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Point de vue
Roland
Michel Tremblay
Sommaire
Mon nouveau livre publié
à Paris ce vendredi
Réflexions d'un écrivain
L'heure des bilans, La littérature
québécoise à une conférence littéraire
de l'Université de Tulsa (Oklahoma)
La lucidité par l'alcool
Questions de Julien Laze à
R M Tremblay
Les Suicidés de
la Société
J'aime mieux mourir que de
souffrir
Mes cinquième et sixième
livres sont publiés à Paris :
Un Québécois à New
York (Mind The Gap)
Un Québécois à Paris (Underground)
Cliquez sur les images pour agrandir. Disponibles dans les librairies
gaies de Paris dès maintenant (Les Mots à la Bouche,
Blue Book), ainsi que Virgin Mégastore, la FNAC et autres
librairies en France, en Belgique et en Suisse. Pour le Québec,
ce sera pour bientôt.
Vous pouvez l'acheter en ligne ainsi que mes autres livres :
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Éditeur : http://www.textesgais.com
Lisez les 50 premières pages sur mon site :
http://www.lemarginal.com/underground.htm
http://www.lemarginal.com/mindthegap.htm
Lisez les
premières critiques très positives parues
dans plusieurs magazines en France
Mon nouveau livre publié à
Paris ce vendredi
Eh oui, mon cinquième livre sera publié cette
semaine pourtant je me sens mort. Désabusé de
la vie. Peut-être parce que je n'ai plus un sou et que
je me demande comment je vais payer mes comptes ce mois-ci.
Je ne pense même pas au mois de janvier. Si je ne trouve
pas un emploi demain matin, je suis foutu. Mon nom sera hypothéqué
à jamais sur tous les ordinateurs de la planète.
Il y avait un temps où le rêve
d'être un écrivain publié me fournissait
suffisamment d'énergie pour me maintenir en vie. Aujourd'hui
ce rêve est mort et être publié ne change
rien à ma vie. Parfois j'aime me dire : et si cette fois-ci
cette publication changeait tout? Et si cette fois-ci tu seras
connu au-delà de toute la francophonie et qu'au moins
dans les milieux littéraires on reconnaissait ton nom?
Est-ce qu'André Gide savait lorsqu'il publiait son premier
livre qu'il deviendrait un classique de la littérature
française?
Je dois avouer que même si c'était
le cas, même si demain matin une révolution se
préparait autour de mon nouveau livre et que tout changeait,
je suis tellement déconnecté que rien ne changerait
à ma vie. Je ne peux tout de même pas devenir plus
prétentieux que je ne le suis déjà, au
contraire, cette prétention me semblerait encore plus
injustifiée, insignifiante, désolante.
De toute façon je ne crois plus au messie,
je crois n'y avoir jamais cru. Ce livre disparaîtra aussi
vite qu'il apparaîtra sur les étagères des
librairies de Paris. Je n'écris pas pour les masses d'aujourd'hui,
j'écris pour les masses du futur, après ma mort
(que j'aime me convaincre). Lorsque les étudiants d'universités
bizarres reprendront mes livres pour les décortiquer
page par page. Alors sans doute y verront-il le génie?
Sans doute que non. Ce qui est triste dans cette histoire n'est
pas qu'il n'y a peut-être pas de génie dans mes
écrits, mais que chaque année à étudier
la littérature on m'a brandit une centaine d'auteurs
qui tous apparemment sont des génies. Il n'y a pas de
génies en littérature, croyez-moi. Un génie,
il y en a un par histoire de l'humanité, et Einstein
est déjà mort.
Il me faudrait faire du marketing, de la promotion,
vous expliquer comment acheter ce livre, vous montrer sa couverture.
Mais cela ne me tente pas. De toute manière cela ne changerait
rien à la durée de vie de ce nouveau livre. Il
explosera sur votre table en janvier ou alors vous n'en entendrez
plus jamais parler, sauf peut-être sur ce site. Il y a
aussi que j'ai été interviewé pour la télé
au Québec, Musique Plus et TQS… mais cela ne vous
intéresse pas. Alors je ne vois pas l'intérêt
de vous en dire plus. Je n'ai même plus de vanité,
de fierté, de prétention. Je dois être près
de la mort.
Roland Michel Tremblay
www.lemarginal.com
03-12-15
Éditeur : http://www.textesgais.com
Lisez-le avant qu'il ne disparaisse de mon site :
http://www.lemarginal.com/underground.htm
Réflexions d'un écrivain
Abstractions, ou écrire avec sa
tête
Chaque fois que je termine un projet qui a consumé tout
mon temps pendant un moment, je me retrouve à faire un
bilan de ma vie: où j'en suis, où je m'en vais,
comment vais-je réussir à sortir de ce marasme.
Pendant plus d'un mois maintenant je lis sur
Einstein et sa célèbre équation E=mc2
pour un documentaire à gros budget et puis soudainement
je tombe à plat. C'est fini. Mais ça risque de
repartir pour deux ans solides dans un mois, et à bon
salaire. C'est plus intéressant que de travailler dans
les conférences, au moins j'ai en tête la vie d'Einstein
et comment il est arrivé à repenser le monde tel
qu'on le voit. Je me rends compte que même si j'avais
les mêmes idées que lui en tête alors que
je n'avais que 10 ans, comme par exemple peut-on rattraper un
faisceau de lumière et voyager à sa vitesse pour
ainsi arrêter le temps, je me rends compte que sans avoir
d'abord compris Maxwell et la géométrie j'aurais
eu peu de chance d'en arriver à ses conclusions. Autrement
dit il m'aurait non seulement fallu étudier la physique
au complet, mais même encore plus. Il avait des amis pour
l'aider avec les maths, je me retourne pour voir qui dans ma
vie a étudié les maths, personne. Il faut être
fou pour manger des maths matin, midi, soir. Ça m'a découragé
un peu. Et je ne sais pas, sa vie est intéressante, mais
je ne voudrais pas changer de place avec lui. Et je regarde
ma vie, et je ne voudrais pas changer de place avec moi non
plus.
En un sens j'aimerais avoir du succès,
être reconnu, mais dans un autre sens je comprends que
le succès que j'ai déjà est sans intérêt.
Comment plus de célébrité pourrait m'apporter
davantage?
Ce qui me ramène au pourquoi je vis,
qu'est-ce que je voudrais vraiment faire de cette vie. Et tout
pointe vers cette fameuse liberté. Il me faut cette liberté
à n'importe quel prix. Celle de partir aujourd'hui même
pour Venise pour écrire de la poésie, ou Rome
pour m'enfermer dans une chambre d'hôtel pour me saouler
toutes les nuits à écrire un long roman psychédélique
comme jamais vous n'en lirez d'autres dans votre vie.
J'aimerais m'acheter un clavier et tenter de
faire de la musique, écrire des chansons. Prendre un
pinceau et peindre l'univers. La liberté de ne pas s'inquiéter
avec le lendemain, l'argent, et de ne pas avoir dormi de la
nuit. Comme ce matin, il est 6h14 et je dois aller me coucher.
Qu'est-ce que j'ai fait cette nuit? Rien. J'ai à peine
rêvé à un monde meilleur où cette
liberté me serait garantie.
Tant de livres je voudrais lire aujourd'hui,
je maudis Dieu de ne pas avoir eu l'intelligence de dessiner
le cerveau humain tel un disque dur d'ordinateur. J'aimerais
tout absorber d'un coup en un temps record. J'ai 25 livres sur
Einstein à mes pieds, je n'ai eu la chance que d'en lire
deux en un mois intensif de recherche. Et j'ai failli mourir
à la tâche sur une de ces briques de 500 pages.
Les grandes idées, c'est ma vie. Trouver
l'idée à poursuivre, à consacrer sa vie
pendant des mois à se tuer à la tâche. J'en
ai eu de ces idées, la plupart ont terminé dans
des livres, à la télévision, au cinéma.
Mais il me faut plus, il me faut l'idée qui va tout révolutionner,
tout remettre en question. L'idée pour laquelle on reçoit
un Oscar, comme mon directeur actuel, ou l'idée comme
La Matrice qui va influencer le monde du cinéma pour
toujours. Une explosion d'idées à poursuivre,
à déchiqueter, à transmettre sous forme
poétique et grandiose. Un opéra, c'est un opéra
qu'il me faut écrire!
Je me retrouve dans ces lieux où l'on
me questionne, on me demande des idées sur demande, de
justement révolutionner la planète, et je me vois
là perdu à me questionner, à chercher à
travers les neurones de mon cerveau ce qui pourrait impressionner
à l'écran. Je me surprends moi-même par
mon potentiel, j'ai l'imagination fertile, mais de mon point
de vue c'est insuffisant. Je me demande si on peut demander
aux autres de nous trouver ces idées, si on peut s'asseoir
un matin et se dire: trouvons des idées. Je pense que
tout projet devrait tout d'abord partir d'une motivation personnelle,
une idée géniale qui nous appelle à elle
et que nous devons à tous prix développer. Et
avec l'énergie nécessaire, rendre ce projet à
terme. Sinon, où est la volonté, le désir
ardent de créer quelque chose qui nous sort des tripes?
Il est difficile de développer sur les
idées des autres, partir de quelque chose qui n'est pas
notre passion pour en faire notre passion et s'écorcher
une année de recherche dans les équations d'Einstein.
Heureusement la Relativité est une de mes passions, alors
c'était presque inespéré, peut-être
une coïncidence qui n'en est pas une. Pourtant j'ai encore
des limites, des clôtures, un cadre de référence
dans lequel je dois développer cette passion. C'est encore
la vision d'un autre, d'un autre que je n'ai pas rencontré
et qui aurait mieux fait de voir de plus près à
sa vision avant qu'elle ne devienne celle d'un autre, la mienne
en l'occurrence.
Et je me demande quand donc aurais-je moi la
chance de poursuivre mes propres visions, mes propres projets.
Moi aussi je voudrais me lever demain matin, engager des recherchistes
et faire mon propre film. Plusieurs l'ont fait, en quoi suis-je
différent? Est-ce qu'il y a quelque chose que je ne fais
pas et que je devrais faire? Écrire mes projets et quémander
au gouvernement pour les fonds? C'est possible.
Au moins j'ai l'écriture. J'ai eu des
visions et j'ai écrit des livres. On les lit, j'ai des
milliers de visiteurs à chaque mois. 60,000 personnes
par mois, pendant 12 mois, 720,000 personnes visiteront mes
sites cette année, et l'année prochaine sans doute
un million. Pourtant tout pourrait changer du jour au lendemain
et ce pourrait être 10 millions, 50 millions. Je suis
incapable de franchir cette frontière, c'est-à-dire
du jour au lendemain me faire entendre, quelque chose qui surviendrait
qui soudainement, au lieu de grandir péniblement avec
le temps, le compteur deviendrait fou. Parfois je pense que
si je tuais une famille complète, avec les enfants et
surtout les animaux domestiques, je me ferais entendre. La machine
PR qui fait que ce que tu fais en dehors de ton art t'apporte
à la une des journaux et finalement tu deviens reconnu
pour autre chose que ton art. C'est surtout cela la célébrité,
se faire connaître. Un scandale, et Michel Tremblay en
était rempli de ces scandales à chacune de ses
premières œuvres. Les journaux en avaient des choses
à dire, même si aujourd'hui rien de tout cela n'est
vraiment scandaleux. Je pense que je vais aller chercher mon
fusil et faire disparaître cette pauvre famille. On pourra
dire que j'étais un anarchiste pur et dur même
si je n'ai aucune idée de la définition d'un anarchiste.
Je ne suis pas né pour demeurer un inconnu
qui n'a rien fait de sa vie. Je suis né pour être
un marginal qui franchira les frontières, qui remettra
la vie en question. J'ai une prétention à tout
casser, le problème est que l'on ne peut être prétentieux
que si l'on a effectivement remis le monde en question et eu
un grand impact sur l'existence. L'autre problème est
que j'ai l'impression d'avoir terminé mon œuvre,
d'avoir tout dit dans mes quelques 16 livres et de ne plus avoir
besoin d'écrire un autre livre superflu. Et je me demande
si justement tout cela n'était que le prélude
et qu'en fait il me faudrait récréer le monde
une nouvelle fois, ou une première fois puisque la première
tentative semble avoir échouée.
La voisine de mon père à Chicoutimi n'a probablement
jamais entendu parler d'un écrivain qui s'appellerait
Roland Michel Tremblay (la bitch, faudrait la pendre pour ce
crime). Elle dirait sans doute: vraiment, votre fils est Michel
Tremblay? J'ai abandonné l'idée que c'est par
mes livres que je serai reconnu un jour. Et tant que je ne suis
que dans l'ombre de ces grands avec qui je travaille sur des
séries télévisées, des films et
des documentaires, je ne suis rien, je ne suis qu'un élément
dans un groupe immense. C'est peut-être toutes mes idées
mais elles ne m'appartiennent plus, elles appartiennent au directeur,
au producteur, ce n'est pas moi qui irai chercher cet Oscar,
et de toute manière je m'en fous.
Un jour j'ai rencontré un écrivain
à Ottawa qui m'a dit qu'il a commencé à
être heureux le jour où il a accepté qu'il
ne deviendrait jamais un écrivain et qu'il a arrêté
d'écrire. Et je me demande si un jour je devrai en venir
au même constat. M'accepter vaincu et ne plus rien faire
de ma peau sauf peut-être de me nourrir des visions d'autres
plus chanceux ou géniaux qui ont réussi à
nous transmettre leurs grandes œuvres créatrices.
Et je suis prêt à en venir là, j'aimerais
en arriver là. Mais pas avant d'avoir trouver cette liberté,
la liberté de vivre isolé dans le sud de la France
avec ma petite maison perdue sur le Canal du Midi. Quand j'en
arriverai à vivre là et de réussir à
avoir suffisamment d'argent pour survivre sans avoir à
travailler dans un bureau de 9 à 5 chaque jour, alors
oui, je m'accepterais vaincu.
Le problème est que le seul moyen d'obtenir cette satanée
liberté est si je réussis à percer avec
mes livres ou de travailler comme conseiller/recherchiste à
distance. Je serai peut-être chanceux, de l'argent me
tombera peut-être du ciel d'une autre manière.
Je ne m'attends pas à recevoir d'héritage pourtant.
La loterie... mais je n'achète pas de billet. Le plus
triste de cette histoire serait de m'avouer vaincu sans avoir
ma liberté et de devoir travailler dans un bureau de
Londres à produire des conférences jusqu'à
la fin de mes jours. Autant se tirer une balle dans la tête.
Je suis coincé. Que me reste-t-il? Des
idées, des visions à développer. Continuer,
recommencer, écrire. Le Salut viendra peut-être
de là. Faire une croix sur mon passé, recommencer
à zéro.
Si je n'avais jamais rien écrit jusqu'à
maintenant, et que je décidais de commencer ma première
œuvre, ma première grande œuvre comme les nouveaux
écrivains rêvent toujours, qu'est-ce que j'écrirais?
Des nouvelles sans doute, tout écrivain commence par
là. Les vrais écrivains, pas ceux qui raisonnent
et qui se disent passé la trentaine: tiens, aujourd'hui
je vais écrire un roman, à écrire trois
heures par jour pendant trois mois. Ceux-là sont de faux
écrivains, ils ne sont pas nés pour cela.
Mon problème est peut-être que
je suis né avec ce désir d'écrire sans
cesse, sans raison peut-être, pour répondre à
ma crise existentielle. Peut-être que c'est justement
le contraire que je devrais faire, m'asseoir maintenant que
j'ai passé la trentaine et raisonner. Me dire que je
vais aujourd'hui écrire un roman à la Milan Kundéra
qui sera pesé et calculé du début jusqu'à
la fin, écrit de façon artificielle trois heures
par jour pendant trois mois plutôt que directement du
cœur et des tripes toutes les nuits durant.
C'est avec la tête que l'on écrit
des livres intelligents, romancés, dramatiques? Avec
un cours universitaire qui te dit comment écrire un bon
livre avec une mise en situation, un développement, des
rebondissements et une finale intéressante qui enveloppe
le tout? Je n'ai jamais suivi aucune de ces lois, à mon
avis elles apparaissent naturellement au cours de l'écriture,
je n'ai jamais cru qu'il me fallait autant calculer mécaniquement
la prochaine page de mon livre. Mais peut-être que j'avais
tort finalement et ces professeurs de français téteux
avaient raison.
Je pense que je vais m'avouer vaincu et arrêter
d'écrire.
Roland Michel Tremblay
www.lemarginal.com
03-07-19
L’heure des bilans
La culpabilité m’a toujours rongé
l’intérieur, un vrai catholique qui a été
lavé du cerveau par la société. Mais de
quoi me sens-je coupable ? De tout, surtout d’exister.
Ce qui me laisse songeur, devais-je exister ou non ? Peut-être
est-ce une erreur de la nature, peut-être devais-je mourir
à la naissance ou alors peut-être que la plupart
des moi qui existent dans les mondes parallèles au nôtre
sont tous morts et que je suis un des seuls survivants. Cela
expliquerait ma crise existentielle.
Cliquez
ici pour voir des photos des environs aux États-Unis
(Oklahoma, Arkansas, Missouri, Tennessee et Illinois)
Peut-être ai-je eu trop de temps à
moi et qu’il est temps que je retourne travailler au centre
de Londres. Un emploi banal et pourri avec des gens méchants
qui ne pensent qu’à leur ambition et à leur
salaire, et qui, mécontents de devoir travailler et de
se faire ainsi voler leur existence, doivent tout faire pour
rendre notre existence insupportable. En effet, j’ai eu
trop de temps pour écouter les nouvelles, suivre les
guerres avec les terroristes, les gens d’Afghanistan,
d’Iraq, d’Israël et de Palestine. Et puis La
Corée du Nord et les maladies en Chine et au Canada.
Soudainement je me demande vraiment comment la race humaine
survivra à tout cela, ça me donne l’impression
que nos jours sont comptés et que nous disparaîtrons
tous bien plus vite que nous ne le pensons. Et pourtant cela
ne m’affecte pas du tout.
Vous ne trouverez sans doute pas beaucoup de
gens qui affirmeront que la fin de l’humanité est
une chose comme une autre et que cela laisse indifférent.
Je suis incapable de trouver les arguments qui justifieraient
pourquoi l’humain devrait être sauvé indéfiniment.
Son existence ne fait pas beaucoup de sens au sens de la logique.
Voilà sans doute pourquoi les philosophes n’ont
jamais réussi à donner une réponse à
ce qu’est l’univers et ce que l’homme fait
dans cet univers. Et ces questions sont d’ailleurs déjà
très éloignées de la vie quotidienne de
chacun de vous. Pris au premier degré, c'est-à-dire
à considérer votre vie où vous aller travailler,
pour revenir le soir écouter la télévision
et repartir au travail le lendemain, ne fait certes aucun sens
et ne justifie pas que l’humain survive les cataclysmes
et les intempéries pour cela, pour que cette misérable
existence où nous ne faisons que tourner en rond soit
préservée. Au moins si je pouvais dire que ce
que vous faites aide directement à nourrir, vêtir
et construire des toits pour les autres humains, alors nous
pourrions dire que nous travaillons collectivement à
assurer l’espèce humaine, à préserver
la vie dans l’univers pour peu importe la raison, comme
un virus qui tente par tous les moyens de se multiplier et de
tuer tout ce qui l’entoure. Cependant je suis certain
que la plupart d’entre-vous travaillez sur des ordinateurs
à entrer des chiffres et des lettres pour Dieu seul sait
quelles raisons, que vous faites des millions pour une compagnie
quelconque qui fait Dieu seul sait quoi exactement, et qu’il
serait bien difficile d’établir comment vous aidez
l’espèce humaine à réduire sa misère.
Les guerres, qu’en penser ? Je ne
sais pas. Encore une fois je suis bien loin de toutes ces choses,
je ne me sens pas concerné par ce qui survient sur cette
planète. Je ne prends jamais position et je n’ai
jamais voté, jamais. Ni pour un gouvernement, ni pour
un référendum quelconque, ni pour un président
d’école. Ah oui, j’ai voté pour moi
une fois, pour être président de mon école,
mais j’ai perdu mes élections. Tant mieux…
Éviter de prendre position est toujours avantageux, cela
permet de ne pas être pris au piège après
coup. L’histoire ne se souvient jamais des événements
tels qu’ils apparaissent avant et pendant ces événements.
Ainsi on aurait pu supporter Staline et son communisme, ou Hitler
et son fascisme, ils étaient somme toute très
séduisants dans leurs discours, seulement après
on aurait pu être pendu pour crime de guerre et accusé
d’être complètement stupide pour avoir pris
de telles positions. Facile à dire après coup,
alors que l’on apprend la vérité. La triste
vérité que l’humain au pouvoir, quel que
soit le pouvoir (politique, religieux, médiatique) ment
toujours et mentira toujours et que le reste est influençable
et naïf de ne pas avoir su discerner la vérité
à travers tout cela.
Lorsque j’étais jeune et jusqu’à
mon départ pour Paris voilà quelques années,
je lisais trois journaux différents par jour : le Devoir,
la Presse et The Citizen d’Ottawa. Parfois aussi Le Droit
de Hull. Comme si ma vie en dépendait, de savoir ce que
les politiciens faisaient, ce qu’ils disaient, ces interminables
discours sur la souveraineté du Québec ou le fédéralisme,
ces débats sur la religion et ce qui est bien de faire
ou non en société. Il me fallait lire au moins
trois journaux d’endroits différents et de provinces
ou de langues différentes afin d’en savoir un peu
plus sur la vérité des événements
rapportés, car tous ces journaux se contredisaient et
rapportaient les nouvelles de façons très différentes.
Je ne vais pas ici parler de la subjectivité des médias,
nous en sommes tous conscients, et des règles du discours
et erreurs argumentatives. Peu importe.
Lors de mon emménagement en Europe, soudainement
je me sentais trop loin de tout cela pour continuer à
lire les journaux du Canada et j’avais trop peu d’intérêt
pour ce qui se passait en France pour lire les journaux locaux.
Aujourd’hui en Angleterre je lis le Evening Standard assez
souvent mais cela ne sont pas des nouvelles, c’est plutôt
un divertissement. La preuve est qu’à part la page
1 et 2, rien de ce qui se retrouve dans ce journal ne se retrouvera
dans les autres quotidiens londoniens.
L’important est de comprendre que rien
n’est important. J’ai entrevu une ligne sur le parti
Québécois qui passait sur CNN Europe et j’en
ai déduit qu’il y avait eu des élections
au Québec dernièrement. Ce qui est extraordinaire
est que j’ignore qui a gagné. Et cela ne m’intéresse
même pas. Se libérer des ces choses est déjà
un pas important vers la paix et la brisure d’un certain
conditionnement social dont beaucoup sont les victimes. On ne
me lavera pas du cerveau trop facilement, je questionne tout
et je prends difficilement position. Je prends le recul nécessaire
et je prends mes propres décisions. Bref, je vis et je
laisse vivre, et si plusieurs d’entre vous faisaient la
même chose, la vie serait déjà bien plus
facile pour tout le monde.
Je
reviens de parler à une conférence à l’Université
de Tulsa dans l’État d’Oklahoma, Crossing
Borders, Literary Symposium. Très à propos
puisque ma vie a justement été jusqu’ìci
de traverser les frontières, d’écrire et
de tenter de demeurer hors des frontières du Canada,
souvent de façon illégale. C’est bien connu,
les humains n’ont le droit que de vivre là où
ils sont nés. La multiplication des frontières
réduit de façon radicale leur liberté d’habiter
l’ailleurs. Juste pour cette raison je suis bien heureux
que le Québec ne soit qu’une province et non un
pays, cela signifierait que les Québécois ne pourraient
habiter nulle part ailleurs dans le monde qu’au Québec.
Au moins aujourd’hui on peut sacrer le camp en Colombie-Britannique
quand on ne peut plus s’endurer et qu’il faut s’enfuir.
Les conférenciers venaient de partout en Amérique,
plusieurs d’Amérique Centrale et du Sud. Nous avons
parlé du problème des frontières et du
langage, des droits et libertés des humains, de littérature
et de son rôle dans l’émancipation des nations.
J’ai fait un long discours sur la littérature québécoise.
Vous pouvez télécharger ma présentation
en anglais en cliquant ici :
Présentation
PowerPoint en anglais sur la littérature québécoise
(attention, c'est 1860 KB)
Extrait
d'Encarta en Anglais (MS Word) sur la littérature québécoise
(61 KB)
J’avais un peu honte d’avouer qu’à
peu près tous les grands auteurs du Québec sont
et ont été obsédés par la situation
politique et religieuse du Québec, et que pendant longtemps
et encore aujourd’hui ce qui prévaut est le roman
paysan. Je n’ai pas de grand sentiment nationaliste qui
m’a fait crier sur tous les toits d’Oklahoma que
le Québec était un pays souverain ou devrait l’être.
Je ne leur ai pas dit non plus que j’étais un fédéraliste
et j’ai bien sûr raconté certains faits de
l’histoire qui sont indéniables, les Anglais contre
les Français et le rôle de la littérature
québécoise dans tout cela. Ce que je n’ai
surtout pas manqué de dire est que dans les 16 livres
que j’ai écrits, je ne parle pas de la situation
géopolitique du Québec. Qu’en fait, je suis
à contre-courant de toutes ces histoires et que cela
expliquait peut-être pourquoi j’étais publié
en France et non au Québec et qu’il semble que
l’on parle davantage de ma littérature en Afrique
francophone que dans les médias québécois.
Semblerait
que mon livre Denfert-Rochereau
est une bonne réponse à l’État redneck
qu’est Oklahoma et son État voisin Arkansas. Et
peut-être aussi que l’Anarchiste
est plus à propos chez les Africains que chez les Québécois.
C’est un des avantages de ne pas être toqué
sur le Québec et la souveraineté. On parle globalement,
ce que l’on écrit peut dire quelque chose à
n’importe quelle nation, pas une seule en particulier.
La professeure qui m’a invité à parler à
cette conférence m’a proposé de traduire
en anglais mon livre Denfert-Rochereau
et je comprends pourquoi. La religion est encore forte dans
cet État, c’est un des seuls 4 États qui
dit qu’être gay est illégal, c’est
tout dire. Et son voisin l’Arkansas a trouvé le
moyen de bannir le livre Harry Potter, c’est également
révélateur de la censure qui s’opère
dans ces lieux. Mais ce sont justement dans ces endroits que
l’on rencontre des clans d’intellectuels très
activés, des lieux ou même le droit des femmes
n’est pas garanti.
Enfin, je n’y suis pas allé avec
le dos de la cuillère, j’ai beaucoup parlé
de Michel Tremblay, entrant dans les détails des sujets
comme le sexe, les gays, les travestis, les prostitués,
la drogue, l’inceste que l’on retrouve épars
dans son œuvre, à croire qu’il aurait vécu
tout cela. J’ai aussi parlé de mon amie Anne Hébert
que j’ai connue à Paris et dont je crois que je
suis l’inspiration de son dernier livre Un Habit de Lumière
où le héros s’appelle Miguel (Michel en
espagnol) et qui va découvrir le monde Underground de
Paris avec sa mère (Anne, sans doute). J’avais
donné une copie de mon livre Underground
(version intégrale) à Mlle Hébert, j’ai
cru qu’elle ne survivrait pas, au contraire, elle s’en
est inspirée. La suite d’Underground, Mind
the Gap, raconte beaucoup ces merveilleuses rencontres à
Paris avec Anne Hébert.
La partie de mon discours la plus appréciée
est sans doute celle de Denys Arcand, ils avaient tous vu le
film Le Déclin de l’empire Américain (très
à propos en ce moment) et Jésus de Montréal.
Et surtout que le Québec manque de rigueur, très
peu d’auteurs intellectuels capables d’aborder des
sujets plus globaux et philosophiques. Nos grands auteurs sont
publiés en France, incapables d’être reconnus
d’abord au Québec (Anne Hébert, Réjean
Ducharme, Jacques Godbout et même Hubert Acquin).
Il est indéniable que je suis fier d’être
québécois, à m’entendre chanter les
louanges de nos grands auteurs, comparant Émile Nelligan
à Arthur Rimbaud. Et plusieurs étudiants qui étudient
la littérature québécoise étaient
dans la salle, avides de mes paroles, alors que je croyais bien
que cela les laisserait indifférents. Voyez-vous, l’Université
de Tulsa a un programme d’échange avec l’Université
Laval et la prof responsable de cet échange a placardé
des douzaines de photos et de cadres du Québec sur les
murs de la faculté de langue. Cela m’a fait bien
plaisir.
Un
autre groupe dans la salle faisait partie de l’association
gaie et lesbienne de l’université, ils attendaient
fatidiquement le moment où j’avouerais ou pas que
je suis gai. Leurs yeux se sont illuminés lorsque je
l’ai avoué. Au départ je ne savais pas trop
si j’allais le dire ou non, nous étions tout de
même dans l’État d’Oklahoma…
je suppose que Michel Tremblay m’a donné ce courage,
lorsque je parlais de son œuvre. On ne peut pas parler
de Michel Tremblay sans parler d’homosexualité,
alors pourquoi parlerais-je de mon œuvre sans le mentionner?
Avant mon discours, moi et mon copain Mark étions
assez ignorés. Après mon discours nous étions
les rois de la conférence. Tous nous aimaient et voulaient
nous parler davantage. Nous ignorons encore si c’est que
nous étions gais ou si ma présentation a été
électrisante plutôt qu’endormante comme plusieurs
autres conférenciers.
Bref, cela a été une expérience
enrichissante. Un honneur qu’aucune université
du Québec ne m’a encore accordé et c’est
peut-être mieux ainsi, qui sait. Je suis un auteur du
monde, et non un auteur québécois. Je suis né
à Québec, mais cela n’a pas d’importance.
Je n’habite plus le Québec depuis plus de 10 ans
et je n’écris pas seulement pour le Québec.
Ainsi je ne passerai pas à l’histoire littéraire
du Québec car on ne sait reconnaître que ceux qui
parlent de notre histoire et des conditions de vie du passé.
Le prix à payer pour oser franchir les frontières
de ce monde et de vouloir explorer l’univers, et de parler
de cet univers avec un certain recul et une certaine objectivité.
Après Tulsa nous avons visité
l’État d’Oklahoma, d’Arkansas (Eureka
Springs), de Tennessee (Graceland, Memphis, Elvis Presley),
d’Illinois (St. Louis et Chicago). Il était difficile
de voir que le pays était en guerre contre l’Iraq,
mais nous avons vu beaucoup de panneaux « Support our
Troops » et des centaines de drapeaux américains.
Pas une seule fois on semble m’avoir vu d’un mauvais
œil à cause de mon accent français, au contraire,
j’étais le bienvenu partout (il n’est pas
évident pour les Américains de comprendre qu’un
francophone pourrait venir du Québec et non de la France,
ils s’imaginent que nous parlons tous anglais et que le
français est devenu un peu comme le gaélique en
Irlande, une langue morte).
Pas une seule fois avons-nous vu les French
Fries devenues Freedom Fries. Alors encore une fois on s’est
questionné sur le mouvement anti-France aux États-Unis.
Est-ce possible que seulement quelques restaurants boycottent
la France et les journaux ont tourné cela comme si ce
mouvement était généralisé à
la grandeur des États-Unis? Je n’ai aucune misère
à le croire. De toute manière, les frites ont
été inventées en Belgique, elles devraient
donc s’appeler des Belgium Fries. Et sur cette pensée
très philosophique, je vais vous laisser…
Encore une fois, cliquez
ici pour voir ma présentation en anglais à
cette conférence littéraire (1.8 MB).
Cliquez
ici pour voir des photos des environs aux États-Unis
(Oklahoma, Arkansas, Missouri, Tennessee et Illinois)
Roland Michel Tremblay
www.lemarginal.com
03-04-26
La lucidité par l'alcool
Être saoul pour un intellectuel est bien différent
qu'être saoul en collectivité et tomber par terre à
la fin de la soirée. Combien de fois ai-je été
saoul seul tard la nuit, comme cette nuit
pleins d'idées
resurgissent. Soudainement je comprends l'univers, toute la bullshit
tombe. Au lieu de m'assombrir, soudainement je vois clair, je comprends
tout. Prenez tout ce que j'ai écrit, si vous êtes capable
de lire plus de 20,000 pages de radotage. Peut-être faut-il
être saoul pour le comprendre, mais être un saoul intellectuel.
Je vais mourir dans mes idées, dans mes écrits, tard
la nuit à comprendre tous les principes de l'univers pour
moi seul. Rimbaud n'a jamais été aussi clairvoyant,
à être saoul.
Je ne voulais pas être intellectuel, mais
je vois que je n'ai pas eu le choix. C'est comme d'être gai,
on ne choisit pas. Malheur à moi, malheur sur ma vie, malheur
à mes lecteurs éventuels. Je suis tout un numéro,
un vrai clown, une vraie prostituée aux idées d'autrui.
Et le rejet systématique de tout.
Au Québec il est bien difficile d'être
intellectuel, sinon impossible. On ne prend pas cela au sérieux.
En France il faut être intellectuel, il n'y a pas d'autre
voie possible. Se saouler la gueule tard la nuit n'est pas respectable,
il faut être saoul mais plus intelligent en conséquence.
Je me demande ce soir, avons-nous des intellectuels au Québec
? Existe-t-il un auteur intellectuel impressionnant dont tout le
monde parle ? Non, car au Québec on ne lit que des romans
américains traduits. On ne connaît pas la littérature
classique comme Balzac, Zola, Pascal, Gide ou Yourcenar. Qui a lu
le Corydon ou Alexis ou le Traité du vain combat ? Et
qu'est-ce que cela a changé à ma vie d'avoir lu ces
livres ? Je l'ignore.
La vie n'est pas facile, la vie est impossible.
On se découvre plein de problèmes psychologiques profonds
et pourtant ils demeurent tellement en surface de l'existence. La
réussite sociale n'est plus importante, la réussite
amoureuse est dépassée. La gloire du chanteur rock
saoul et drogué est risible. Que reste-t-il au bout de tout
cela ? Une crise existentielle oubliée. L'oubli de notre
motivation à continuer d'exister. Jouez-vous un rôle
clé dans l'existence d'autrui ? Changez-vous quelque
chose dans la vie d'au moins quelques personnes dans votre entourage
? Et cela vaudrait-il la peine de continuer ? Peut-être.
Combien facilement on reprend une cigarette après
avoir arrêté pendant des mois. Comment facilement on
reprend une bière après avoir constaté tous
ces lendemains infernaux où l'on s'est dit : pourquoi l'alcool
existe ? Combien impossible est d'arrêter de prendre des drogues
ou d'arrêter de bouffer. Impossible. Impossible. Il n'y a
plus de lendemain à tout cela. Seul le présent existe.
Sauf que le futur est là à nous attendre, le dur lendemain
existe encore. On meurt, un article dans le journal le lendemain
et c'est tout. On passe à autre chose. On a une vie à
tenter de vivre. Mais cette vie est toujours déprimante.
Rien n'y fait, même pas de se réveiller à Rome
avec une vue superbe sur le Vatican. Et un déjeuner exquis
sur le balcon. God, c'est pas un psychologue qui va me sortir de
ma transe. Qui va régler tous mes problèmes, même
si par définition, en ce moment, je n'ai aucun problème.
Et pourtant j'ai cette liberté extraordinaire,
je peux faire ce que je veux. Je peux partir en train pour l'Écosse
demain matin si je veux. Mais je ne le fais pas, je meurs ici à
Londres à ne rien faire. Mais je vais à Cardiff (Wales)
samedi. Cette liberté que tous recherchent. On la trouve
et rien ne change à notre désespoir. Le succès
ne change rien à l'histoire, on est ce que l'on est aujourd'hui,
misérable un jour, misérable toujours.
Être poète, c'est quelque chose. Être
un poète publié, c'est encore mieux. Être un
poète entendu, c'est contre-nature. Ce n'est plus être
poète, c'est être sensationnaliste. Tellement d'opportunités
existent. Toutes ces portes s'ouvrent enfin et encore on se lamente.
Rien n'y fera. Comme la mort est attirante. Ne plus se réveiller
le lendemain, ne plus exister le lendemain. Vieillir apporte cette
idée de la mortalité, un instinct de vie qui dit :
je ne veux pas mourir, je veux vivre éternellement !
Et pourquoi ? Tous les grands politiciens sont morts, tous
les grands de l'histoire reposent quelque part dans leur tombe.
Je suis encore vivant, l'instant d'un moment, pour en parler avant
de m'effacer à mon tour dans l'infini et l'oubli total. Cela
ne donne-t-il pas le goût de créer quelque chose de
durable ? Une chanson classique qui sera reprise par plusieurs
et qui sera numéro un éternellement ? Une envie incontrôlable
de construire un chef-d'uvre inoubliable pour lequel nous
pourrons être fier même après notre mort ?
Faut-il s'asseoir sur ses lauriers ensuite, lorsque l'on sait que
l'on a fait tout ce que nous pouvions faire et ne jamais avoir à
le répéter ou se dépasser ?
Où je vis à Londres, près de
Richmond, c'est rempli d'acteurs et de chanteurs qui ont eu un impact
impressionnant sur le monde entier et qui maintenant ne font plus
rien. D'où leur est venue cette motivation maintenant morte ?
Oh, s'asseoir ici cette nuit à son ordinateur et se dire :
« bon, je vais recréer ma gloire passée,
je vais créer quelque chose d'extraordinaire et d'immortel »,
cela ne semble possible que pour les Rolling Stones qui habitent
tous juste à côté de chez moi. Pourrais-je puiser
à la source ? Moi aussi révolutionner le monde
entier par quelques notes, quelques idées ? Une révolution,
un changement absolu de tout ce qui est venu avant et qui viendra
après ? Hors du mainstream où tous les autres
se morfondent ? Pas facile.
Une mission. Comme une mission à accomplir.
Et une fois accomplie on peut s'asseoir avec sa grosse maison à
Richmond sans ne plus rien faire. Parfois je prends la voiture le
matin, je vais me faire couper les cheveux et toujours un acteur
est à côté à raconter ses expériences.
Parfois un bon rôle, parfois juste un figurant dans un film
sans importance, un soldat dans un film obscur tourné en
Grèce. Je me plais à croire que je suis comme eux,
que je puis m'asseoir sur mes lauriers, qu'en ce lundi matin je
n'avais qu'à réfléchir un peu la veille, écrire
quelques lignes, et ce matin je suis libre d'aller fouiner à
la librairie de Richmond, déjeuner en paix sur la colline
juste à côté de chez Mick Jagger. J'ouvre un
journal et je lis les rumeurs, les inventions, les suppositions
des journalistes qui deviennent soudainement des réalités
bonnes à discuter. Pourtant je n'en suis qu'au début.
Je n'ai jamais atteint leur niveau et je ne l'atteindrai jamais
non plus. Ce n'est pas important. C'est le rêve, l'illusion
qui compte.
Je vais vous laisser avec ce que j'ai accompli dans
toute ma journée à ne rien faire. J'ai répondu
à quelqu'un qui m'a laissé un message anonyme. Et
ma réponse, aussi ésotérique qu'elle vous semblera.
C'est pourtant ce qui m'anime tous les jours. Ces correspondants
qui m'arrivent avec les questions les plus bizarres et inattendues
qui pourtant sont exactement mes motivations.
Mon Dieu, il est presque 6h du matin, à midi
je dois être à la station Chancery Lane dans l'Est
de Londres pour luncher avec l'Allemande avec qui je travaillais
dans les conférences. Ce que ma vie est difficile parfois !
C'est comme cela que j'apprécie ma liberté.
Roland Michel Tremblay
www.lemarginal.com
______________
22:54, le 05/12
Message
de Julien Laze
Sujet : Communauté d'esprit
Bonjour, je ressens une profonde estime à
votre égard et votre oeuvre a été pour moi
une "révélation". J'ai suivi à peu
près le même cheminement intellectuel que le votre
en m'intéressant tout d'abord à la philosophie puis
à la physique (tout en restant très attaché
à la philo). Tout comme vous, je n'ai pas les qualifications
requises (étant étudiant en droit) pour avancer des
théories physiques. Toutefois, je constate que nous sommes
animés par la même soif de connaissance, la même
quête de Vérité. C'est devenu un besoin quasi-oppressant,
mais aussi exaltant.
Je voudrais vous poser une série de questions
:
Tout d'abord, croyez-vous en Dieu ? Que pensez-vous
de la théorie dite des "univers parallèles"
? Quelle est selon vous la "mécanique" fondamentale
animant notre univers ?
Merci et à bientôt.
______________
Londres, 5 décembre 2002
Je voudrais tout d'abord vous remercier pour vos
encouragements. Je vais maintenant répondre à vos
questions, mais je dois avouer que si vous m'aviez posé ces
questions l'an dernier, les réponses auraient certainement
été différentes. Ce qui me laisse croire que
si vous me posez les mêmes questions l'an prochain, les réponses
pourraient également être différentes.
1) Tout d'abord, croyez-vous en Dieu ?
Je vais répondre à cette question
par un extrait de mon livre l'Éclectisme, p.40 :
« Ne me demandez jamais si je crois en
Dieu. Car aujourd'hui j'y crois, demain je n'y croirai pas et après-demain
j'y croirai à nouveau. Je suppose que c'est une bonne chose,
mais je n'aurai jamais de garantie. »
www.lemarginal.com/eclectisme.htm
« Croyez-vous en Dieu », n'est
pas la bonne question. Cette question ne peut pas être répondue
sans d'abord définir ce qu'est Dieu. Ainsi je peux croire
en Dieu et je peux ne pas y croire selon la définition que
l'on peut et veut donner à ce mot.
Existe-t-il quelque chose ou quelqu'un qui nous
aurait créés ? C'est possible, mais nous ne le saurons
peut-être jamais. Cela doit demeurer une hypothèse
jusqu'à ce que nous ayons des preuves tangibles, et je n'en
ai pas encore vues.
2) Que pensez-vous de la théorie dite
des "univers parallèles" ?
Cette question est très intéressante
car justement je viens de terminer un long rapport à ce sujet
pour un film d'Hollywood qui sortira l'an prochain. Toutes les théories
des univers parallèles sont assez fraîches dans ma
tête, très séduisantes et aussi très
peu convaincantes.
Elles reposent sur certaines observations en mécanique
quantiques dont cette particule qui se retrouve à plusieurs
endroits en même temps et qui passe par la porte A et B pour
passer à travers une boîte. Et le problème du
principe de l'incertitude qui fait que l'on ne peut que savoir la
position d'une particule ou sa vitesse, mais jamais les deux. Le
fait d'observer sa vitesse ou sa position détruit également
ce que nous observons.
Je pense que les particules, tel qu'expliqué
à l'URL ci-dessous, vont plus rapidement que la vitesse de
la lumière :
www.lemarginal.com/relativite.htm
Ce qui explique pourquoi une particule peut passer
par la porte A et B pour se rendre de l'autre côté
de la boîte. En fait, elle a eu le temps peut-être de
se promener partout avant d'aller de l'entrée à la
sortie de la boîte.
Nous sommes incapables d'observer le fait que cette
particule va plus rapidement que la vitesse de la lumière
parce que les instruments de mesure que nous utilisons utilisent
la lumière qui, elle, voyage à la vitesse constante
de C, une vitesse qui est cependant relative et donc changeante
selon notre vitesse et la gravité autour.
Pourquoi nous calculons que cette particule ne va
pas plus rapidement que la vitesse de la lumière ? Parce
que nous utilisons les équations d'Einstein et qu'il faut
tenir compte que le C dans ces équations est relatif et doit
être ajusté en conséquence.
Mais je pense que tout de même certains mondes
parallèles peuvent exister, ce qui expliquerait les déjà-vus.
Tout simplement parce qu'à mon avis nous vivons dans une
réalité qui fluctue sans cesse. Nos particules vont
plus rapidement que la vitesse de la lumière et elles ne
vont pas à une vitesse constante à cause des différents
champs gravitationnels environnants. Ce qui fait que nous vivons
dans plusieurs réalités en même temps, et autant
dans le passé que dans le futur. Parce que justement le temps,
la distance, la vitesse, la masse, etc., tout cela est relatif à
notre vitesse dans l'espace, aussi la vitesse de nos particules,
et la gravité environnante.
Je sais que cela est difficile à comprendre,
j'ai plus de détails en anglais sur cette page (où
bientôt il y aura aussi mon rapport sur les mondes parallèles)
:
www.themarginal.com/scifi.htm
Je dois dire qu'un très grand nombre de grands
physicistes sont convaincus que des mondes parallèles existent
et peut-être ont-ils raison. Mathématiquement parlant
cela semble être vrai, mais je me demande si nous interprétons
bien ce que nous observons.
3) Quelle est selon vous la "mécanique"
fondamentale animant notre univers ?
Si j'avais la réponse à cette question,
je pourrais mourir. Et chercher la réponse à cette
question, est la seule raison du pourquoi je vis encore.
Je pense tout de même que la mécanique
fondamentale animant notre univers nous est tout à fait inconnue
et sans doute le demeurera toujours. Cependant je pense que nous
sommes prêts pour une gigantesque révolution en physique
qui remettra tout en question et changera radicalement notre existence.
_____
Je vous invite à communiquer avec moi directement. Ce forum
n'est peut-être pas le bon endroit pour ces discussions. J'ai
également mon propre forum littéraire avec une section
de science fiction à cet endroit :
www.lemarginal.com/forum
Merci !
Roland Michel Tremblay
www.lemarginal.com
rm@themarginal.com
02-12-06
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Les
Suicidés de la Société
Roland
Michel Tremblay
Après
plusieurs mois de silence je me décide à écrire
ce matin. Sans doute parce que je suis seul au Lac-St-Jean au chalet
de ma sur et qu'il a neigé la nuit passée. Le
paysage est merveilleux en ce 17 octobre, ce qui me rappelle que
voilà deux jours j'ai passé le cap des 30 ans.
Vieillir ne me fait pas peur, en fait mourir ne m'a
jamais fait peur. Deux choses cependant m'inquiètent, et je serai
honnête avec moi-même ce matin. La première c'est
l'immortalité au sens de Milan Kundéra, et la deuxième
c'est d'avoir identifié un peu plus ce qu'est l'univers et la
place de l'humain dans cet univers.
L'immortalité, je dois laisser ma trace sur ce
monde, je dois influencer quelque chose sur une échelle globale.
Il semblerait qu'il importe peu que ce soit avec mes livres, ma physique
théorique ou ma récente participation à une série
télévisée qui a vu certaines de mes idées
et mon travail portés à l'écran dans le monde entier
(bien que je ne crois pas avoir eu le crédit pour cela). Je me
rends compte que cette dernière chose n'est pas aussi séduisante
que je l'aurais crue, de même, devenir soudainement un écrivain
célèbre ne me semble plus si important ou intéressant.
En fait, je ne sais plus où j'en suis.
J'ai l'impression que cette immortalité n'est
pas si importante après tout. Mon éditeur fait les salons
du livre en France et partout dans la francophonie, et pourtant je me
vois mal commencer à me rendre à ces salons du livre ou
faire la tournée des écoles. Tout cela je l'ai trop voulu
lorsque j'étais jeune pour finalement vouloir le vivre 10 ans
trop tard. C'est passé, c'est mort, c'est trop tard pour cela.
Les salons du livre m'ont toujours semblé être mon salon
mortuaire, un constant souvenir que je ne faisais pas partie de ce monde
et que sans doute je n'en ferais jamais partie. Il est vrai que mes
écrits étaient trop bizarres et obscurs pour intéresser
un éditeur, quant aux lecteurs
tout le monde ignore tout
d'eux.
Aussi extraordinaire que cela puisse paraître,
je n'ai jamais vraiment réussi à m'accoler le titre d'écrivain,
pourtant j'ai écrit 16 livres. C'est qu'il faut être publié,
il faut avoir connu un certain succès pour être un poète
ou un auteur. Maintenant que je suis publié à Paris, au-delà
de toutes mes espérances, et après avoir connu un certain
succès, et que maintenant les gens dans les milieux me reconnaissent,
il me semble que je tricherais encore en me nommant écrivain.
On a tellement voulu ne pas m'accoler le titre jusqu'à ce que
ceci ou cela se produise, que maintenant que cela se produit, et que
l'on sait ce que cela signifie, je ne veux plus de ces titres.
Je pense qu'à force de vouloir oublier mes illusions
perdues, je me suis construit un univers bien différent, une
raison d'exister bien différente, une quête existentielle
qui serait menée jusqu'au bout. À remettre Einstein en
question, à réinventer la science fiction, à sortir
de ce système solaire passé date. J'ai cette impression
effrayante d'être né dans un petit village autour du Lac-St-Jean
et d'être incapable d'en sortir alors que je saurais que tout
un monde existe à l'extérieur de ce village. Je n'ai jamais
été assez loin. Je suis non seulement sorti de mon village
mais j'ai vécu dans les autres provinces canadiennes, aux Etats-Unis,
en France, en Belgique et la plupart de ma vie à Londres où
j'habite encore. Devoir rester sur la terre en ce moment me tue, il
me faudrait inventer la technologie et la théorie qui nous permettront
de sortir de l'univers connu. J'ai besoin d'aller de l'autre côté
de l'océan, et une fois là-bas, d'aller de l'autre côté
de ce que je trouverai. Dans ce contexte, parler à la radio,
répondre aux journalistes et me mêler aux histoires d'auteurs
et d'éditeurs dans les salons du livre ne m'intéressent
plus. Donc j'ai perdu courage alors que c'est maintenant qu'il me faudrait
faire de la promotion et du marketing. Ah ces mots, je vais vomir
Il est vrai que je parlerai à une conférence
à l'Université de Tulsa dans l'État de l'Oklahoma
dans quelques mois, mais c'est la première fois. On verra ensuite
si je veux le faire encore, sans doute ce sera un désastre. Je
dois justement représenter le Québec et la littérature
québécoise pour laquelle j'ai tant de mépris, par
pure jalousie, et je l'avoue pour la première fois. Pourquoi
cette auteure plutôt que moi ? Pourquoi ce livre plutôt
que le mien ? D'autant plus lorsque l'auteure et le livre en question
ne méritaient pas une telle fanfare, ou que s'ils la méritaient,
mes livres également en méritaient peut-être une.
Même une petite fanfare. Je suppose que je pourrais m'asseoir
et me dire que ce que j'écris n'est effectivement pas très
bon, mais cela n'est pas vrai, je refuse de le croire. En tout cas ce
ne peut certainement pas être plus mauvais que tout ce qui sera
publié cette année. Je suppose que c'est ce que tous les
nouveaux jeunes auteurs pensent, ils doivent tous être désabusés.
Et les problèmes sont ces copyrights et cet argent que les éditeurs
récoltent. Sans cela, tous les livres seraient sur l'Internet,
comme les miens, et ce qui est bon serait considéré et
deviendrait populaire. En ce moment on se rabaisse au choix des éditeurs
pour se dire que tout ce qui est bon a été trié
par eux. En plus ils sont tous en chicane, ils se bataillent les uns
les autres, et cet univers subjectif et relatif est laid. Tout comme
ma première expérience dans l'univers de la télévision
américaine. Et là on m'a suggéré de n'écrire
qu'en anglais et que des scénarios. Et je n'ai même pas
questionné cela, je me suis dit d'emblée qu'en effet,
j'en avais terminé avec l'écriture de romans, de nouvelles,
de poésie et de mon journal en français. Si cela ne m'avait
rien apporté en 10 ans, qu'aurais-je à espérer
pour les dix prochaines années ? Voilà qu'après
quelques mois seulement mes idées et mes écrits sont joués
par des personnages à la télé dans le monde entier.
Ça s'est passé tellement rapidement que regarder le premier
épisode m'a laissé perplexe. Je ne sais pas quoi penser.
On dirait que cela me fait peur, je n'ai pas le courage de l'écouter.
La vie est compliquée.
Mes 30 ans ont apporté quelque chose d'autre
pour mon bilan de vie. Être, entre parenthèses, un écrivain
à temps partiel en parallèle d'un emploi à temps
plein dans les conférences rempli d'heures supplémentaires
n'a rien d'évident. J'ai terminé ma maîtrise en
littérature française à temps partiel à
l'Université de Londres voilà trois ans et cela a terminé
de longues études pendant lesquelles j'ai toujours travaillé
à temps plein dans un emploi ou un autre en plus d'écrire
mes livres. Tout cela m'a été essentiel pour me donner
le contenu de mes livres. Plus tu vis, plus tu écris, et cela
expliquerait pourquoi j'ai été aussi prolifique malgré
le peu de temps que j'avais pour l'écriture. Mais d'avoir réussi
à faire tout ce que j'ai fait en parallèle de mes emplois
dans les conférences européennes n'a pas réussi
à contenter ma famille, car je n'ai jamais réussi à
vivre de l'écriture. Alors que j'étais réduit à
laisser certains emplois pour écrire, pour en reprendre d'autres
quelques mois plus tard alors que j'étais à bout de ressources,
n'a réussi qu'à traumatiser ma famille. J'ai toujours
été une sorte d'élément perturbateur dans
leur vie, un élément imprévisible pour lequel ils
auraient un jour ou l'autre à en payer le prix. Ils se sont même
renseigner à savoir si mes 75,000 dollars canadiens de dettes
étaient transférables à eux en cas de décès
ou de faillite personnelle. J'ai tenté de leur expliquer qu'il
était préférable éthiquement parlant pour
moi de travailler, arrêter pour écrire et travailler à
nouveau, que d'être sur l'aide sociale. Et leurs yeux se sont
illuminés, l'aide sociale leur semblait la solution parfaite
dans mon cas. Je me disais que je pourrais sans doute déguiser
cette aide sociale en demandant plutôt l'aide d'agences gouvernementales
pour écrivains, mais cela me semble trop d'énergie pour
quelque chose d'incertain et trop peu élevé. Les préjugés.
Il faut sans cesse se battre contre eux. Heureusement j'habite Londres,
je n'ai à justifier ma vie que lorsque je retourne au Saguenay-Lac-St-Jean.
La société actuelle n'accepte pas l'écriture
tel un emploi nécessaire ou valable, surtout si cela ne paie
pas. Ainsi les auteurs n'ont aucune crédibilité et aucun
moyen de survie. Personnellement je ne crois pas que cela soit si terrible,
beaucoup de littérature, de films et de série de télé
ne méritent pas nécessairement les fonds publics pour
se faire et n'auraient rien changé à l'humanité
qu'ils aient existés ou non. J'accepte la mentalité actuelle,
ou du moins dans notre développement actuel, je puis la comprendre.
Ce qui fait que je doive me battre pour ce besoin d'écrire et
sans doute je me battrai toute ma vie. L'important est de ne pas être
influencé par autrui, ne pas les écouter. Il faut suivre
le chemin que l'on sait être le bon.
La société fera tout pour que tous les
chômeurs de la planète travaillent à bon salaire,
elle fera tout pour que les couples non mariés se marient, elle
fera tout pour que les couples aient des enfants. Cela est incompréhensible,
quel est leur propre intérêt dans tout cela, sinon rassurer
une certaine peur de l'existence, de la perte de leur sécurité
? La tradition est réconfortante. Dans la vie il faut gagner
sa vie, il faut se marier et il faut avoir des enfants. Et si cela ne
survient pas, il y a un problème, notre valeur baisse, nous sommes
moins que des humains. Il ne faut pas déroger à la règle.
Ma sur est maintenant enceinte et elle m'a dit
qu'un bébé c'est plus important que tout ce que j'ai écrit.
Et cela m'a fait réfléchir, est-ce que la vie de son bébé
est plus importante que l'accomplissement personnel d'une personne quelle
qu'elle soit ? Et où dessine-t-on la frontière ? C'est-à-dire,
existe-t-il certains auteurs ou scientistes dont l'accomplissement est
plus important qu'une nouvelle vie ? Cela m'a surpris parce que, finalement,
est-il plus important de mettre au monde des bébés ou
d'accomplir quelque chose dans notre vie ? Si le seul accomplissement
important qui existait sur cette terre était de mettre au monde
un enfant, la vie serait simple, mais certes ne me contenterait pas.
Et si finalement l'accomplissement de qui que ce soit, et donc la vie
de chacun, était moins important que la prochaine naissance,
pourquoi cette naissance serait-elle si importante si finalement aucun
des accomplissements de cet enfant ne vaudra plus que la naissance du
prochain bébé ? Autrement dit il serait inutile de naître
car cette vie ne sera jamais importante. On dirait une idéologie
catholique, faisons des bébés qui pourront être
tués aussitôt qu'ils auront fait leurs bébés,
ceci afin d'atteindre un développement physique supérieur
digne de Dieu, une perfection et une race supérieure d'humains
capables j'imagine de communiquer par la pensée avec leur créateur.
Sinon, je comprends mal cette non valorisation de la vie, jumelée
à cette primordiale idée de faire des bébés,
et aussi cette idée que les gais et les humains qui souffrent
de toute autre déviance psychologique ou physique ne devraient
pas exister, et surtout ne pas faire ou s'occuper des enfants.
Je dirais donc que la naissance de cet enfant est importante
et que mes écrits le sont également. Lequel est le plus
important est une question pour la philosophie, et donc ne devrait pas
être répondue. Atteindre l'immortalité, que ce soit
par un bébé ou un livre ou une équation mathématique
révolutionnaire. Tout cela c'est créer quelque chose,
faire naître de rien. C'est atteindre une certaine perfection,
créer tel que Dieu nous aurait créé, nous et l'univers,
peu importe la définition de Dieu.
Maintenant, si on me donnait le choix entre brûler
tous mes livres pour toujours et la vie de l'enfant de ma sur,
je n'hésiterais pas, la vie de cet enfant me semblerait plus
importante, quand bien même on brûlerait avec tout cela
l'équation E = mc2. Pourtant j'aimerais croire que
ce que j'écris est important, que cela a changé et changera
encore la façon de penser de plusieurs personnes, les motiveront
peut-être. J'ai reçu bien des messages de gens qui m'ont
dit que sans m'avoir lu, ils se seraient suicidés (la crise existentielle
étant mon sujet favori). J'ai donc peut-être sauvé
la vie de plusieurs de ces enfants désespérés qui
demandaient tant de sacrifices pour naître et qui allaient mourir
avant d'atteindre l'âge de la majorité. Donc, vaut-il mieux
brûler mes écrits et faire naître son bébé
ou sauver la vie peut-être de quelques autres jeunes ? Est-ce
que ces jeunes se seraient effectivement suicidés ? Peut-être
pas, moi j'ai réussi à vivre 30 ans sans le faire alors
qu'il n'a jamais existé un temps où je n'y pensais pas.
Puisque le taux de suicide est très élevé aujourd'hui,
j'ai le droit de le croire.
Même cela ne me motive pas à continuer.
J'aimerais tout brûler, j'aimerais mourir sans immortalité,
sans jamais avoir dit un mot, sans jamais avoir existé. Parfois
je me dis que cela m'éviterait bien des problèmes de conscience
et des regrets. Je suis dans un état permanent de panique, j'ignore
où je suis, ce que je fais, où je m'en vais et le pourquoi,
surtout le pourquoi de tout cela. Je ne suis pas heureux, je ne l'ai
jamais été, c'est pourquoi j'écris, et surtout
que j'écris ce que je veux et non ce qu'autrui veut que j'écrive.
Je dois d'abord répondre à ma névrose, et si je
ne rejoins que les suicidés de la société, eh bien
on se comprendra entre nous. Et vous les gens qui ne sont pas marginaux,
qui font et vivent exactement ce qu'ils doivent vivre, tant mieux pour
vous, je vous souhaite d'être heureux dans une vie qui ne me rendrait
pas heureux. Votre vie réconfortante, le chemin là tout
tracé que vous suivez, sera sans histoire et sans intérêt.
Inutile d'en écrire des livres, ils ne feraient que renforcer
les préjugés et rendre la vie des marginaux difficile.
Je me sens mieux depuis que j'ai craché tout
cela sur ces pages. J'ai l'impression d'avoir compris quelque chose
de pas très évident que je n'aurais pas pu comprendre
si je ne l'avais pas écrit. Voilà pourquoi j'écris,
pour comprendre ces choses. Comprendre le mystère de la vie et
de l'univers. C'est une quête personnelle que seuls quelques marginaux
comprendront. Je n'écris pas pour ceux qui sont heureux de vivre,
sans doute parce que je suis un éternel malheureux. Dans le fond
ce n'est peut-être pas pour les masses que je travaille, mais
pour rejoindre ces quelques personnes capables de me comprendre parce
qu'elles vivraient la même chose, auraient les mêmes questions.
Voilà pourquoi je peux recevoir des lettres de gens qui détestent
mes écrits et d'autres qui me disent que je leur ai sauvé
la vie. Longue vie aux Suicidés de la Société !
Roland Michel Tremblay
www.lemarginal.com
rm@themarginal.com
02-10-17
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J'aime mieux mourir que de souffrir
Autant j'aurais voulu être d'une
positivité à tout casser, je vais encore parler
de suicide. Je vous invite à changer de page immédiatement,
sur la page de Cyril
c'est plaisant, ça flash, ça parle de choses insignifiantes
qui vous feront oublier de penser. La page de Richard
vous emmènera je ne sais où, dans un monde imaginaire
où pendant un instant vous pourriez croire que la littérature
vaut quelque chose et qu'elle peut changer quoi que ce soit à
cet univers. Et je pense que la page de Serge
est aussi noire que la mienne, sauf que Serge a les deux pieds
sur terre. Il s'inquiète avec la guerre, avec les injustices
sociales contre les gais ou autres, alors que moi j'ai depuis
longtemps arrêté de me scandaliser pour toutes ces
choses.
Je ne suis plus de ce monde. Je suis déjà
mort. Et chaque jour que je vis, ce n'est qu'une journée
de plus à me demander pourquoi je dois encore me préoccuper
de toutes ces choses si je suis aussi déconnecté
? La triste vérité est que je dois maintenant me
chercher du travail, je dois payer au-delà de 900 livres
par mois pour mes dettes, je ne vais donc travailler que pour
rembourser mes prêts. Mais voilà, j'aimerais mieux
mourir que de retomber dans les réalités sociales
actuelles. Je n'ai tout simplement ni la force ni la volonté
d'embarquer dans les jeux d'autrui, de répondre à
un supérieur jamais satisfait qui fera tout pour rendre
ma vie misérable. N'ai-je pas déjà tant d'expérience
en ce domaine que je pourrais passer à autre chose ? N'importe
quoi fera l'affaire. J'ignore si c'est le monde capitaliste qu'il
faut blâmer pour l'enfer du monde du travail, ou ces directeurs
qui se prennent pour Dieu et qui rendent la vie de tout le monde
impossible.
Je pourrais également prévoir plusieurs
meurtres en série, des collègues homophobes ou prétentieux,
ou juste sans cervelle aucune. Je suis tant détaché
de tout en ce moment que le procès et la prison me sembleraient
une expérience intéressante, et surtout différente
que cette vie pourrie du monde du travail.
Pourtant j'ai quelques bons souvenirs de journées
où j'ai travaillé et où c'était passionnant,
exaltant, merveilleux. Laissez-moi réfléchir
well, rien ne me vient à l'esprit, mais 60 heures par semaine
pendant plus de 20 ans, sûrement il doit y avoir une journée
qui me saute à l'esprit ? Malheureusement la seule journée
qui semble me venir à l'esprit en ce moment c'est un hôtel
à Ténériffe aux Îles Canaries lors
de vacances voilà quelques années. La vue arrière
sur la mer était merveilleuse et les déjeuners exquis.
Une autre journée qui me revient à la mémoire,
un voyage en Europe alors que je n'avais que 17 ans en 1990, à
marcher dans les rues de Vienne et Salzburg en Autriche. Et encore,
ce ne sont que de vagues souvenirs, je dirais même une légère
impression, une émotion lointaine. Presque une peur de
cet exotisme qui fait monter l'adrénaline, perdu à
Vienne à 17 ans, faut le faire.
Ce n'est pas aussi que je devrai vendre mon âme
à un patron sans plus avoir le temps de faire quoi que
ce soit d'autre dans ma vie sauf de m'inquiéter et travailler
pour lui ou elle, mais que je ne pourrai plus écrire, je
ne pourrai plus travailler sur mes sites, je ne pourrai plus rêver
de travailler à nouveau sur un film d'Hollywood. Tous mes
rêves s'évanouiront avec cette première journée
où je signerai mon âme à ce patron ou cette
patronne. Il sera encore plus difficile sinon impossible de ressortir
de cette boîte que d'y entrer, même si en ce moment
le marché du travail est sursaturé et qu'il est
bien difficile de trouver un emploi.
Sans compter cette histoire de visa britannique
qui me fatigue énormément. Devoir se battre avec
les autorités pour un misérable tampon dans son
passeport qui dit que j'aurai le droit de demeurer sur un coin
de planète précis pendant deux ans, c'est le comble
de l'idiotie. Et ce papier, j'ignore comment je ferai pour l'avoir.
Maintenant que je suis divorcé, je vis à Londres
illégalement. Ils ne seront pas prêts, après
ce mariage de raison, à accepter la relation de huit ans
avec mon copain. On m'expulsera sans doute, et ils prendront tellement
de temps à me retourner mon passeport que je ne pourrai
malheureusement pas parler à cette conférence à
l'Université de Tulsa dans l'État de l'Oklahoma
en avril prochain. Ma première invitation à parler
à une conférence en tant qu'auteur publié,
aux États-Unis en plus, et je devrai annuler. Rien de plus
déprimant.
Et ce sentiment de culpabilité permanent
qui m'étouffe parce qu'en ce moment je ne travaille pas,
parce que je tente d'écrire et de travailler sur mes sites.
Toutes les nuits lorsque je vais me coucher, cette angoisse me
prend aux tripes et je ne vois qu'une solution à cet enfer,
le suicide pur et simple. Arrêter de vivre, de respirer,
de s'inquiéter avec l'existence. Bon dieu, un de mes meilleurs
amis à Londres vient de m'apprendre qu'il est séropositif
depuis bientôt 10 ans et je ne peux que l'envier. Non seulement
cela ne semble avoir eu aucun impact sur moi, aucune pitié
ou désolation, mais j'en viens à voir la mort comme
si rien n'était, comme si elle était aussi normale
que la vie, et j'en viens à la désirer. Malheureusement
je ne suis pas séropositif, j'en ai encore pour des années
à souffrir ma crise existentielle. On ne meurt donc jamais
sur cette foutue planète ? Je n'ai même plus besoin
d'être saoul pour préférer mourir que d'exister
dans cette vie insipide. Il n'y a plus rien que qui que ce soit
peut dire ou faire pour m'affecter, je suis bien au-delà
de toutes ces choses. Cette bitch qui vient me dire que l'on a
envie de se suicider en lisant mes livres et que je corromps la
jeunesse, ce misérable qui m'avoue que je le dégoûte
et qui a jeté mon livre dans une poubelle de Montréal.
Les rats seront peut-être mieux cultivés, on devrait
peut-être les manger.
Je relisais le début de mon livre La
Révolution aujourd'hui, j'ai écrit cela voilà
13 ans lorsque j'avais 17 ans. Eh bien, je parlais autant de suicide
alors qu'aujourd'hui. Aucune évolution, rien n'a changé.
Je suis incapable de prendre la vie sérieusement, elle
n'est qu'un jeu futile que les gens prennent trop au sérieux.
Et on dirait que je suis le seul capable de faire le détachement
indispensable, de prendre le recul nécessaire pour voir
que tout cela n'est pas vrai ou fondamental. Que la vie n'est
pas réelle, elle n'est que le fruit de nos perceptions
limitées et que nous ne devrions pas souffrir.
Il n'existe aucune raison valable pour justifier
la misère de cette existence ou l'enfer du quotidien. On
ne devrait pas avoir à souffrir quoi que ce soit que nous
ne désirons pas. Nous devons demeurer maître de notre
existence, faire ce que l'on veut sans l'obligation ou le jugement
d'autrui, et être heureux. Mais je semble être incapable
d'en arriver là. Je retombe sans cesse dans cette roue
du monde misérable du travail où autrui a tous les
pouvoirs sur chaque minute de mes pénibles journées.
Je sens que je devrai me trouver un fusil quelque part, quelque
chose doit changer, quelque chose va changer
Roland Michel Tremblay
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