Philosophie de La Révolution
L'Épilogue ci-dessous était à l'origine appelé
La Philosophie de René l'Aventure et je crois que cela concerne
surtout la deuxième partie de la Révolution. C'était
une analyse du texte, la philosophie de vie que l'on pourrait en
extraire, ou du moins ce que j'avais en tête lorsque j'écrivais
le livre.
Au départ j'avais peur de le relire car
cela a été écrit peu après avoir terminé
la Révolution et j'étais jeune à l'époque
(17 ans). Bien que le livre la Révolution
a bien tenu le test du temps et que je ne regrette aucun mot de
ce que j'ai écrit, j'avais peur de ne plus penser la même
chose à la lecture de l'épilogue. Mais je dois avouer
que je le pense encore et de toute manière je l'aurais
mis en ligne par respect pour cette personne que j'étais
et que je ne suis plus. En fait, je constate que je n'ai pas beaucoup
changé avec les années, cette philosophie a toujours
été centrale à toute mon existence et j'en
parle dans plusieurs de mes livres, comme dans l'Éclectisme.
Bref, cet épilogue a été
retrouvé récemment à Ottawa et c'est un miracle
que j'en avais gardé une copie sur papier qui a survécue.
Si cela était resté chez mes parents, cela aurait
été à la poubelle très rapidement
car ils ont tout jeté. Ce qui me fait me demander quoi
d'autres j'ai écrit qu'ils ont jeté!
Roland Michel Tremblay
Épilogue
Sur la route de ma réussite, voyez la beauté de
mes inquiétudes. Car tout est accompli et mes rêves
concrétisés. Ne deviendrait-il pas inutile de vivre?
Puisque le temps n'a plus de signification et que pourtant on
n'en a jamais suffisamment. Je dis, si ma destinée existe,
que mes buts sont bien définis et qu'il ne me reste qu'à
suivre la route ainsi tracée, j'oublie le temps, l'existence,
et je saute à la rivière.
Mais alors je change mon destin. Ce qui
fait de moi un homme qui n'a pas vécu. Ne serait-ce que
pour ne pas désirer vivre et avoir eu le temps d'y réfléchir.
Ainsi donc je construis mon destin, et le temps me fuit. Et ô
horreur, j'existe.
Eh bien, l'existence m'ouvre une porte sur l'agir,
et je le jure, mes actions seront utiles. Je puis redéfinir
la notion de temps, et voir en mon cheminement et ma destinée
de vagues réalités secondaires. Je puis également
voir en l'existence la notion d'inexistence, où vivre devient
une absurdité.
Et j'ai maintenant la possibilité de m'inquiéter
avec de vrais problèmes existentiels: le gouffre où
conduit la rivière, la menace d'une inondation, le soleil
qui s'éteindra, puis l'Amour avec l'Aventure obligée
pour y accéder.
Mais ma raison, biaisée par les artifices
de mes semblables, raconte une histoire contraire à mes
désirs. Il ne me reste que la révolte qui m'amènera
à suivre l'appel de l'Aventure. Ou la soumission, qui m'amènera
à mourir au milieu de la raison. Ainsi le monde peut s'éteindre
et la conscience m'en sera loin.
L'important reste le souvenir d'un but à
l'existence. L'important c'est de ne pas oublier qu'il m'est impossible
de connaître mon cheminement avant même de l'avoir
parcouru. Car il est à bâtir. Et si j'ai le malheur
de le devancer en y définissant des buts, j'atteindrai
ces buts et j'oublierai la signification de l'existence. Car se
fixer des objectifs c'est définir l'existence. Atteindre
ces objectifs c'est détruire l'existence.
Il faut d'abord s'ancrer une philosophie de vie
qui établit un semblant de finalité. Une finalité
qui ne peut s'atteindre qu'en partie et qui se mesure en une ligne
nommée l'expérience.
L'expérience, ce mélange de perfectionnements
qui jongle avec les subtilités de la vie, va dans le sens
du bien et de la morale. Parce que seules ces idées apportent
une sensation de satisfaction positive et une idée de paix
avec la conscience. En premier lieu, il faut développer
une sagesse afin de définir son idéologie. Aussi,
il n'est pas évident de distinguer les actions ou conséquences
susceptibles de fournir une nouvelle donnée à l'expérience.
Et sans l'idée de justice, il est impossible d'avancer.
Car si la justice tient compte de valeurs morales - indépendantes
de tout intérêt extérieur - elle collabore
alors à l'harmonie de notre pensée.
Une conscience morale claire est certainement
le point de départ et l'idée fondamentale d'une
philosophie. Car elle évite les retours aliénants
sur les moments forts de notre existence, tracas ou stress, qui
freinent l'ouverture de nos idées sur la vie. Il faut faire
face, mais une fois pour toute. Il faut distinguer des choses
qui apportent de nouvelles données à l'expérience,
et il faut ensuite être réceptif à autre chose.
Il arrive cependant qu'avancer ne soit qu'une
impression. C'est que les interprétations possibles des
conjectures restent difficiles et plus souvent qu'autrement on
se trompe, on interprète mal. On peut le constater en réfléchissant
davantage aux événements, on trouve de nouveaux
éléments, on fait de nouveaux liens, puis nous changeons
nos opinions. D'où l'importance de la sagesse dans le discernement
par rapport à l'idée de perfection.
Par ailleurs, différentes personnes exigent
différentes particularités. Ainsi on assiste à
ce qui semble être des injustices sociales, telles les inégalités
entre les personnes. On y retrouve entre autres des habiletés
à accomplir certaines choses, des dons, ou une situation
sociale de prestige. Il faut interpréter ces inégalités
comme des caractéristiques nécessaires en rapport
à notre position sur la ligne de l'expérience. Par
conséquent, quelqu'un qui semble n'avoir plus rien à
apprendre d'important à l'intérieur d'une vie où
tout semble bien aller, inconsciemment peut-être, et aidé
par ce qu'on pourrait appeler une sorte de hasard, se donnera
les moyens d'accéder à autre chose afin d'apprendre
davantage. Ainsi notre univers immédiat semble comporter
tous les éléments indispensables à l'acquisition
de certaines idées, et permet une évolution qui
tient compte de notre rythme.
Ces caractéristiques inhérentes
à chacun impliquent en un sens, mais pas nécessairement,
les fatalités. On peut dire que telle chose doit arriver,
mais il faut être capable de faire un lien entre cette chose
et notre apprentissage. C'est ici que la subtilité entre
en ligne de compte, car ce lien peut être évident
ou non, nécessaire ou non.
Nous sommes de toute façon loin de la perfection,
puisque tout nouvel élément remet en question nos
présomptions. Par conséquent, les jugements que
l'on porte doivent sans cesse être reconsidérés.
Juger requiert une connaissance exhaustive de tous les éléments
ou facteurs qui ont un lien direct, indirect, ou même lointain
avec l'objet du jugement. Et l'énumération de ces
facteurs, qui pourrait bien être infinie, révèle
des motifs qui fort souvent dépassent l'entendement de
la raison.
Il est également possible de se rendre
compte d'une progression dans notre cheminement. Régresser
c'est progresser tout de même, car on apprend de nos erreurs,
surtout inconsciemment. Voilà pourquoi il est normal de
se retrouver en contradiction avec notre propre philosophie. Être
conscient, par contre, engendre une progression plus rapide. Car
on voit le pourquoi de chaque chose, on agit et on analyse avec
l'idée d'apprentissage. Être inconscient permet certains
liens, mais il est difficile d'apprendre à compter si on
n'est pas conscient que l'on désir apprendre à compter,
et surtout, si l'on ne désire pas apprendre à compter.
Mais de toute manière, il est dans la nature de l'humain
d'apprendre. Bref, progresser lentement signifie en quelque sorte
la stagnation.
Celui qui est conscient progressera de façon
évidente et atteindra des résultats. Ainsi nos conditions
de vie favorisent certains changements dans notre existence, et
enclenchent tout un processus de l'apprentissage impliquant différents
niveaux. Il devient cependant difficile de définir s'il
existe une hiérarchie entre ces niveaux. Est-ce que l'on
peut dire qu'il faut apprendre telle chose avant telle autre?
Ou plutôt constater qu'il existe une infinité de
choses à comprendre afin d'accéder à un niveau
de vie meilleur?
Atteindre certains résultats, suffisamment
pour ressentir le besoin d'un changement radical dans notre vie,
entraîne le recommencement du processus provoquant l'expérience,
tout ceci afin d'aboutir à d'autres résultats.
Alors on retrouve certains événements
empêchant la réalisation de nos désirs. Il
ne s'agit pas toujours de surmonter les obstacles, mais de voir
ce qu'ils impliquent. À la limite on arrive à acquérir
de l'expérience par la transposition des sentiments ou
émotions des personnes avec qui l'on échange des
connaissances. Souvent, lorsque l'on a bien identifié les
implications d'un événement, avec considération
de faits ou personnes impliquées, et que l'on a su en dégager
quelque chose, l'obstacle disparaît de lui-même. Parfois
même sans que l'on ait besoin de surmonter la difficulté,
c'est-à-dire, que l'on ne perçoit plus l'obstacle
comme un obstacle. Ce qui reviendrait à dire que l'obstacle
est surmonté, mais à un autre niveau. Exemple, la
personne qui essuie un échec assez important pourrait s'apitoyer
sur son sort et se replier sur elle-même. Si elle comprend
qu'il s'agissait d'une étape transitoire dans son existence,
qui lui permettra d'accomplir et de connaître autre chose,
elle aura plutôt tendance à se reprendre rapidement
en main puis de foncer vers ce changement. On n'a pas besoin de
souffrir pour acquérir de l'expérience si on est
capable de comprendre avant la souffrance.
D'un autre point de vue, il est possible d'acquérir
tout un bagage de connaissances inconsciemment. Mais que devient
alors le but de l'existence? On a tous une philosophie de vie.
Des idées morales qui, bien que non concrètement
identifiées et mises en application, car instables selon
les situations, composent tout de même nos valeurs de base
collectives, ou obligations et devoirs envers la collectivité.
Celui qui n'identifie pas concrètement ses idées
et ses buts, ou si ceux-ci ne sont que secondaires, risque de
se demander pourquoi il vit. Plus particulièrement s'il
vient qu'à se rendre compte que ses objectifs ne sont pas
aussi essentiels qu'il ne l'aurait d'abord cru. Dans cette hypothèse,
il croit alors qu'il n'existe aucune justification à l'existence,
et perd toute motivation. Il s'enferme alors à l'intérieur
de compensations. Il se construit un faux univers, un univers
de surface, où il peut jouir, par exemple, à prendre
un café le matin. Des habitudes remplacent les buts finaux.
Vivre au quotidien, en attendant la mort. Il peut croire trouver
le bonheur dans l'amour, mais l'amour témoigne plutôt
un besoin très grand qui doit être satisfait. On
aurait tort d'y voir le sens de l'existence. Au contraire, conquérir
l'amour c'est se libérer d'un besoin qui empêche
le bon fonctionnement de la pensée. Tout comme l'argent,
lorsque l'on en a suffisamment, on ne s'inquiète plus avec
les besoins primaires et on passe à de nouvelles idées.
L'amour et l'argent deviennent plutôt des motivations à
provoquer l'expérience. On sait ce que l'on veut inconsciemment,
on y va directement ou on le recherche toute notre vie. Et une
sorte de hasard lie le tout ensemble et permet la satisfaction
d'autres besoins moins évidents.
Plusieurs ne distinguent pas ces autres besoins
et s'enferment dans la superficialité. Même une superficialité
intérieure, un bel univers de surface que l'on arrive aisément
à croire. Toutes ces choses qui compensent le manque d'un
sens à l'existence, agrémentent la vie, donnent
le goût de vivre, mais ne sont pas essentielles. Ne pas
être amoureux rend peut-être triste, dans l'hypothèse
où tous profitent de l'amour alors que l'on reste isolé
et seul à se demander pourquoi l'injustice existe. Mais
à se représenter tout le monde seul, la différence
n'existe plus et la tristesse disparaît. La misère
ne provient pas de ce que l'on a pas, elle provient de ce que
les autres ont et que l'on a pas. Alors on est en droit de se
demander si c'est vraiment misérable que de ne pas être
dans la norme.
Certains dépérissent parce qu'ils
n'acceptent pas ces inégalités. Ils demeurent alors
en stagnation. Et la première étape à franchir
alors, c'est justement l'acceptation de cette différence
ou inégalité.
Si la stagnation persiste, il y a décrochage
face à la réalité. Car celle-ci devient insupportable,
et la fabulation ou les espérances ne suffisent plus à
soutenir l'existence.
Alors la dépression guette. On démontre
toutes les caractéristiques de celui qui va ou veut mourir.
La psychologie déteint sur le corps, on se demande si ça
vaut la peine de continuer. On pourrait à la limite se
laisser mourir ou se suicider. C'est la rupture.
Il faut alors comprendre que pour apprendre et
voir des faits positifs à l'intérieur de notre cheminement,
et savoir apprécier notre fausse misère, il faut
se débarrasser des vieilles idées ou valeurs ancrées
dans notre esprit. Il faut savoir identifier toutes les sources
susceptibles d'empêcher une compréhension éclairée.
Qui sait remettre en question ce qu'il a apprit, qui sait remettre
en question ce qu'il a de plus fondamental en lui, sera à
même de tenter de comprendre et bâtir son cheminement.
Et ce, juste par la réflexion, les associations
d'idées, les liens à faire entre les éléments
en cause. S'il a conscience que les choses compensatoires ne sont
pas les buts finaux, s'il est capable à partir des connaissances
des autres d'élaborer ses propres idées, et puis
surtout, s'il a la volonté de progresser dans son cheminement,
alors il est prêt pour la révolution.
Toutefois, je ne saurais être objectif lorsque
le seul mot qui puisse définir la complexité d'une
telle idéologie est la subtilité. J'expose ici mon
propre cheminement, et ce n'est que la prise de conscience. Maintenant
il s'agit d'embarquer dans les réalités collectives
de chaque jour puis d'élaborer à nouveau mes idées.
On pourrait d'ailleurs parler de raffinement.
René de l'Aventure est le reflet de cette
philosophie et je n'ai pas la prétention de croire qu'il
a raison. Il démontre surtout la difficulté de s'adapter
à nos propres idées, où chaque petit détail
est la grande épreuve à la stabilité de notre
cheminement. Et bien que l'expérience s'acquière
positivement à travers le bonheur parfait ou le malheur
le plus complet, il n'en reste pas moins que le seul avantage
d'être conscient d'un tel processus, c'est l'apport d'une
meilleure compréhension de la mécanique de l'existence
pour ainsi éliminer les obstacles, la défaite ou
l'échec personnel. La question majeure devient alors: Pourquoi
cela m'arrive-t-il? Qu'est-ce que j'apprends là-dedans?
Car rien n'arrive pour rien, ou en d'autres termes, en chaque
chose, j'apprends. Et je le répète, notre finalité
reste à définir au fur et à mesure de notre
apprentissage.
Une philosophie pour être valable n'a que
ces seuls critères, soient, ceux de faciliter l'existence
et de rendre heureux.
Lire La Révolution HTML
ou DOC ou PDF
Contact
principal : Roland Michel Tremblay
Tél. : +44 (0)20 8847 5586 (Londres)
Courriel : rm@themarginal.com
Sites : www.lemarginal.com
www.lemarginal.com
Ancien
site de l'Anarchiste Couronné (même contenu, pas à jour)
Retour
en haut de page
The Marginal Directory
Forum
|