû éteindre
tout cela tout en gardant la majeure partie du livre. Alors il est
maintenant un hétéro pro-gai, et a des amis gais.
Apparemment il est possible de coucher avec des
hétéros en général, mais cela ne m'est
jamais arrivé. Cependant certains hétéros ont
cet intérêt envers moi, mais je me demande toujours
si c'est parce que je suis gai ou si c'est ma personnalité
qu'ils apprécient.
L'Attente de Paris, pris en son contexte, montre
un Julien hétéro avec des amis gais qui ont un intérêt
envers lui. Comme plusieurs hétéros que je côtoie,
Julien semble apprécier cet intérêt des gais
envers lui bien qu'il ne couchera jamais avec eux.
Je dois avouer que, dans l'Attente de Paris, Julien
est devenu un gai dans le placard. Il semble vouloir être
gai, il a des amis gais qui le désirent, mais est incapable
d'aller plus loin parce qu'il veut être fidèle à
sa blonde. C'est la transposition du personnage que je suis en étant
gai mais en voulant demeurer fidèle à mon copain.
Cela devient intéressant dans la version roman, car il est
supposé être hétéro tout en étant
confronté aux mêmes événements.
RC : Lorsque Julien arrive à Paris pour
ses études de maîtrise en littérature, rien
ne va plus dans sa vie y compris sa relation amoureuse. L'accueil
des Parisiens et le système universitaire français
sont décrits comme lourds, bureaucratiques et sans aucun
sens de la compassion ni de la solidarité. Y a t-il un lien
entre les mauvais moments dans la vie de Julien et l'accueil glacial
des Français ou si cela se déroule effectivement de
cette façon ? Est-ce là une critique de la société
française ?
RM : Puisque tout ce qui est décrit dans ce roman
est effectivement survenu, je puis dire qu'il s'agit de la réalité.
C'est sans doute une critique du système français
et des Parisiens, et cela n'était pas rose. Mais j'ai entendu
bien des histoires d'étudiants étrangers qui sont
venus étudier au Canada, et ça m'a semblé encore
plus noir. Alors peut-on en vouloir aux Français ?
Comment il faut comprendre le roman, est que Julien
n'a qu'un seul rêve, aller à Paris. Et lorsque cela
survient, il comprend que le système universitaire français
est un enfer très difficile à s'adapter comparé
au système canadien. Lorsqu'un français a une maîtrise
en littérature, il connaît tout. Toutes les différentes
grammaires de la langue française selon les siècles
et toute la langue latine. Lorsqu'un québécois a une
maîtrise en littérature faite au Québec, il
ne connaît rien du tout de la littérature. Alors comment
s'adapter ? Impossible, à moins de se mettre enfin à
travailler, et encore. Le système français laisse
la chance au coureur, mais seulement 30 % passeront les cours.
Cependant il ne fait aucun doute dans mon esprit
que certains Français sont horribles et hostiles. Être
québécois m'a énormément aidé,
juste à cause, je dirais, de Roch Voisine et Céline
Dion. Ils semblent avoir changé l'attitude des Français
envers le Québec. Avant eux, je ne pense pas que le sentiment
français aurait été aussi clément à
mon endroit. Je voudrais mentionner également qu'un étudiant
africain ne bénéficie certainement pas des avantages
qu'un étudiant québécois bénéficie
lorsqu'il débarque à Paris. J'ai donc été
chanceux, bien que cela ait été très difficile.
C'est ce sentiment hostile parisien qui m'a fait
retourner au Canada au lieu de continuer ma maîtrise à
Paris. Et c'est seulement les regrets de ce retour qui m'ont fait
revenir à Londres, car il m'était impossible de revenir
en France à cause des lois de l'immigration.
La fin de cette histoire où Julien obtient
finalement sa maîtrise en littérature à l'Université
de Londres se retrouve dans la suite de la trilogie Underground
que l'on retrouve sur mon site. La suite s'appelle l'Attente de
New York et l'Attente de Londres. Mais comme les versions romans
ne sont pas encore prêtes, les livres s'appellent respectivement
Mind The Gap et No Way Out.
RC : Ton livre a été publié
par les éditions iDLivre.com. Peux-tu me parler de ce qui
s'est passé lorsqu'ils ont pris l'initiative de t'éditer ?
RM : Au départ, sous le nom de l'Anarchiste Couronné,
je souhaitais partir ma propre maison d'éditions. Mais après
quelques recherches intenses et considérant mes ressources,
il m'a été impossible jusqu'à maintenant de
le faire.
Avec le temps iDLivre
Éditeur est arrivé dans le décor. iDLivre
est une nouvelle maison d'éditions moderne de Paris remplie
de nouvelles idées, dont l'accès gratuit aux livres
sur l'Internet, les téléphones mobiles et les Pocket
PC, tout en imprimant et distribuant les livres. Pour plus d'informations
à ce sujet, je vous invite à écouter l'entrevue
que j'ai donnée à Radio-Canada et qui se retrouve
sur mon site : www.lemarginal.com/radiocanada.htm
C'est iDLivre qui m'a contacté en premier,
après une visite de mon site. Ils ont finalement décidé
de publier quatre de mes livres parce que, selon leurs dires, ils
étaient incapables de décider entre les quatre livres
que je leur avais envoyés. Ils étaient surtout intéressés
par l'Anarchiste,
un livre assez scandaleux et ouvertement gai. Cela m'a bien surpris,
pour un livre que j'avais effacé mais dont j'ai retrouvé
une vieille copie sur mon ancien ordinateur portatif que j'avais
prêté à un ami.
Je crois qu'ils étaient moins intéressés
par l'Éclectisme, mais comme c'était le livre qui
avait été publié en extraits à deux
reprises par des gens qui y croyaient, dont Guérin Éditeur
et un magazine aux Pays-Bas, ils ont décidé de le
publier également.
Je pense que la maison d'éditions iDLivre
s'intéresse plus particulièrement à la littérature
francophone hors France, et cela implique des auteurs qui parlent
de toutes ces lois d'immigrations, de l'impossibilité d'habiter
en France et des difficultés d'adaptation lors de l'emménagement
dans un nouveau pays. L'Attente de Paris a la qualité de
montrer qu'il est aussi difficile pour un Québécois
d'emménager en France que pour, par exemple, un Algérien.
Cela dénotait sans doute un intérêt, car la
croyance populaire en France est qu'un Québécois peut
habiter à Paris assez facilement.
RC : Tu as également écrit d'autres
ouvrages dont un recueil de poèmes. Explique moi en quelques
mots le contenu de chacun de ces livres.
RM : Ce qui est passionnant à mon avis dans les quatre
livres publiés, c'est que bien qu'ils soient tous très
différents au niveau du style d'écriture et du contenu,
ils ont tous été écrits à la même
époque : lors de mon arrivée à Paris puis mes
séjours à Toronto, New York, Bruxelles et Londres.
Lire ces quatre livres en dirait long sur mon existence et qui je
suis, car ma vie y est là, éparse à toutes
les pages. Je doute qu'aucun de ces livres n'ait vu le jour si j'étais
demeuré au Saguenay-Lac-St-Jean à faire un bac en
ingénierie comme c'est la mode dans ma famille.
L'Attente de Paris est mon journal, donc un compte
rendu précis de ma vie à cette époque. L'Anarchiste
est un recueil de poèmes noirs (si on veut) qui est de loin
mon livre le plus populaire. C'est le livre qui m'a ouvert les portes
d'iDLivre. Cela est étrange car personne ne vend de poésie
de nos jours, je suis donc bien heureux d'être reconnu pour
cela, bien que je sois loin de me considérer tel un poète
ou un Rimbaud. Certains de ces poèmes ont été
publiés à plusieurs reprises dans plusieurs magazines
et livres dont la revue l'Envol en Ontario, les Saisons Littéraires
et Poètes Québécois d'Aujourd'hui 1994-1997
au Québec. J'ai justement reçu ce matin Poètes
des Saisons des Poètes, Anthologie 1994-2001 publié
chez Guérin Éditeur qui présente plusieurs
de mes poèmes anarchiques. Ce qui confirme ce que j'ai toujours
cru : on devient poète par accident.
Denfert-Rochereau est mon premier vrai roman fictif
et je suis bien heureux du résultat. J'avais peur, non pas
de ne pas être capable de l'écrire, mais de ne pas
avoir la motivation de le terminer. Je dois avouer que cela m'a
été pénible à écrire, mais j'ai
tout de même réussi à communiquer toute une
philosophie spirituelle dans ce livre dont je suis assez fier. Il
faut dire que j'ai fait beaucoup de recherches afin de pouvoir parler
en connaissance de cause des sociétés secrètes
en France et en Angleterre. J'aime bien l'idée d'un personnage
qui tente de découvrir la spiritualité, enfermé
dans les catacombes de Paris à Denfert-Rochereau. Et j'ai
pu également intégrer toute une partie sur une sorte
de retour au Saguenay-Lac-St-Jean après des années
d'absence. Tout cela coïncidait avec mon retour dans la région
et aussi mon départ pour New York. Ce livre me semble m'avoir
été dicté, ma vie s'organisait en fonction
de son écriture. Donc pour moi ce roman a été
une aventure fantastique où j'ai pu analyser mon existence
et en ressortir une belle philosophie.
L'Éclectisme, que je n'aurais jamais cru
pouvoir publier, est à mon avis mon meilleur livre. Difficile
d'accès, c'est également mon plus intime. C'est ma
vie et mes pensées alors que je vivais à Londres,
mais c'est vague, c'est philosophique, c'est presque de la science
fiction. L'Éclectisme est la remise en question de tout,
et sans doute mon livre le plus anarchique sans même que l'on
y retrouve le mot anarchie. Après avoir terminé l'Éclectisme
et l'avoir vu sur ma table en un vrai livre publié à
Paris, je me suis dit que je pouvais maintenant mourir, que j'avais
tout écrit. Et comme il m'est difficile de me remettre à
l'écriture, j'ai encore tendance à penser que c'est
vrai. Cependant je suis en parfaite santé et somme toute
je vivrai peut-être suffisamment longtemps pour écrire,
comme Michel Tremblay, une quarantaine de livres. Alors j'espère
bien retrouver mon inspiration bientôt. J'ai d'ailleurs plusieurs
livres encore non terminés, dont un livre de science fiction
en anglais qui avance très bien et qui s'appelle The Relative
Universe.
RC : "L'Attente de Paris" et tes autres
publications sont-ils présentement disponibles en librairie
au Québec ou ailleurs dans les pays francophones ? Si
oui, est-il possible de savoir à quels endroits ?
RM : J'ignore quelles librairies au Québec ont commandé
mes livres, mais je sais qu'il est possible de commander mes 4 livres
publiés dans n'importe quelle bonne librairie. Il suffit
de leur mentionner le nom du distributeur d'iDLivre au Québec
qui est Édipresse (Site: www.edipresse.ca
Courriel: Diffusion1@edipresse.ca
Tél.: (514) 273-6141). Ils sont également disponibles
sur le site d'Archambault.
Sinon, sur le site d'iDLivre on mentionne plusieurs
endroits où l'on peut commander mes livres sur Internet comme
les sites Le Livre-Français et À la Page: www.idlivre.com/rolandmichel.tremblay
Et n'oubliez pas que mes livres sont tous téléchargeables
en entier gratuitement sur mon site littéraire appelé
l'Anarchiste Couronné Littérature: www.lemarginal.com
RC : Quels sont tes projets pour l'avenir ?
RM : Me marier et avoir des enfants. Oups,
ce que je radote. Je suis déjà marié et divorcé
(voilà pourquoi j'habite encore à Londres après
7 ans) et j'ai déjà trois chats. Mes projets pour
l'avenir sont donc de vivre de ma littérature, et c'est déjà
commencé, j'ai le droit de rêver.
J'aimerais bien aussi un jour rencontrer Michel
Tremblay pour lui botter le cul et lui dire comment il m'a été
impossible de me faire publier au Québec ayant son nom et
en étant moi aussi gai. Je blague, bien sûr...
Au moins Michel Tremblay doit savoir que j'existe
maintenant, car une recherche sous son nom conduit tout droit à
mon site. Alors c'est déjà un résultat, il
sert encore à quelque chose en ce qui concerne la relève
littéraire.
RC : Roland Michel, merci d'avoir bien voulu
répondre à mes questions.
RM : C'est moi qui te remercie pour avoir
pris le temps de me lire et de me poser des questions précises
sur mon roman l'Attente de Paris.
Richard Chartier
Vous trouverez d'autres critiques de livres
de Richard Chartier sur le site internet du magazine RG :
www.rgmag.com
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Archives des
nouveaux articles
NOUVEAU Une
trilogie littéraire émouvante signée Jean-Paul
Tessier
-La déportation des homosexuels: une honte pour l'humanité:
-Les oubliés de la mémoire de Jean Le Bitoux, éd.
Hachette Littératures, 2002
-Moi Pierre Seel, déporté homosexuel, éd. Calman-Lévy,
1994
-La déportation des homosexuels, Onze témoignages,
Allemagne 1933-1945, Lutz Van Dijk, éd. H&O, 2000
-Seconde entrevue exclusive avec l'auteur
Didier Godard
-Entrevue exclusive avec l'auteur
Didier Godard
-Lancement à Paris: Manigances, Roman par Denis-Martin
Chabot -De
Superbes Agendas, Éditions Broquet
-Roman Gai : "Du
côté des garçons", Alex George
-Comédie de Moeurs Légères: "La
nuit des reines", Michel Heim
-Roman Gai : "Dix
petits phoques", Jean-Paul Tapie
-Essai : "Le
péché, la bête et l'homme", Direction
de Jean-François Bouvet, Le Seuil
-Revue : Sélection
du Reader's Digest, juillet 2003
-Entrevue : MANIGANCES,
Roman pour adultes, Denis-Martin Chabot
-SERIAL
FUCKER, Journal d'un barebacker, Erik Rémès
-Les
fleurs sauvages du Québec, Tome I et II, Lise Daigle
et Pierre Daigle -Attirer
les oiseaux chez soi, Suzanne Brûlotte -Aménagement
paysager pour le Québec, Techniques pratiques pour le
jardinier, Larry Hodgson et Judith Adam
-Samuel de Champlain, Père de la Nouvelle-France, F.
Légaré -Antoine
Labelle, L'Apôtre de la colonisation, Pierre Couture
-Revue: Fleurs,
plantes, jardins
-Revue: Sélection
du Reader's Digest, Avril 2003
-Rencontre avec l'auteur Pierre
Salducci -Histoire
de guerre
-Le Retour - Introduction
-Récit : Du fond
de ma cabane, Éloge de la forêt et du sacré,
Jean Désy
-Roman : Un amour de Salomé,
Linda Leith
-Roman : Ring,
Normand Cazelais
-Roman : La
Porte du soleil, Elias Khoury
-Revue : Avant/Après
: les secrets des plus belles Salles de bains
-Revue : Guide complet d'initiation à la Culture
hydroponique
-Littérature
gaie : « Le
couple homosexuel et le droit », Flora Leroy-Forgeot
et Caroline Mécary
-Essai : « Un
poète en politique : les combats de Victor Hugo »,
Henri Pena-Ruiz et Jean-Paul Scot
-Essai : « Jean
Girard, musicien en Nouvelle-France », Élisabeth
Gallat-Morin
-Essai : « Plaidoyer
pour la paix », Érasme, Traduit du latin et
présenté par Chantal Labre
-Loisirs : « Étiquette
et règles de golf pour tous », Pierre Allard
-Un essai de Jean-Paul Dubois pour mieux connaître l'Amérique
profonde : « Jusque-là
tout allait bien en Amérique »
-Un roman d'enquête de Guillaume Prévost qui se déroule
à la Renaissance dans les rues de Rome : « Les
sept crimes de Rome »
-Des suggestions de cadeaux :
des livres sur les oiseaux et les champignonsDes revues
intéressantes et passionnantes pour les amateurs d'oiseaux
et du Moyen-Âge
-Le fameux et bouleversant livre de Michel Dorais : « Mort ou fif »
-Le thriller de William Bayer : « Mort d'un magicien »
-Un beau bouquin sur la nature : « Les prodigieux secrets
de la nature »
-Les extraordinaires guides d'identifications des éditions Broquet
sur les oiseaux québécois
-Entrevue avec Roland
Michel Tremblay parue dans la magazine RG
-Entrevue exclusive avec Roland Michel Tremblay à propos
du roman « l'Attente
de Paris »
Archives des anciens articles (à
venir)
- Mystérieux Mozart
- Les souffles du monde / Spiritualité
- Nouvelles / Masculins singuliers
- Biographie de Madonna et Fleurs, Plantes et Jardins
- Faussaires et suggestion de Pâques pour
les jeunes
- Léonard de Vinci, les "jardiniers
paresseux", propriétaire d'un immeuble à revenus...
- Éric Laurent au sujet de la maladie de
la vache folle.
- Aussi, un essai concernant la fondatrice de l'hôpital
Ste-Justine...
- La biographie de Rimbaud, ce poète gai,
fascinant et troublant...
- Maurice Duplessis Duras Marguerite Gabriel Valérie
De quoi demain Bilan de vie
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