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Roland Michel Tremblay












Sommaire



Mon nouveau livre publié à Paris ce vendredi
Réflexions d'un écrivain
L'heure des bilans, La littérature québécoise à une conférence littéraire de l'Université de Tulsa (Oklahoma)
La lucidité par l'alcool
Questions de Julien Laze à R M Tremblay
Les Suicidés de la Société
J'aime mieux mourir que de souffrir





Mes cinquième et sixième livres sont publiés à Paris :

Un Québécois à New York (Mind The Gap)



Un Québécois à Paris (Underground)




Cliquez sur les images pour agrandir. Disponibles dans les librairies gaies de Paris dès maintenant (Les Mots à la Bouche, Blue Book), ainsi que Virgin Mégastore, la FNAC et autres librairies en France, en Belgique et en Suisse. Pour le Québec, ce sera pour bientôt.

Vous pouvez l'acheter en ligne ainsi que mes autres livres :

À la Page   Amazon.fr   FNAC   Adventice  Archambault

Éditeur : http://www.textesgais.com

Lisez les 50 premières pages sur mon site :
http://www.lemarginal.com/underground.htm
http://www.lemarginal.com/mindthegap.htm

Lisez les premières critiques très positives parues dans plusieurs magazines en France







Mon nouveau livre publié à Paris ce vendredi



Eh oui, mon cinquième livre sera publié cette semaine pourtant je me sens mort. Désabusé de la vie. Peut-être parce que je n'ai plus un sou et que je me demande comment je vais payer mes comptes ce mois-ci. Je ne pense même pas au mois de janvier. Si je ne trouve pas un emploi demain matin, je suis foutu. Mon nom sera hypothéqué à jamais sur tous les ordinateurs de la planète.

Il y avait un temps où le rêve d'être un écrivain publié me fournissait suffisamment d'énergie pour me maintenir en vie. Aujourd'hui ce rêve est mort et être publié ne change rien à ma vie. Parfois j'aime me dire : et si cette fois-ci cette publication changeait tout? Et si cette fois-ci tu seras connu au-delà de toute la francophonie et qu'au moins dans les milieux littéraires on reconnaissait ton nom? Est-ce qu'André Gide savait lorsqu'il publiait son premier livre qu'il deviendrait un classique de la littérature française?

Je dois avouer que même si c'était le cas, même si demain matin une révolution se préparait autour de mon nouveau livre et que tout changeait, je suis tellement déconnecté que rien ne changerait à ma vie. Je ne peux tout de même pas devenir plus prétentieux que je ne le suis déjà, au contraire, cette prétention me semblerait encore plus injustifiée, insignifiante, désolante.

De toute façon je ne crois plus au messie, je crois n'y avoir jamais cru. Ce livre disparaîtra aussi vite qu'il apparaîtra sur les étagères des librairies de Paris. Je n'écris pas pour les masses d'aujourd'hui, j'écris pour les masses du futur, après ma mort (que j'aime me convaincre). Lorsque les étudiants d'universités bizarres reprendront mes livres pour les décortiquer page par page. Alors sans doute y verront-il le génie? Sans doute que non. Ce qui est triste dans cette histoire n'est pas qu'il n'y a peut-être pas de génie dans mes écrits, mais que chaque année à étudier la littérature on m'a brandit une centaine d'auteurs qui tous apparemment sont des génies. Il n'y a pas de génies en littérature, croyez-moi. Un génie, il y en a un par histoire de l'humanité, et Einstein est déjà mort.

Il me faudrait faire du marketing, de la promotion, vous expliquer comment acheter ce livre, vous montrer sa couverture. Mais cela ne me tente pas. De toute manière cela ne changerait rien à la durée de vie de ce nouveau livre. Il explosera sur votre table en janvier ou alors vous n'en entendrez plus jamais parler, sauf peut-être sur ce site. Il y a aussi que j'ai été interviewé pour la télé au Québec, Musique Plus et TQS… mais cela ne vous intéresse pas. Alors je ne vois pas l'intérêt de vous en dire plus. Je n'ai même plus de vanité, de fierté, de prétention. Je dois être près de la mort.


Roland Michel Tremblay

www.lemarginal.com
03-12-15








Éditeur : http://www.textesgais.com
Lisez-le avant qu'il ne disparaisse de mon site :
http://www.lemarginal.com/underground.htm






Réflexions d'un écrivain

Abstractions, ou écrire avec sa tête


Chaque fois que je termine un projet qui a consumé tout mon temps pendant un moment, je me retrouve à faire un bilan de ma vie: où j'en suis, où je m'en vais, comment vais-je réussir à sortir de ce marasme.

Pendant plus d'un mois maintenant je lis sur Einstein et sa célèbre équation E=mc2 pour un documentaire à gros budget et puis soudainement je tombe à plat. C'est fini. Mais ça risque de repartir pour deux ans solides dans un mois, et à bon salaire. C'est plus intéressant que de travailler dans les conférences, au moins j'ai en tête la vie d'Einstein et comment il est arrivé à repenser le monde tel qu'on le voit. Je me rends compte que même si j'avais les mêmes idées que lui en tête alors que je n'avais que 10 ans, comme par exemple peut-on rattraper un faisceau de lumière et voyager à sa vitesse pour ainsi arrêter le temps, je me rends compte que sans avoir d'abord compris Maxwell et la géométrie j'aurais eu peu de chance d'en arriver à ses conclusions. Autrement dit il m'aurait non seulement fallu étudier la physique au complet, mais même encore plus. Il avait des amis pour l'aider avec les maths, je me retourne pour voir qui dans ma vie a étudié les maths, personne. Il faut être fou pour manger des maths matin, midi, soir. Ça m'a découragé un peu. Et je ne sais pas, sa vie est intéressante, mais je ne voudrais pas changer de place avec lui. Et je regarde ma vie, et je ne voudrais pas changer de place avec moi non plus.

En un sens j'aimerais avoir du succès, être reconnu, mais dans un autre sens je comprends que le succès que j'ai déjà est sans intérêt. Comment plus de célébrité pourrait m'apporter davantage?

Ce qui me ramène au pourquoi je vis, qu'est-ce que je voudrais vraiment faire de cette vie. Et tout pointe vers cette fameuse liberté. Il me faut cette liberté à n'importe quel prix. Celle de partir aujourd'hui même pour Venise pour écrire de la poésie, ou Rome pour m'enfermer dans une chambre d'hôtel pour me saouler toutes les nuits à écrire un long roman psychédélique comme jamais vous n'en lirez d'autres dans votre vie.

J'aimerais m'acheter un clavier et tenter de faire de la musique, écrire des chansons. Prendre un pinceau et peindre l'univers. La liberté de ne pas s'inquiéter avec le lendemain, l'argent, et de ne pas avoir dormi de la nuit. Comme ce matin, il est 6h14 et je dois aller me coucher. Qu'est-ce que j'ai fait cette nuit? Rien. J'ai à peine rêvé à un monde meilleur où cette liberté me serait garantie.

Tant de livres je voudrais lire aujourd'hui, je maudis Dieu de ne pas avoir eu l'intelligence de dessiner le cerveau humain tel un disque dur d'ordinateur. J'aimerais tout absorber d'un coup en un temps record. J'ai 25 livres sur Einstein à mes pieds, je n'ai eu la chance que d'en lire deux en un mois intensif de recherche. Et j'ai failli mourir à la tâche sur une de ces briques de 500 pages.

Les grandes idées, c'est ma vie. Trouver l'idée à poursuivre, à consacrer sa vie pendant des mois à se tuer à la tâche. J'en ai eu de ces idées, la plupart ont terminé dans des livres, à la télévision, au cinéma. Mais il me faut plus, il me faut l'idée qui va tout révolutionner, tout remettre en question. L'idée pour laquelle on reçoit un Oscar, comme mon directeur actuel, ou l'idée comme La Matrice qui va influencer le monde du cinéma pour toujours. Une explosion d'idées à poursuivre, à déchiqueter, à transmettre sous forme poétique et grandiose. Un opéra, c'est un opéra qu'il me faut écrire!

Je me retrouve dans ces lieux où l'on me questionne, on me demande des idées sur demande, de justement révolutionner la planète, et je me vois là perdu à me questionner, à chercher à travers les neurones de mon cerveau ce qui pourrait impressionner à l'écran. Je me surprends moi-même par mon potentiel, j'ai l'imagination fertile, mais de mon point de vue c'est insuffisant. Je me demande si on peut demander aux autres de nous trouver ces idées, si on peut s'asseoir un matin et se dire: trouvons des idées. Je pense que tout projet devrait tout d'abord partir d'une motivation personnelle, une idée géniale qui nous appelle à elle et que nous devons à tous prix développer. Et avec l'énergie nécessaire, rendre ce projet à terme. Sinon, où est la volonté, le désir ardent de créer quelque chose qui nous sort des tripes?

Il est difficile de développer sur les idées des autres, partir de quelque chose qui n'est pas notre passion pour en faire notre passion et s'écorcher une année de recherche dans les équations d'Einstein. Heureusement la Relativité est une de mes passions, alors c'était presque inespéré, peut-être une coïncidence qui n'en est pas une. Pourtant j'ai encore des limites, des clôtures, un cadre de référence dans lequel je dois développer cette passion. C'est encore la vision d'un autre, d'un autre que je n'ai pas rencontré et qui aurait mieux fait de voir de plus près à sa vision avant qu'elle ne devienne celle d'un autre, la mienne en l'occurrence.

Et je me demande quand donc aurais-je moi la chance de poursuivre mes propres visions, mes propres projets. Moi aussi je voudrais me lever demain matin, engager des recherchistes et faire mon propre film. Plusieurs l'ont fait, en quoi suis-je différent? Est-ce qu'il y a quelque chose que je ne fais pas et que je devrais faire? Écrire mes projets et quémander au gouvernement pour les fonds? C'est possible.

Au moins j'ai l'écriture. J'ai eu des visions et j'ai écrit des livres. On les lit, j'ai des milliers de visiteurs à chaque mois. 60,000 personnes par mois, pendant 12 mois, 720,000 personnes visiteront mes sites cette année, et l'année prochaine sans doute un million. Pourtant tout pourrait changer du jour au lendemain et ce pourrait être 10 millions, 50 millions. Je suis incapable de franchir cette frontière, c'est-à-dire du jour au lendemain me faire entendre, quelque chose qui surviendrait qui soudainement, au lieu de grandir péniblement avec le temps, le compteur deviendrait fou. Parfois je pense que si je tuais une famille complète, avec les enfants et surtout les animaux domestiques, je me ferais entendre. La machine PR qui fait que ce que tu fais en dehors de ton art t'apporte à la une des journaux et finalement tu deviens reconnu pour autre chose que ton art. C'est surtout cela la célébrité, se faire connaître. Un scandale, et Michel Tremblay en était rempli de ces scandales à chacune de ses premières œuvres. Les journaux en avaient des choses à dire, même si aujourd'hui rien de tout cela n'est vraiment scandaleux. Je pense que je vais aller chercher mon fusil et faire disparaître cette pauvre famille. On pourra dire que j'étais un anarchiste pur et dur même si je n'ai aucune idée de la définition d'un anarchiste.

Je ne suis pas né pour demeurer un inconnu qui n'a rien fait de sa vie. Je suis né pour être un marginal qui franchira les frontières, qui remettra la vie en question. J'ai une prétention à tout casser, le problème est que l'on ne peut être prétentieux que si l'on a effectivement remis le monde en question et eu un grand impact sur l'existence. L'autre problème est que j'ai l'impression d'avoir terminé mon œuvre, d'avoir tout dit dans mes quelques 16 livres et de ne plus avoir besoin d'écrire un autre livre superflu. Et je me demande si justement tout cela n'était que le prélude et qu'en fait il me faudrait récréer le monde une nouvelle fois, ou une première fois puisque la première tentative semble avoir échouée.

La voisine de mon père à Chicoutimi n'a probablement jamais entendu parler d'un écrivain qui s'appellerait Roland Michel Tremblay (la bitch, faudrait la pendre pour ce crime). Elle dirait sans doute: vraiment, votre fils est Michel Tremblay? J'ai abandonné l'idée que c'est par mes livres que je serai reconnu un jour. Et tant que je ne suis que dans l'ombre de ces grands avec qui je travaille sur des séries télévisées, des films et des documentaires, je ne suis rien, je ne suis qu'un élément dans un groupe immense. C'est peut-être toutes mes idées mais elles ne m'appartiennent plus, elles appartiennent au directeur, au producteur, ce n'est pas moi qui irai chercher cet Oscar, et de toute manière je m'en fous.

Un jour j'ai rencontré un écrivain à Ottawa qui m'a dit qu'il a commencé à être heureux le jour où il a accepté qu'il ne deviendrait jamais un écrivain et qu'il a arrêté d'écrire. Et je me demande si un jour je devrai en venir au même constat. M'accepter vaincu et ne plus rien faire de ma peau sauf peut-être de me nourrir des visions d'autres plus chanceux ou géniaux qui ont réussi à nous transmettre leurs grandes œuvres créatrices. Et je suis prêt à en venir là, j'aimerais en arriver là. Mais pas avant d'avoir trouver cette liberté, la liberté de vivre isolé dans le sud de la France avec ma petite maison perdue sur le Canal du Midi. Quand j'en arriverai à vivre là et de réussir à avoir suffisamment d'argent pour survivre sans avoir à travailler dans un bureau de 9 à 5 chaque jour, alors oui, je m'accepterais vaincu.

Le problème est que le seul moyen d'obtenir cette satanée liberté est si je réussis à percer avec mes livres ou de travailler comme conseiller/recherchiste à distance. Je serai peut-être chanceux, de l'argent me tombera peut-être du ciel d'une autre manière. Je ne m'attends pas à recevoir d'héritage pourtant. La loterie... mais je n'achète pas de billet. Le plus triste de cette histoire serait de m'avouer vaincu sans avoir ma liberté et de devoir travailler dans un bureau de Londres à produire des conférences jusqu'à la fin de mes jours. Autant se tirer une balle dans la tête.

Je suis coincé. Que me reste-t-il? Des idées, des visions à développer. Continuer, recommencer, écrire. Le Salut viendra peut-être de là. Faire une croix sur mon passé, recommencer à zéro.

Si je n'avais jamais rien écrit jusqu'à maintenant, et que je décidais de commencer ma première œuvre, ma première grande œuvre comme les nouveaux écrivains rêvent toujours, qu'est-ce que j'écrirais? Des nouvelles sans doute, tout écrivain commence par là. Les vrais écrivains, pas ceux qui raisonnent et qui se disent passé la trentaine: tiens, aujourd'hui je vais écrire un roman, à écrire trois heures par jour pendant trois mois. Ceux-là sont de faux écrivains, ils ne sont pas nés pour cela.

Mon problème est peut-être que je suis né avec ce désir d'écrire sans cesse, sans raison peut-être, pour répondre à ma crise existentielle. Peut-être que c'est justement le contraire que je devrais faire, m'asseoir maintenant que j'ai passé la trentaine et raisonner. Me dire que je vais aujourd'hui écrire un roman à la Milan Kundéra qui sera pesé et calculé du début jusqu'à la fin, écrit de façon artificielle trois heures par jour pendant trois mois plutôt que directement du cœur et des tripes toutes les nuits durant.

C'est avec la tête que l'on écrit des livres intelligents, romancés, dramatiques? Avec un cours universitaire qui te dit comment écrire un bon livre avec une mise en situation, un développement, des rebondissements et une finale intéressante qui enveloppe le tout? Je n'ai jamais suivi aucune de ces lois, à mon avis elles apparaissent naturellement au cours de l'écriture, je n'ai jamais cru qu'il me fallait autant calculer mécaniquement la prochaine page de mon livre. Mais peut-être que j'avais tort finalement et ces professeurs de français téteux avaient raison.

Je pense que je vais m'avouer vaincu et arrêter d'écrire.


Roland Michel Tremblay
www.lemarginal.com
03-07-19





L’heure des bilans



La culpabilité m’a toujours rongé l’intérieur, un vrai catholique qui a été lavé du cerveau par la société. Mais de quoi me sens-je coupable ? De tout, surtout d’exister. Ce qui me laisse songeur, devais-je exister ou non ? Peut-être est-ce une erreur de la nature, peut-être devais-je mourir à la naissance ou alors peut-être que la plupart des moi qui existent dans les mondes parallèles au nôtre sont tous morts et que je suis un des seuls survivants. Cela expliquerait ma crise existentielle.


Cliquez ici pour voir des photos des environs aux États-Unis
(Oklahoma, Arkansas, Missouri, Tennessee et Illinois)

Peut-être ai-je eu trop de temps à moi et qu’il est temps que je retourne travailler au centre de Londres. Un emploi banal et pourri avec des gens méchants qui ne pensent qu’à leur ambition et à leur salaire, et qui, mécontents de devoir travailler et de se faire ainsi voler leur existence, doivent tout faire pour rendre notre existence insupportable. En effet, j’ai eu trop de temps pour écouter les nouvelles, suivre les guerres avec les terroristes, les gens d’Afghanistan, d’Iraq, d’Israël et de Palestine. Et puis La Corée du Nord et les maladies en Chine et au Canada. Soudainement je me demande vraiment comment la race humaine survivra à tout cela, ça me donne l’impression que nos jours sont comptés et que nous disparaîtrons tous bien plus vite que nous ne le pensons. Et pourtant cela ne m’affecte pas du tout.

Vous ne trouverez sans doute pas beaucoup de gens qui affirmeront que la fin de l’humanité est une chose comme une autre et que cela laisse indifférent. Je suis incapable de trouver les arguments qui justifieraient pourquoi l’humain devrait être sauvé indéfiniment. Son existence ne fait pas beaucoup de sens au sens de la logique. Voilà sans doute pourquoi les philosophes n’ont jamais réussi à donner une réponse à ce qu’est l’univers et ce que l’homme fait dans cet univers. Et ces questions sont d’ailleurs déjà très éloignées de la vie quotidienne de chacun de vous. Pris au premier degré, c'est-à-dire à considérer votre vie où vous aller travailler, pour revenir le soir écouter la télévision et repartir au travail le lendemain, ne fait certes aucun sens et ne justifie pas que l’humain survive les cataclysmes et les intempéries pour cela, pour que cette misérable existence où nous ne faisons que tourner en rond soit préservée. Au moins si je pouvais dire que ce que vous faites aide directement à nourrir, vêtir et construire des toits pour les autres humains, alors nous pourrions dire que nous travaillons collectivement à assurer l’espèce humaine, à préserver la vie dans l’univers pour peu importe la raison, comme un virus qui tente par tous les moyens de se multiplier et de tuer tout ce qui l’entoure. Cependant je suis certain que la plupart d’entre-vous travaillez sur des ordinateurs à entrer des chiffres et des lettres pour Dieu seul sait quelles raisons, que vous faites des millions pour une compagnie quelconque qui fait Dieu seul sait quoi exactement, et qu’il serait bien difficile d’établir comment vous aidez l’espèce humaine à réduire sa misère.

Les guerres, qu’en penser ? Je ne sais pas. Encore une fois je suis bien loin de toutes ces choses, je ne me sens pas concerné par ce qui survient sur cette planète. Je ne prends jamais position et je n’ai jamais voté, jamais. Ni pour un gouvernement, ni pour un référendum quelconque, ni pour un président d’école. Ah oui, j’ai voté pour moi une fois, pour être président de mon école, mais j’ai perdu mes élections. Tant mieux… Éviter de prendre position est toujours avantageux, cela permet de ne pas être pris au piège après coup. L’histoire ne se souvient jamais des événements tels qu’ils apparaissent avant et pendant ces événements. Ainsi on aurait pu supporter Staline et son communisme, ou Hitler et son fascisme, ils étaient somme toute très séduisants dans leurs discours, seulement après on aurait pu être pendu pour crime de guerre et accusé d’être complètement stupide pour avoir pris de telles positions. Facile à dire après coup, alors que l’on apprend la vérité. La triste vérité que l’humain au pouvoir, quel que soit le pouvoir (politique, religieux, médiatique) ment toujours et mentira toujours et que le reste est influençable et naïf de ne pas avoir su discerner la vérité à travers tout cela.

Lorsque j’étais jeune et jusqu’à mon départ pour Paris voilà quelques années, je lisais trois journaux différents par jour : le Devoir, la Presse et The Citizen d’Ottawa. Parfois aussi Le Droit de Hull. Comme si ma vie en dépendait, de savoir ce que les politiciens faisaient, ce qu’ils disaient, ces interminables discours sur la souveraineté du Québec ou le fédéralisme, ces débats sur la religion et ce qui est bien de faire ou non en société. Il me fallait lire au moins trois journaux d’endroits différents et de provinces ou de langues différentes afin d’en savoir un peu plus sur la vérité des événements rapportés, car tous ces journaux se contredisaient et rapportaient les nouvelles de façons très différentes. Je ne vais pas ici parler de la subjectivité des médias, nous en sommes tous conscients, et des règles du discours et erreurs argumentatives. Peu importe.

Lors de mon emménagement en Europe, soudainement je me sentais trop loin de tout cela pour continuer à lire les journaux du Canada et j’avais trop peu d’intérêt pour ce qui se passait en France pour lire les journaux locaux. Aujourd’hui en Angleterre je lis le Evening Standard assez souvent mais cela ne sont pas des nouvelles, c’est plutôt un divertissement. La preuve est qu’à part la page 1 et 2, rien de ce qui se retrouve dans ce journal ne se retrouvera dans les autres quotidiens londoniens.

L’important est de comprendre que rien n’est important. J’ai entrevu une ligne sur le parti Québécois qui passait sur CNN Europe et j’en ai déduit qu’il y avait eu des élections au Québec dernièrement. Ce qui est extraordinaire est que j’ignore qui a gagné. Et cela ne m’intéresse même pas. Se libérer des ces choses est déjà un pas important vers la paix et la brisure d’un certain conditionnement social dont beaucoup sont les victimes. On ne me lavera pas du cerveau trop facilement, je questionne tout et je prends difficilement position. Je prends le recul nécessaire et je prends mes propres décisions. Bref, je vis et je laisse vivre, et si plusieurs d’entre vous faisaient la même chose, la vie serait déjà bien plus facile pour tout le monde.

Je reviens de parler à une conférence à l’Université de Tulsa dans l’État d’Oklahoma, Crossing Borders, Literary Symposium. Très à propos puisque ma vie a justement été jusqu’ìci de traverser les frontières, d’écrire et de tenter de demeurer hors des frontières du Canada, souvent de façon illégale. C’est bien connu, les humains n’ont le droit que de vivre là où ils sont nés. La multiplication des frontières réduit de façon radicale leur liberté d’habiter l’ailleurs. Juste pour cette raison je suis bien heureux que le Québec ne soit qu’une province et non un pays, cela signifierait que les Québécois ne pourraient habiter nulle part ailleurs dans le monde qu’au Québec. Au moins aujourd’hui on peut sacrer le camp en Colombie-Britannique quand on ne peut plus s’endurer et qu’il faut s’enfuir. Les conférenciers venaient de partout en Amérique, plusieurs d’Amérique Centrale et du Sud. Nous avons parlé du problème des frontières et du langage, des droits et libertés des humains, de littérature et de son rôle dans l’émancipation des nations. J’ai fait un long discours sur la littérature québécoise. Vous pouvez télécharger ma présentation en anglais en cliquant ici :

Présentation PowerPoint en anglais sur la littérature québécoise (attention, c'est 1860 KB)
Extrait d'Encarta en Anglais (MS Word) sur la littérature québécoise (61 KB)

J’avais un peu honte d’avouer qu’à peu près tous les grands auteurs du Québec sont et ont été obsédés par la situation politique et religieuse du Québec, et que pendant longtemps et encore aujourd’hui ce qui prévaut est le roman paysan. Je n’ai pas de grand sentiment nationaliste qui m’a fait crier sur tous les toits d’Oklahoma que le Québec était un pays souverain ou devrait l’être. Je ne leur ai pas dit non plus que j’étais un fédéraliste et j’ai bien sûr raconté certains faits de l’histoire qui sont indéniables, les Anglais contre les Français et le rôle de la littérature québécoise dans tout cela. Ce que je n’ai surtout pas manqué de dire est que dans les 16 livres que j’ai écrits, je ne parle pas de la situation géopolitique du Québec. Qu’en fait, je suis à contre-courant de toutes ces histoires et que cela expliquait peut-être pourquoi j’étais publié en France et non au Québec et qu’il semble que l’on parle davantage de ma littérature en Afrique francophone que dans les médias québécois.

Semblerait que mon livre Denfert-Rochereau est une bonne réponse à l’État redneck qu’est Oklahoma et son État voisin Arkansas. Et peut-être aussi que l’Anarchiste est plus à propos chez les Africains que chez les Québécois. C’est un des avantages de ne pas être toqué sur le Québec et la souveraineté. On parle globalement, ce que l’on écrit peut dire quelque chose à n’importe quelle nation, pas une seule en particulier. La professeure qui m’a invité à parler à cette conférence m’a proposé de traduire en anglais mon livre Denfert-Rochereau et je comprends pourquoi. La religion est encore forte dans cet État, c’est un des seuls 4 États qui dit qu’être gay est illégal, c’est tout dire. Et son voisin l’Arkansas a trouvé le moyen de bannir le livre Harry Potter, c’est également révélateur de la censure qui s’opère dans ces lieux. Mais ce sont justement dans ces endroits que l’on rencontre des clans d’intellectuels très activés, des lieux ou même le droit des femmes n’est pas garanti.

Enfin, je n’y suis pas allé avec le dos de la cuillère, j’ai beaucoup parlé de Michel Tremblay, entrant dans les détails des sujets comme le sexe, les gays, les travestis, les prostitués, la drogue, l’inceste que l’on retrouve épars dans son œuvre, à croire qu’il aurait vécu tout cela. J’ai aussi parlé de mon amie Anne Hébert que j’ai connue à Paris et dont je crois que je suis l’inspiration de son dernier livre Un Habit de Lumière où le héros s’appelle Miguel (Michel en espagnol) et qui va découvrir le monde Underground de Paris avec sa mère (Anne, sans doute). J’avais donné une copie de mon livre Underground (version intégrale) à Mlle Hébert, j’ai cru qu’elle ne survivrait pas, au contraire, elle s’en est inspirée. La suite d’Underground, Mind the Gap, raconte beaucoup ces merveilleuses rencontres à Paris avec Anne Hébert.

La partie de mon discours la plus appréciée est sans doute celle de Denys Arcand, ils avaient tous vu le film Le Déclin de l’empire Américain (très à propos en ce moment) et Jésus de Montréal. Et surtout que le Québec manque de rigueur, très peu d’auteurs intellectuels capables d’aborder des sujets plus globaux et philosophiques. Nos grands auteurs sont publiés en France, incapables d’être reconnus d’abord au Québec (Anne Hébert, Réjean Ducharme, Jacques Godbout et même Hubert Acquin).

Il est indéniable que je suis fier d’être québécois, à m’entendre chanter les louanges de nos grands auteurs, comparant Émile Nelligan à Arthur Rimbaud. Et plusieurs étudiants qui étudient la littérature québécoise étaient dans la salle, avides de mes paroles, alors que je croyais bien que cela les laisserait indifférents. Voyez-vous, l’Université de Tulsa a un programme d’échange avec l’Université Laval et la prof responsable de cet échange a placardé des douzaines de photos et de cadres du Québec sur les murs de la faculté de langue. Cela m’a fait bien plaisir.

Un autre groupe dans la salle faisait partie de l’association gaie et lesbienne de l’université, ils attendaient fatidiquement le moment où j’avouerais ou pas que je suis gai. Leurs yeux se sont illuminés lorsque je l’ai avoué. Au départ je ne savais pas trop si j’allais le dire ou non, nous étions tout de même dans l’État d’Oklahoma… je suppose que Michel Tremblay m’a donné ce courage, lorsque je parlais de son œuvre. On ne peut pas parler de Michel Tremblay sans parler d’homosexualité, alors pourquoi parlerais-je de mon œuvre sans le mentionner?

Avant mon discours, moi et mon copain Mark étions assez ignorés. Après mon discours nous étions les rois de la conférence. Tous nous aimaient et voulaient nous parler davantage. Nous ignorons encore si c’est que nous étions gais ou si ma présentation a été électrisante plutôt qu’endormante comme plusieurs autres conférenciers.

Bref, cela a été une expérience enrichissante. Un honneur qu’aucune université du Québec ne m’a encore accordé et c’est peut-être mieux ainsi, qui sait. Je suis un auteur du monde, et non un auteur québécois. Je suis né à Québec, mais cela n’a pas d’importance. Je n’habite plus le Québec depuis plus de 10 ans et je n’écris pas seulement pour le Québec. Ainsi je ne passerai pas à l’histoire littéraire du Québec car on ne sait reconnaître que ceux qui parlent de notre histoire et des conditions de vie du passé. Le prix à payer pour oser franchir les frontières de ce monde et de vouloir explorer l’univers, et de parler de cet univers avec un certain recul et une certaine objectivité.

Après Tulsa nous avons visité l’État d’Oklahoma, d’Arkansas (Eureka Springs), de Tennessee (Graceland, Memphis, Elvis Presley), d’Illinois (St. Louis et Chicago). Il était difficile de voir que le pays était en guerre contre l’Iraq, mais nous avons vu beaucoup de panneaux « Support our Troops » et des centaines de drapeaux américains. Pas une seule fois on semble m’avoir vu d’un mauvais œil à cause de mon accent français, au contraire, j’étais le bienvenu partout (il n’est pas évident pour les Américains de comprendre qu’un francophone pourrait venir du Québec et non de la France, ils s’imaginent que nous parlons tous anglais et que le français est devenu un peu comme le gaélique en Irlande, une langue morte).

Pas une seule fois avons-nous vu les French Fries devenues Freedom Fries. Alors encore une fois on s’est questionné sur le mouvement anti-France aux États-Unis. Est-ce possible que seulement quelques restaurants boycottent la France et les journaux ont tourné cela comme si ce mouvement était généralisé à la grandeur des États-Unis? Je n’ai aucune misère à le croire. De toute manière, les frites ont été inventées en Belgique, elles devraient donc s’appeler des Belgium Fries. Et sur cette pensée très philosophique, je vais vous laisser…

Encore une fois, cliquez ici pour voir ma présentation en anglais à cette conférence littéraire (1.8 MB).

Cliquez ici pour voir des photos des environs aux États-Unis
(Oklahoma, Arkansas, Missouri, Tennessee et Illinois)

Roland Michel Tremblay
www.lemarginal.com
03-04-26




La lucidité par l'alcool


Être saoul pour un intellectuel est bien différent qu'être saoul en collectivité et tomber par terre à la fin de la soirée. Combien de fois ai-je été saoul seul tard la nuit, comme cette nuit… pleins d'idées resurgissent. Soudainement je comprends l'univers, toute la bullshit tombe. Au lieu de m'assombrir, soudainement je vois clair, je comprends tout. Prenez tout ce que j'ai écrit, si vous êtes capable de lire plus de 20,000 pages de radotage. Peut-être faut-il être saoul pour le comprendre, mais être un saoul intellectuel. Je vais mourir dans mes idées, dans mes écrits, tard la nuit à comprendre tous les principes de l'univers pour moi seul. Rimbaud n'a jamais été aussi clairvoyant, à être saoul.

Je ne voulais pas être intellectuel, mais je vois que je n'ai pas eu le choix. C'est comme d'être gai, on ne choisit pas. Malheur à moi, malheur sur ma vie, malheur à mes lecteurs éventuels. Je suis tout un numéro, un vrai clown, une vraie prostituée aux idées d'autrui. Et le rejet systématique de tout.

Au Québec il est bien difficile d'être intellectuel, sinon impossible. On ne prend pas cela au sérieux. En France il faut être intellectuel, il n'y a pas d'autre voie possible. Se saouler la gueule tard la nuit n'est pas respectable, il faut être saoul mais plus intelligent en conséquence. Je me demande ce soir, avons-nous des intellectuels au Québec ? Existe-t-il un auteur intellectuel impressionnant dont tout le monde parle ? Non, car au Québec on ne lit que des romans américains traduits. On ne connaît pas la littérature classique comme Balzac, Zola, Pascal, Gide ou Yourcenar. Qui a lu le Corydon ou Alexis ou le Traité du vain combat ? Et qu'est-ce que cela a changé à ma vie d'avoir lu ces livres ? Je l'ignore.

La vie n'est pas facile, la vie est impossible. On se découvre plein de problèmes psychologiques profonds et pourtant ils demeurent tellement en surface de l'existence. La réussite sociale n'est plus importante, la réussite amoureuse est dépassée. La gloire du chanteur rock saoul et drogué est risible. Que reste-t-il au bout de tout cela ? Une crise existentielle oubliée. L'oubli de notre motivation à continuer d'exister. Jouez-vous un rôle clé dans l'existence d'autrui ? Changez-vous quelque chose dans la vie d'au moins quelques personnes dans votre entourage ? Et cela vaudrait-il la peine de continuer ? Peut-être.

Combien facilement on reprend une cigarette après avoir arrêté pendant des mois. Comment facilement on reprend une bière après avoir constaté tous ces lendemains infernaux où l'on s'est dit : pourquoi l'alcool existe ? Combien impossible est d'arrêter de prendre des drogues ou d'arrêter de bouffer. Impossible. Impossible. Il n'y a plus de lendemain à tout cela. Seul le présent existe. Sauf que le futur est là à nous attendre, le dur lendemain existe encore. On meurt, un article dans le journal le lendemain et c'est tout. On passe à autre chose. On a une vie à tenter de vivre. Mais cette vie est toujours déprimante. Rien n'y fait, même pas de se réveiller à Rome avec une vue superbe sur le Vatican. Et un déjeuner exquis sur le balcon. God, c'est pas un psychologue qui va me sortir de ma transe. Qui va régler tous mes problèmes, même si par définition, en ce moment, je n'ai aucun problème.

Et pourtant j'ai cette liberté extraordinaire, je peux faire ce que je veux. Je peux partir en train pour l'Écosse demain matin si je veux. Mais je ne le fais pas, je meurs ici à Londres à ne rien faire. Mais je vais à Cardiff (Wales) samedi. Cette liberté que tous recherchent. On la trouve et rien ne change à notre désespoir. Le succès ne change rien à l'histoire, on est ce que l'on est aujourd'hui, misérable un jour, misérable toujours.

Être poète, c'est quelque chose. Être un poète publié, c'est encore mieux. Être un poète entendu, c'est contre-nature. Ce n'est plus être poète, c'est être sensationnaliste. Tellement d'opportunités existent. Toutes ces portes s'ouvrent enfin et encore on se lamente. Rien n'y fera. Comme la mort est attirante. Ne plus se réveiller le lendemain, ne plus exister le lendemain. Vieillir apporte cette idée de la mortalité, un instinct de vie qui dit : je ne veux pas mourir, je veux vivre éternellement ! Et pourquoi ? Tous les grands politiciens sont morts, tous les grands de l'histoire reposent quelque part dans leur tombe. Je suis encore vivant, l'instant d'un moment, pour en parler avant de m'effacer à mon tour dans l'infini et l'oubli total. Cela ne donne-t-il pas le goût de créer quelque chose de durable ? Une chanson classique qui sera reprise par plusieurs et qui sera numéro un éternellement ? Une envie incontrôlable de construire un chef-d'œuvre inoubliable pour lequel nous pourrons être fier même après notre mort ? Faut-il s'asseoir sur ses lauriers ensuite, lorsque l'on sait que l'on a fait tout ce que nous pouvions faire et ne jamais avoir à le répéter ou se dépasser ?

Où je vis à Londres, près de Richmond, c'est rempli d'acteurs et de chanteurs qui ont eu un impact impressionnant sur le monde entier et qui maintenant ne font plus rien. D'où leur est venue cette motivation maintenant morte ? Oh, s'asseoir ici cette nuit à son ordinateur et se dire : « bon, je vais recréer ma gloire passée, je vais créer quelque chose d'extraordinaire et d'immortel », cela ne semble possible que pour les Rolling Stones qui habitent tous juste à côté de chez moi. Pourrais-je puiser à la source ? Moi aussi révolutionner le monde entier par quelques notes, quelques idées ? Une révolution, un changement absolu de tout ce qui est venu avant et qui viendra après ? Hors du mainstream où tous les autres se morfondent ? Pas facile.

Une mission. Comme une mission à accomplir. Et une fois accomplie on peut s'asseoir avec sa grosse maison à Richmond sans ne plus rien faire. Parfois je prends la voiture le matin, je vais me faire couper les cheveux et toujours un acteur est à côté à raconter ses expériences. Parfois un bon rôle, parfois juste un figurant dans un film sans importance, un soldat dans un film obscur tourné en Grèce. Je me plais à croire que je suis comme eux, que je puis m'asseoir sur mes lauriers, qu'en ce lundi matin je n'avais qu'à réfléchir un peu la veille, écrire quelques lignes, et ce matin je suis libre d'aller fouiner à la librairie de Richmond, déjeuner en paix sur la colline juste à côté de chez Mick Jagger. J'ouvre un journal et je lis les rumeurs, les inventions, les suppositions des journalistes qui deviennent soudainement des réalités bonnes à discuter. Pourtant je n'en suis qu'au début. Je n'ai jamais atteint leur niveau et je ne l'atteindrai jamais non plus. Ce n'est pas important. C'est le rêve, l'illusion qui compte.

Je vais vous laisser avec ce que j'ai accompli dans toute ma journée à ne rien faire. J'ai répondu à quelqu'un qui m'a laissé un message anonyme. Et ma réponse, aussi ésotérique qu'elle vous semblera. C'est pourtant ce qui m'anime tous les jours. Ces correspondants qui m'arrivent avec les questions les plus bizarres et inattendues qui pourtant sont exactement mes motivations.

Mon Dieu, il est presque 6h du matin, à midi je dois être à la station Chancery Lane dans l'Est de Londres pour luncher avec l'Allemande avec qui je travaillais dans les conférences. Ce que ma vie est difficile parfois ! C'est comme cela que j'apprécie ma liberté.


Roland Michel Tremblay
www.lemarginal.com


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22:54, le 05/12

Message de Julien Laze

Sujet : Communauté d'esprit

Bonjour, je ressens une profonde estime à votre égard et votre oeuvre a été pour moi une "révélation". J'ai suivi à peu près le même cheminement intellectuel que le votre en m'intéressant tout d'abord à la philosophie puis à la physique (tout en restant très attaché à la philo). Tout comme vous, je n'ai pas les qualifications requises (étant étudiant en droit) pour avancer des théories physiques. Toutefois, je constate que nous sommes animés par la même soif de connaissance, la même quête de Vérité. C'est devenu un besoin quasi-oppressant, mais aussi exaltant.

Je voudrais vous poser une série de questions :

Tout d'abord, croyez-vous en Dieu ? Que pensez-vous de la théorie dite des "univers parallèles" ? Quelle est selon vous la "mécanique" fondamentale animant notre univers ?

Merci et à bientôt.


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Londres, 5 décembre 2002

Je voudrais tout d'abord vous remercier pour vos encouragements. Je vais maintenant répondre à vos questions, mais je dois avouer que si vous m'aviez posé ces questions l'an dernier, les réponses auraient certainement été différentes. Ce qui me laisse croire que si vous me posez les mêmes questions l'an prochain, les réponses pourraient également être différentes.



1) Tout d'abord, croyez-vous en Dieu ?

Je vais répondre à cette question par un extrait de mon livre l'Éclectisme, p.40 :

« Ne me demandez jamais si je crois en Dieu. Car aujourd'hui j'y crois, demain je n'y croirai pas et après-demain j'y croirai à nouveau. Je suppose que c'est une bonne chose, mais je n'aurai jamais de garantie. »

www.lemarginal.com/eclectisme.htm

« Croyez-vous en Dieu », n'est pas la bonne question. Cette question ne peut pas être répondue sans d'abord définir ce qu'est Dieu. Ainsi je peux croire en Dieu et je peux ne pas y croire selon la définition que l'on peut et veut donner à ce mot.

Existe-t-il quelque chose ou quelqu'un qui nous aurait créés ? C'est possible, mais nous ne le saurons peut-être jamais. Cela doit demeurer une hypothèse jusqu'à ce que nous ayons des preuves tangibles, et je n'en ai pas encore vues.



2) Que pensez-vous de la théorie dite des "univers parallèles" ?

Cette question est très intéressante car justement je viens de terminer un long rapport à ce sujet pour un film d'Hollywood qui sortira l'an prochain. Toutes les théories des univers parallèles sont assez fraîches dans ma tête, très séduisantes et aussi très peu convaincantes.

Elles reposent sur certaines observations en mécanique quantiques dont cette particule qui se retrouve à plusieurs endroits en même temps et qui passe par la porte A et B pour passer à travers une boîte. Et le problème du principe de l'incertitude qui fait que l'on ne peut que savoir la position d'une particule ou sa vitesse, mais jamais les deux. Le fait d'observer sa vitesse ou sa position détruit également ce que nous observons.

Je pense que les particules, tel qu'expliqué à l'URL ci-dessous, vont plus rapidement que la vitesse de la lumière :

www.lemarginal.com/relativite.htm

Ce qui explique pourquoi une particule peut passer par la porte A et B pour se rendre de l'autre côté de la boîte. En fait, elle a eu le temps peut-être de se promener partout avant d'aller de l'entrée à la sortie de la boîte.

Nous sommes incapables d'observer le fait que cette particule va plus rapidement que la vitesse de la lumière parce que les instruments de mesure que nous utilisons utilisent la lumière qui, elle, voyage à la vitesse constante de C, une vitesse qui est cependant relative et donc changeante selon notre vitesse et la gravité autour.

Pourquoi nous calculons que cette particule ne va pas plus rapidement que la vitesse de la lumière ? Parce que nous utilisons les équations d'Einstein et qu'il faut tenir compte que le C dans ces équations est relatif et doit être ajusté en conséquence.

Mais je pense que tout de même certains mondes parallèles peuvent exister, ce qui expliquerait les déjà-vus. Tout simplement parce qu'à mon avis nous vivons dans une réalité qui fluctue sans cesse. Nos particules vont plus rapidement que la vitesse de la lumière et elles ne vont pas à une vitesse constante à cause des différents champs gravitationnels environnants. Ce qui fait que nous vivons dans plusieurs réalités en même temps, et autant dans le passé que dans le futur. Parce que justement le temps, la distance, la vitesse, la masse, etc., tout cela est relatif à notre vitesse dans l'espace, aussi la vitesse de nos particules, et la gravité environnante.

Je sais que cela est difficile à comprendre, j'ai plus de détails en anglais sur cette page (où bientôt il y aura aussi mon rapport sur les mondes parallèles) :

www.themarginal.com/scifi.htm

Je dois dire qu'un très grand nombre de grands physicistes sont convaincus que des mondes parallèles existent et peut-être ont-ils raison. Mathématiquement parlant cela semble être vrai, mais je me demande si nous interprétons bien ce que nous observons.



3) Quelle est selon vous la "mécanique" fondamentale animant notre univers ?

Si j'avais la réponse à cette question, je pourrais mourir. Et chercher la réponse à cette question, est la seule raison du pourquoi je vis encore.

Je pense tout de même que la mécanique fondamentale animant notre univers nous est tout à fait inconnue et sans doute le demeurera toujours. Cependant je pense que nous sommes prêts pour une gigantesque révolution en physique qui remettra tout en question et changera radicalement notre existence.

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Je vous invite à communiquer avec moi directement. Ce forum n'est peut-être pas le bon endroit pour ces discussions. J'ai également mon propre forum littéraire avec une section de science fiction à cet endroit :

www.lemarginal.com/forum

Merci !

Roland Michel Tremblay
www.lemarginal.com
rm@themarginal.com

02-12-06


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Les Suicidés de la Société

Roland Michel Tremblay


Après plusieurs mois de silence je me décide à écrire ce matin. Sans doute parce que je suis seul au Lac-St-Jean au chalet de ma sœur et qu'il a neigé la nuit passée. Le paysage est merveilleux en ce 17 octobre, ce qui me rappelle que voilà deux jours j'ai passé le cap des 30 ans.

Vieillir ne me fait pas peur, en fait mourir ne m'a jamais fait peur. Deux choses cependant m'inquiètent, et je serai honnête avec moi-même ce matin. La première c'est l'immortalité au sens de Milan Kundéra, et la deuxième c'est d'avoir identifié un peu plus ce qu'est l'univers et la place de l'humain dans cet univers.

L'immortalité, je dois laisser ma trace sur ce monde, je dois influencer quelque chose sur une échelle globale. Il semblerait qu'il importe peu que ce soit avec mes livres, ma physique théorique ou ma récente participation à une série télévisée qui a vu certaines de mes idées et mon travail portés à l'écran dans le monde entier (bien que je ne crois pas avoir eu le crédit pour cela). Je me rends compte que cette dernière chose n'est pas aussi séduisante que je l'aurais crue, de même, devenir soudainement un écrivain célèbre ne me semble plus si important ou intéressant. En fait, je ne sais plus où j'en suis.

J'ai l'impression que cette immortalité n'est pas si importante après tout. Mon éditeur fait les salons du livre en France et partout dans la francophonie, et pourtant je me vois mal commencer à me rendre à ces salons du livre ou faire la tournée des écoles. Tout cela je l'ai trop voulu lorsque j'étais jeune pour finalement vouloir le vivre 10 ans trop tard. C'est passé, c'est mort, c'est trop tard pour cela. Les salons du livre m'ont toujours semblé être mon salon mortuaire, un constant souvenir que je ne faisais pas partie de ce monde et que sans doute je n'en ferais jamais partie. Il est vrai que mes écrits étaient trop bizarres et obscurs pour intéresser un éditeur, quant aux lecteurs… tout le monde ignore tout d'eux.

Aussi extraordinaire que cela puisse paraître, je n'ai jamais vraiment réussi à m'accoler le titre d'écrivain, pourtant j'ai écrit 16 livres. C'est qu'il faut être publié, il faut avoir connu un certain succès pour être un poète ou un auteur. Maintenant que je suis publié à Paris, au-delà de toutes mes espérances, et après avoir connu un certain succès, et que maintenant les gens dans les milieux me reconnaissent, il me semble que je tricherais encore en me nommant écrivain. On a tellement voulu ne pas m'accoler le titre jusqu'à ce que ceci ou cela se produise, que maintenant que cela se produit, et que l'on sait ce que cela signifie, je ne veux plus de ces titres.

Je pense qu'à force de vouloir oublier mes illusions perdues, je me suis construit un univers bien différent, une raison d'exister bien différente, une quête existentielle qui serait menée jusqu'au bout. À remettre Einstein en question, à réinventer la science fiction, à sortir de ce système solaire passé date. J'ai cette impression effrayante d'être né dans un petit village autour du Lac-St-Jean et d'être incapable d'en sortir alors que je saurais que tout un monde existe à l'extérieur de ce village. Je n'ai jamais été assez loin. Je suis non seulement sorti de mon village mais j'ai vécu dans les autres provinces canadiennes, aux Etats-Unis, en France, en Belgique et la plupart de ma vie à Londres où j'habite encore. Devoir rester sur la terre en ce moment me tue, il me faudrait inventer la technologie et la théorie qui nous permettront de sortir de l'univers connu. J'ai besoin d'aller de l'autre côté de l'océan, et une fois là-bas, d'aller de l'autre côté de ce que je trouverai. Dans ce contexte, parler à la radio, répondre aux journalistes et me mêler aux histoires d'auteurs et d'éditeurs dans les salons du livre ne m'intéressent plus. Donc j'ai perdu courage alors que c'est maintenant qu'il me faudrait faire de la promotion et du marketing. Ah ces mots, je vais vomir…

Il est vrai que je parlerai à une conférence à l'Université de Tulsa dans l'État de l'Oklahoma dans quelques mois, mais c'est la première fois. On verra ensuite si je veux le faire encore, sans doute ce sera un désastre. Je dois justement représenter le Québec et la littérature québécoise pour laquelle j'ai tant de mépris, par pure jalousie, et je l'avoue pour la première fois. Pourquoi cette auteure plutôt que moi ? Pourquoi ce livre plutôt que le mien ? D'autant plus lorsque l'auteure et le livre en question ne méritaient pas une telle fanfare, ou que s'ils la méritaient, mes livres également en méritaient peut-être une. Même une petite fanfare. Je suppose que je pourrais m'asseoir et me dire que ce que j'écris n'est effectivement pas très bon, mais cela n'est pas vrai, je refuse de le croire. En tout cas ce ne peut certainement pas être plus mauvais que tout ce qui sera publié cette année. Je suppose que c'est ce que tous les nouveaux jeunes auteurs pensent, ils doivent tous être désabusés. Et les problèmes sont ces copyrights et cet argent que les éditeurs récoltent. Sans cela, tous les livres seraient sur l'Internet, comme les miens, et ce qui est bon serait considéré et deviendrait populaire. En ce moment on se rabaisse au choix des éditeurs pour se dire que tout ce qui est bon a été trié par eux. En plus ils sont tous en chicane, ils se bataillent les uns les autres, et cet univers subjectif et relatif est laid. Tout comme ma première expérience dans l'univers de la télévision américaine. Et là on m'a suggéré de n'écrire qu'en anglais et que des scénarios. Et je n'ai même pas questionné cela, je me suis dit d'emblée qu'en effet, j'en avais terminé avec l'écriture de romans, de nouvelles, de poésie et de mon journal en français. Si cela ne m'avait rien apporté en 10 ans, qu'aurais-je à espérer pour les dix prochaines années ? Voilà qu'après quelques mois seulement mes idées et mes écrits sont joués par des personnages à la télé dans le monde entier. Ça s'est passé tellement rapidement que regarder le premier épisode m'a laissé perplexe. Je ne sais pas quoi penser. On dirait que cela me fait peur, je n'ai pas le courage de l'écouter. La vie est compliquée.

Mes 30 ans ont apporté quelque chose d'autre pour mon bilan de vie. Être, entre parenthèses, un écrivain à temps partiel en parallèle d'un emploi à temps plein dans les conférences rempli d'heures supplémentaires n'a rien d'évident. J'ai terminé ma maîtrise en littérature française à temps partiel à l'Université de Londres voilà trois ans et cela a terminé de longues études pendant lesquelles j'ai toujours travaillé à temps plein dans un emploi ou un autre en plus d'écrire mes livres. Tout cela m'a été essentiel pour me donner le contenu de mes livres. Plus tu vis, plus tu écris, et cela expliquerait pourquoi j'ai été aussi prolifique malgré le peu de temps que j'avais pour l'écriture. Mais d'avoir réussi à faire tout ce que j'ai fait en parallèle de mes emplois dans les conférences européennes n'a pas réussi à contenter ma famille, car je n'ai jamais réussi à vivre de l'écriture. Alors que j'étais réduit à laisser certains emplois pour écrire, pour en reprendre d'autres quelques mois plus tard alors que j'étais à bout de ressources, n'a réussi qu'à traumatiser ma famille. J'ai toujours été une sorte d'élément perturbateur dans leur vie, un élément imprévisible pour lequel ils auraient un jour ou l'autre à en payer le prix. Ils se sont même renseigner à savoir si mes 75,000 dollars canadiens de dettes étaient transférables à eux en cas de décès ou de faillite personnelle. J'ai tenté de leur expliquer qu'il était préférable éthiquement parlant pour moi de travailler, arrêter pour écrire et travailler à nouveau, que d'être sur l'aide sociale. Et leurs yeux se sont illuminés, l'aide sociale leur semblait la solution parfaite dans mon cas. Je me disais que je pourrais sans doute déguiser cette aide sociale en demandant plutôt l'aide d'agences gouvernementales pour écrivains, mais cela me semble trop d'énergie pour quelque chose d'incertain et trop peu élevé. Les préjugés. Il faut sans cesse se battre contre eux. Heureusement j'habite Londres, je n'ai à justifier ma vie que lorsque je retourne au Saguenay-Lac-St-Jean.

La société actuelle n'accepte pas l'écriture tel un emploi nécessaire ou valable, surtout si cela ne paie pas. Ainsi les auteurs n'ont aucune crédibilité et aucun moyen de survie. Personnellement je ne crois pas que cela soit si terrible, beaucoup de littérature, de films et de série de télé ne méritent pas nécessairement les fonds publics pour se faire et n'auraient rien changé à l'humanité qu'ils aient existés ou non. J'accepte la mentalité actuelle, ou du moins dans notre développement actuel, je puis la comprendre. Ce qui fait que je doive me battre pour ce besoin d'écrire et sans doute je me battrai toute ma vie. L'important est de ne pas être influencé par autrui, ne pas les écouter. Il faut suivre le chemin que l'on sait être le bon.

La société fera tout pour que tous les chômeurs de la planète travaillent à bon salaire, elle fera tout pour que les couples non mariés se marient, elle fera tout pour que les couples aient des enfants. Cela est incompréhensible, quel est leur propre intérêt dans tout cela, sinon rassurer une certaine peur de l'existence, de la perte de leur sécurité ? La tradition est réconfortante. Dans la vie il faut gagner sa vie, il faut se marier et il faut avoir des enfants. Et si cela ne survient pas, il y a un problème, notre valeur baisse, nous sommes moins que des humains. Il ne faut pas déroger à la règle.

Ma sœur est maintenant enceinte et elle m'a dit qu'un bébé c'est plus important que tout ce que j'ai écrit. Et cela m'a fait réfléchir, est-ce que la vie de son bébé est plus importante que l'accomplissement personnel d'une personne quelle qu'elle soit ? Et où dessine-t-on la frontière ? C'est-à-dire, existe-t-il certains auteurs ou scientistes dont l'accomplissement est plus important qu'une nouvelle vie ? Cela m'a surpris parce que, finalement, est-il plus important de mettre au monde des bébés ou d'accomplir quelque chose dans notre vie ? Si le seul accomplissement important qui existait sur cette terre était de mettre au monde un enfant, la vie serait simple, mais certes ne me contenterait pas. Et si finalement l'accomplissement de qui que ce soit, et donc la vie de chacun, était moins important que la prochaine naissance, pourquoi cette naissance serait-elle si importante si finalement aucun des accomplissements de cet enfant ne vaudra plus que la naissance du prochain bébé ? Autrement dit il serait inutile de naître car cette vie ne sera jamais importante. On dirait une idéologie catholique, faisons des bébés qui pourront être tués aussitôt qu'ils auront fait leurs bébés, ceci afin d'atteindre un développement physique supérieur digne de Dieu, une perfection et une race supérieure d'humains capables j'imagine de communiquer par la pensée avec leur créateur. Sinon, je comprends mal cette non valorisation de la vie, jumelée à cette primordiale idée de faire des bébés, et aussi cette idée que les gais et les humains qui souffrent de toute autre déviance psychologique ou physique ne devraient pas exister, et surtout ne pas faire ou s'occuper des enfants.

Je dirais donc que la naissance de cet enfant est importante et que mes écrits le sont également. Lequel est le plus important est une question pour la philosophie, et donc ne devrait pas être répondue. Atteindre l'immortalité, que ce soit par un bébé ou un livre ou une équation mathématique révolutionnaire. Tout cela c'est créer quelque chose, faire naître de rien. C'est atteindre une certaine perfection, créer tel que Dieu nous aurait créé, nous et l'univers, peu importe la définition de Dieu.

Maintenant, si on me donnait le choix entre brûler tous mes livres pour toujours et la vie de l'enfant de ma sœur, je n'hésiterais pas, la vie de cet enfant me semblerait plus importante, quand bien même on brûlerait avec tout cela l'équation E = mc2. Pourtant j'aimerais croire que ce que j'écris est important, que cela a changé et changera encore la façon de penser de plusieurs personnes, les motiveront peut-être. J'ai reçu bien des messages de gens qui m'ont dit que sans m'avoir lu, ils se seraient suicidés (la crise existentielle étant mon sujet favori). J'ai donc peut-être sauvé la vie de plusieurs de ces enfants désespérés qui demandaient tant de sacrifices pour naître et qui allaient mourir avant d'atteindre l'âge de la majorité. Donc, vaut-il mieux brûler mes écrits et faire naître son bébé ou sauver la vie peut-être de quelques autres jeunes ? Est-ce que ces jeunes se seraient effectivement suicidés ? Peut-être pas, moi j'ai réussi à vivre 30 ans sans le faire alors qu'il n'a jamais existé un temps où je n'y pensais pas. Puisque le taux de suicide est très élevé aujourd'hui, j'ai le droit de le croire.

Même cela ne me motive pas à continuer. J'aimerais tout brûler, j'aimerais mourir sans immortalité, sans jamais avoir dit un mot, sans jamais avoir existé. Parfois je me dis que cela m'éviterait bien des problèmes de conscience et des regrets. Je suis dans un état permanent de panique, j'ignore où je suis, ce que je fais, où je m'en vais et le pourquoi, surtout le pourquoi de tout cela. Je ne suis pas heureux, je ne l'ai jamais été, c'est pourquoi j'écris, et surtout que j'écris ce que je veux et non ce qu'autrui veut que j'écrive. Je dois d'abord répondre à ma névrose, et si je ne rejoins que les suicidés de la société, eh bien on se comprendra entre nous. Et vous les gens qui ne sont pas marginaux, qui font et vivent exactement ce qu'ils doivent vivre, tant mieux pour vous, je vous souhaite d'être heureux dans une vie qui ne me rendrait pas heureux. Votre vie réconfortante, le chemin là tout tracé que vous suivez, sera sans histoire et sans intérêt. Inutile d'en écrire des livres, ils ne feraient que renforcer les préjugés et rendre la vie des marginaux difficile.

Je me sens mieux depuis que j'ai craché tout cela sur ces pages. J'ai l'impression d'avoir compris quelque chose de pas très évident que je n'aurais pas pu comprendre si je ne l'avais pas écrit. Voilà pourquoi j'écris, pour comprendre ces choses. Comprendre le mystère de la vie et de l'univers. C'est une quête personnelle que seuls quelques marginaux comprendront. Je n'écris pas pour ceux qui sont heureux de vivre, sans doute parce que je suis un éternel malheureux. Dans le fond ce n'est peut-être pas pour les masses que je travaille, mais pour rejoindre ces quelques personnes capables de me comprendre parce qu'elles vivraient la même chose, auraient les mêmes questions. Voilà pourquoi je peux recevoir des lettres de gens qui détestent mes écrits et d'autres qui me disent que je leur ai sauvé la vie. Longue vie aux Suicidés de la Société !


Roland Michel Tremblay

www.lemarginal.com
rm@themarginal.com
02-10-17

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J'aime mieux mourir que de souffrir



Autant j'aurais voulu être d'une positivité à tout casser, je vais encore parler de suicide. Je vous invite à changer de page immédiatement, sur la page de Cyril c'est plaisant, ça flash, ça parle de choses insignifiantes qui vous feront oublier de penser. La page de Richard vous emmènera je ne sais où, dans un monde imaginaire où pendant un instant vous pourriez croire que la littérature vaut quelque chose et qu'elle peut changer quoi que ce soit à cet univers. Et je pense que la page de Serge est aussi noire que la mienne, sauf que Serge a les deux pieds sur terre. Il s'inquiète avec la guerre, avec les injustices sociales contre les gais ou autres, alors que moi j'ai depuis longtemps arrêté de me scandaliser pour toutes ces choses.

Je ne suis plus de ce monde. Je suis déjà mort. Et chaque jour que je vis, ce n'est qu'une journée de plus à me demander pourquoi je dois encore me préoccuper de toutes ces choses si je suis aussi déconnecté ? La triste vérité est que je dois maintenant me chercher du travail, je dois payer au-delà de 900 livres par mois pour mes dettes, je ne vais donc travailler que pour rembourser mes prêts. Mais voilà, j'aimerais mieux mourir que de retomber dans les réalités sociales actuelles. Je n'ai tout simplement ni la force ni la volonté d'embarquer dans les jeux d'autrui, de répondre à un supérieur jamais satisfait qui fera tout pour rendre ma vie misérable. N'ai-je pas déjà tant d'expérience en ce domaine que je pourrais passer à autre chose ? N'importe quoi fera l'affaire. J'ignore si c'est le monde capitaliste qu'il faut blâmer pour l'enfer du monde du travail, ou ces directeurs qui se prennent pour Dieu et qui rendent la vie de tout le monde impossible.

Je pourrais également prévoir plusieurs meurtres en série, des collègues homophobes ou prétentieux, ou juste sans cervelle aucune. Je suis tant détaché de tout en ce moment que le procès et la prison me sembleraient une expérience intéressante, et surtout différente que cette vie pourrie du monde du travail.

Pourtant j'ai quelques bons souvenirs de journées où j'ai travaillé et où c'était passionnant, exaltant, merveilleux. Laissez-moi réfléchir… well, rien ne me vient à l'esprit, mais 60 heures par semaine pendant plus de 20 ans, sûrement il doit y avoir une journée qui me saute à l'esprit ? Malheureusement la seule journée qui semble me venir à l'esprit en ce moment c'est un hôtel à Ténériffe aux Îles Canaries lors de vacances voilà quelques années. La vue arrière sur la mer était merveilleuse et les déjeuners exquis. Une autre journée qui me revient à la mémoire, un voyage en Europe alors que je n'avais que 17 ans en 1990, à marcher dans les rues de Vienne et Salzburg en Autriche. Et encore, ce ne sont que de vagues souvenirs, je dirais même une légère impression, une émotion lointaine. Presque une peur de cet exotisme qui fait monter l'adrénaline, perdu à Vienne à 17 ans, faut le faire.

Ce n'est pas aussi que je devrai vendre mon âme à un patron sans plus avoir le temps de faire quoi que ce soit d'autre dans ma vie sauf de m'inquiéter et travailler pour lui ou elle, mais que je ne pourrai plus écrire, je ne pourrai plus travailler sur mes sites, je ne pourrai plus rêver de travailler à nouveau sur un film d'Hollywood. Tous mes rêves s'évanouiront avec cette première journée où je signerai mon âme à ce patron ou cette patronne. Il sera encore plus difficile sinon impossible de ressortir de cette boîte que d'y entrer, même si en ce moment le marché du travail est sursaturé et qu'il est bien difficile de trouver un emploi.

Sans compter cette histoire de visa britannique qui me fatigue énormément. Devoir se battre avec les autorités pour un misérable tampon dans son passeport qui dit que j'aurai le droit de demeurer sur un coin de planète précis pendant deux ans, c'est le comble de l'idiotie. Et ce papier, j'ignore comment je ferai pour l'avoir. Maintenant que je suis divorcé, je vis à Londres illégalement. Ils ne seront pas prêts, après ce mariage de raison, à accepter la relation de huit ans avec mon copain. On m'expulsera sans doute, et ils prendront tellement de temps à me retourner mon passeport que je ne pourrai malheureusement pas parler à cette conférence à l'Université de Tulsa dans l'État de l'Oklahoma en avril prochain. Ma première invitation à parler à une conférence en tant qu'auteur publié, aux États-Unis en plus, et je devrai annuler. Rien de plus déprimant.

Et ce sentiment de culpabilité permanent qui m'étouffe parce qu'en ce moment je ne travaille pas, parce que je tente d'écrire et de travailler sur mes sites. Toutes les nuits lorsque je vais me coucher, cette angoisse me prend aux tripes et je ne vois qu'une solution à cet enfer, le suicide pur et simple. Arrêter de vivre, de respirer, de s'inquiéter avec l'existence. Bon dieu, un de mes meilleurs amis à Londres vient de m'apprendre qu'il est séropositif depuis bientôt 10 ans et je ne peux que l'envier. Non seulement cela ne semble avoir eu aucun impact sur moi, aucune pitié ou désolation, mais j'en viens à voir la mort comme si rien n'était, comme si elle était aussi normale que la vie, et j'en viens à la désirer. Malheureusement je ne suis pas séropositif, j'en ai encore pour des années à souffrir ma crise existentielle. On ne meurt donc jamais sur cette foutue planète ? Je n'ai même plus besoin d'être saoul pour préférer mourir que d'exister dans cette vie insipide. Il n'y a plus rien que qui que ce soit peut dire ou faire pour m'affecter, je suis bien au-delà de toutes ces choses. Cette bitch qui vient me dire que l'on a envie de se suicider en lisant mes livres et que je corromps la jeunesse, ce misérable qui m'avoue que je le dégoûte et qui a jeté mon livre dans une poubelle de Montréal. Les rats seront peut-être mieux cultivés, on devrait peut-être les manger.

Je relisais le début de mon livre La Révolution aujourd'hui, j'ai écrit cela voilà 13 ans lorsque j'avais 17 ans. Eh bien, je parlais autant de suicide alors qu'aujourd'hui. Aucune évolution, rien n'a changé. Je suis incapable de prendre la vie sérieusement, elle n'est qu'un jeu futile que les gens prennent trop au sérieux. Et on dirait que je suis le seul capable de faire le détachement indispensable, de prendre le recul nécessaire pour voir que tout cela n'est pas vrai ou fondamental. Que la vie n'est pas réelle, elle n'est que le fruit de nos perceptions limitées et que nous ne devrions pas souffrir.

Il n'existe aucune raison valable pour justifier la misère de cette existence ou l'enfer du quotidien. On ne devrait pas avoir à souffrir quoi que ce soit que nous ne désirons pas. Nous devons demeurer maître de notre existence, faire ce que l'on veut sans l'obligation ou le jugement d'autrui, et être heureux. Mais je semble être incapable d'en arriver là. Je retombe sans cesse dans cette roue du monde misérable du travail où autrui a tous les pouvoirs sur chaque minute de mes pénibles journées. Je sens que je devrai me trouver un fusil quelque part, quelque chose doit changer, quelque chose va changer…




Roland Michel Tremblay

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