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En juin 2001 j'ai participé au deuxième Salon du Livre en ligne appelé
Planetexpo. Je présente ici les
commentaires que j'ai mis dans mon forum de discussion. Vous retrouverez
également des articles que j'ai écrits et des interviews que j'ai données.
Roland Michel Tremblay
TABLE DES COMMENTAIRES SUR CETTE PAGE
1er décembre 2001
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Le Marginal Littérature
Questions à
RM Tremblay à propos de l'Attente de Paris
Pour la chronique littéraire de la Toile gaie mondiale
De Richard Chartier
Bonjour cher collaborateur de la Toile!
1-À la lecture de ton livre "L'Attente de Paris", j'ai
constaté que tu utilises un style littéraire simple, direct et qui évite
d'utiliser des mots trop "intellectuels". Est-ce volontaire de ta part ?
RM :
Cette question est très intéressante car en effet l’Attente de Paris
a un seul niveau d’interprétation et c’est écrit d’une façon spontanée.
Cependant ce n’est pas le cas de mes trois autres livres publiés qui sont
tous très différents les uns des autres, même du point de vue du style
littéraire.
Par exemple, l’Éclectisme est davantage un essai
philosophique qui utilise même un jargon relatif à la science fiction, pour
ne pas mentionner Star Trek. Et Denfert-Rochereau est
davantage un roman dont le style est plutôt littéraire.
C’est volontaire, mais cela a une explication. J’écris
toujours deux livres en même temps. Un qui est mon journal qui sera
transformé en un roman, comme l’Attente de Paris qui a sa version
journal appelée Underground que l’on retrouve sur mon site (www.lemarginal.com).
Et un autre livre que j’écris en parallèle et qui est une œuvre littéraire
fictive qui diffère de mon existence, mais s’en inspire tout de même. Ce
deuxième livre est d’un style plus recherché, sans contenir cependant de
mots trop intellectuels qui ne viennent pas naturellement. Je ne suis pas un
de ces fervents littéraires qui croient qu’il faille un dictionnaire pour
lire un livre ou que les mots compliqués prouvent la qualité d’une œuvre.
On m’a souvent dit que l’Underground était meilleur
que la version roman l’Attente de Paris, car c’est beaucoup plus
instantané. Mais il faut être connu afin de réussir à faire publier un
journal, donc j’en fais des versions romans différentes, transformant le
héros d’un être gai à un être hétérosexuel.
On pourrait m’accuser de ne pas m’affirmer en transformant
mon journal en des romans hétérosexuels, mais je le fais pour une seule
raison : pour ne pas enlever l’intérêt du journal qui lui aussi sans doute
sera publié un jour. Alors vaut mieux que le roman diffère de l’original,
sinon le journal ne sera jamais publié.
2-Ton personnage principal, Julien, est souvent en proie à
des révoltes contre la société, son fonctionnement et ses principes. Peut-on
affirmer qu'il te représente ?
RM : Je suppose qu’il est un anarchiste en attente d’être
couronné, ce qui est le titre de mon site littéraire (l’Anarchiste
Couronné Littérature) et donc le titre qui couronne toute mon œuvre.
J’aime dire que je ne suis pas un anarchiste, ou du moins pas un anarchiste
politique, mais on dirait que ça revient toujours dans mes livres. J’ai même
un livre qui s’appelle la Révolution où l’anarchie et la révolte sont
également les sujets du livre, bien que ce soit plus songé que l’Attente
de Paris.
Il n’y a aucun doute que Julien c’est moi, puisque le livre
était un journal à l’origine. J’ai même la version Underground Uncut
(non coupée, non corrigée) sur mon site qui contient 650 pages de plus que
l’Attente de Paris. Dans cette version j’entre dans bien des détails
inutiles pour un roman, mais qui aident à comprendre les passages du roman.
Cette version Uncut est le livre le plus populaire de mon
site l’Anarchiste Couronné et je pense que je vais l’enlever bientôt.
Car lorsque l’on dit trop ce que l’on pense, on se fait attaquer ensuite sur
des détails que l’on pensait un jour et que l’on ne pensait plus le
lendemain. Et vraiment, je n’y vais pas avec le dos de la cuillère à propos
de mes profs et du système. Je pense qu’il y en a assez dans la version
Uncut pour me poursuivre en justice ! Juste pour dire, dans les romans, en
tant qu’auteurs, nous sommes très gentils et mesurés.
3-Le roman nous présente des personnages qui vivent
d'incessants remous intérieurs, plongeant dans l'incertitude et le doute
face à leur destin. Ce tableau que tu nous dépeins de jeunes gens en crise
d'identité, à la recherche d'un sens à leur vie, est-il représentatif de la
nouvelle génération ? Si oui, n'est-ce pas un peu décourageant pour l'avenir
?
RM : Je suis tout à fait convaincu que mon expérience est
l’expérience de la majorité des étudiants, et un peu plus tard dans le
livre, l’expérience des étudiants québécois qui vont étudier à l’étranger.
Il est très difficile de planifier sa vie un mois à l’avance
alors que les universités nous acceptent ou non dans un programme trois
jours avant le début des cours. Et lorsque c’est Paris, il faut toute une
révolution pour que cela survienne, et bien des miracles. La bureaucratie
internationale n’a plus de limites. Comme si la seule raison d’être des
gouvernements était de passer de nouvelles lois contraignantes, et qu’avec
le temps cela devienne impossible même de respirer.
Mais je suis convaincu que nous suivons tous une destinée.
J’ai écrit 14 livres, j’ai un éditeur de Paris qui en a publié quatre, un
autre éditeur de Paris qui est intéressé à en publier d’autres, ma destinée
se dessine bien à l’horizon. Mais même avec cette certitude que notre
destinée va bien, il y a toujours les doutes et les misères, et oui cela se
reflète dans mes livres.
Cela m’a pris des années pour enfin être publié, et cela, pas
grâce aux éditeurs québécois qui ignorent encore mon existence. Mais cela
n’est plus important alors que nous avons la France, la Belgique, la Suisse
et la population francophone de l’Afrique pour nous apprécier. Sans compter
que je reçois parfois jusqu’à 8000 visites par mois sur mon site. J’ai même
été invité à parler tous frais payés à des conférences aux États-Unis et en
Roumanie. Alors j’ai enfin le droit d’espérer et de croire qu’il existe un
avenir pour la nouvelle génération.
En ce qui concerne ma crise existentielle, elle n’est
peut-être pas si représentative de la nouvelle génération. Je ne me souviens
pas d’avoir rencontré tellement de gens en crise d’identité ou à la
recherche d’un sens à leur existence. Mais si cela est représentatif de la
nouvelle génération, et oui il est possible que ce soit le cas, alors ce
n’est pas décourageant car il existe une vie après les études, un succès à
trouver, une possibilité de s’en sortir. Et finalement je suppose qu’on
finit par se ranger. Mais pas dans mon cas, bien sûr, car même le succès
littéraire ne remplira pas mon vide existentiel, qui est sans doute le thème
principal de tous mes livres.
4-Julien est hétérosexuel et ne semble pas s'offusquer outre
mesure d'offres ouvertement sexuelles d'amis gais, même que parfois il nous
paraît ouvert à une expérience homosexuelle. Crois-tu que cet aspect du
personnage ne reflète pas plutôt un fantasme que certains gais entretiennent
d'avoir une baise avec un hétéro ou bien si, selon ton expérience, des
hétéros peuvent être effectivement tentés par une relation sexuelle avec un
autre gars ?
RM : Julien paraît avoir toute une histoire à propos des gais
et une tentation à ne pas être fidèle à sa blonde, parce que dans le livre
original, Underground, il est gai. Dans la version roman j’ai dû
éteindre tout cela tout en gardant la majeure partie du livre. Alors il est
maintenant un hétéro pro-gai, et a des amis gais.
Apparemment il est possible de coucher avec des hétéros en
général, mais cela ne m’est jamais arrivé. Cependant certains hétéros ont
cet intérêt envers moi, mais je me demande toujours si c’est parce que je
suis gai ou si c’est ma personnalité qu’ils apprécient.
L’Attente de Paris,
pris en son contexte, montre un Julien hétéro avec des amis gais qui ont un
intérêt envers lui. Comme plusieurs hétéros que je côtoie, Julien semble
apprécier cet intérêt des gais envers lui bien qu’il ne couchera jamais avec
eux.
Je dois avouer que, dans l’Attente de Paris, Julien
est devenu un gai dans le placard. Il semble vouloir être gai, il a des amis
gais qui le désirent, mais est incapable d’aller plus loin parce qu’il veut
être fidèle à sa blonde. C’est la transposition du personnage que je suis en
étant gai mais en voulant demeurer fidèle à mon copain. Cela devient
intéressant dans la version roman, car il est supposé être hétéro tout en
étant confronté aux mêmes événements.
5-Lorsque Julien arrive à Paris pour ses études de maîtrise
en littérature, rien ne va plus dans sa vie y compris sa relation amoureuse.
L'accueil des Parisiens et le système universitaire français sont décrits
comme lourds, bureaucratiques et sans aucun sens de la compassion ni de la
solidarité. Y a t-il un lien entre les mauvais moments dans la vie de Julien
et l'accueil glacial des Français ou si cela se déroule effectivement de
cette façon ? Est-ce là une critique de la société française ?
RM : Puisque tout ce qui est décrit dans ce roman est
effectivement survenu, je puis dire qu’il s’agit de la réalité. C’est sans
doute une critique du système français et des Parisiens, et cela n’était pas
rose. Mais j’ai entendu bien des histoires d’étudiants étrangers qui sont
venus étudier au Canada, et ça m’a semblé encore plus noir. Alors peut-on en
vouloir aux Français ?
Comment il faut comprendre le roman, est que Julien n’a qu’un
seul rêve, aller à Paris. Et lorsque cela survient, il comprend que le
système universitaire français est un enfer très difficile à s’adapter
comparé au système canadien. Lorsqu’un Français a une maîtrise en
littérature, il connaît tout. Toutes les différentes grammaires de la langue
française selon les siècles et toute la langue latine. Lorsqu’un québécois a
une maîtrise en littérature faite au Québec, il ne connaît rien du tout de
la littérature. Alors comment s’adapter ? Impossible, à moins de se mettre
enfin à travailler, et encore. Le système français laisse la chance au
coureur, mais seulement 30 % passeront les cours.
Cependant il ne fait aucun doute dans mon esprit que certains
Français sont horribles et hostiles. Être québécois m’a énormément aidé,
juste à cause, je dirais, de Roch Voisine et Céline Dion. Ils semblent
avoir changé l’attitude des Français envers le Québec. Avant eux, je ne
pense pas que le sentiment français aurait été aussi clément à mon endroit.
Je voudrais mentionner également qu’un étudiant africain ne bénéficie
certainement pas des avantages qu’un étudiant québécois bénéficie lorsqu’il
débarque à Paris. J’ai donc été chanceux, bien que cela ait été très
difficile.
C’est ce sentiment hostile parisien qui m’a fait retourner au
Canada au lieu de continuer ma maîtrise à Paris. Et c’est seulement les
regrets de ce retour qui m’ont fait revenir à Londres, car il m’était
impossible de revenir en France à cause des lois de l’immigration.
La fin de cette histoire où Julien obtient finalement sa
maîtrise en littérature à l’Université de Londres se retrouve dans la suite
de la trilogie Underground que l’on peut lire sur mon site. La suite
s’appelle l’Attente de New York et l’Attente de Londres. Mais
comme les versions romans ne sont pas encore prêtes, les livres s’appellent
respectivement Mind The Gap et No Way Out.
6-Ton livre a été publié par les éditions iDLivre.com.
Peux-tu me parler de ce qui s'est passé lorsqu’ils ont pris l'initiative de
t'éditer ?
RM : Au départ, sous le nom de l’Anarchiste Couronné,
je souhaitais partir ma propre maison d’éditions. Mais après quelques
recherches intenses et considérant mes ressources, il m’a été impossible
jusqu’à maintenant de le faire.
Avec le temps iDLivre Éditeur est arrivé dans le décor.
iDLivre est une nouvelle maison d’éditions moderne de Paris remplie de
nouvelles idées, dont l’accès gratuit aux livres sur l’Internet, les
téléphones mobiles et les Pocket PC, tout en imprimant et distribuant les
livres. Pour plus d’informations à ce sujet, je vous invite à écouter
l’entrevue que j’ai donnée à Radio-Canada et qui se retrouve sur mon site :
www.lemarginal.com/radiocanada.htm
C’est iDLivre qui m’a contacté en premier, après une visite
de mon site. Ils ont finalement décidé de publier quatre de mes livres parce
que, selon leurs dires, ils étaient incapables de décider entre les quatre
livres que je leur avais envoyés. Ils étaient surtout intéressés par
l’Anarchiste, un livre assez scandaleux et ouvertement gai. Cela m’a
bien surpris, pour un livre que j’avais effacé mais dont j’ai retrouvé une
vieille copie sur mon ancien ordinateur portatif que j’avais prêté à un ami.
Je crois qu’ils étaient moins intéressés par l’Éclectisme,
mais comme c’était le livre qui avait été publié en extraits à deux reprises
par des gens qui y croyaient, dont Guérin Éditeur et un magazine aux
Pays-Bas, ils ont décidé de le publier également.
Je pense que la maison d’éditions iDLivre s’intéresse plus
particulièrement à la littérature francophone hors France, et cela implique
des auteurs qui parlent de toutes ces lois d’immigrations, de
l’impossibilité d’habiter en France et des difficultés d’adaptation lors de
l’emménagement dans un nouveau pays. L’Attente de Paris a la qualité
de montrer qu’il est aussi difficile pour un Québécois d’emménager en France
que pour, par exemple, un Algérien. Cela dénotait sans doute un intérêt, car
la croyance populaire en France est qu’un Québécois peut habiter à Paris
assez facilement.
7-Tu as également écrit d'autres ouvrages dont un recueil de
poèmes. Explique moi en quelques mots le contenu de chacun de ces livres.
RM : Ce qui est passionnant à mon avis dans les quatre livres
publiés, c’est que bien qu’ils soient tous très différents au niveau du
style d’écriture et du contenu, ils ont tous été écrits à la même époque :
lors de mon arrivée à Paris puis mes séjours à Toronto, New York, Bruxelles
et Londres. Lire ces quatre livres en dirait long sur mon existence et qui
je suis, car ma vie y est là, éparse à toutes les pages. Je doute qu’aucun
de ces livres n’ait vu le jour si j’étais demeuré au Saguenay-Lac-St-Jean à
faire un bac en ingénierie comme c’est la mode dans ma famille.
L’Attente de Paris
est mon journal, donc un compte rendu précis de ma vie à
cette époque. L’Anarchiste est un recueil de poèmes noirs (si on
veut) qui est de loin mon livre le plus populaire. C’est le livre qui m’a
ouvert les portes d’iDLivre. Cela est étrange car personne ne vend de poésie
de nos jours, je suis donc bien heureux d’être reconnu pour cela, bien que
je sois loin de me considérer tel un poète ou un Rimbaud. Certains de ces
poèmes ont été publiés à plusieurs reprises dans plusieurs magazines et
livres dont la revue l’Envol en Ontario, les Saisons Littéraires
et Poètes Québécois d’Aujourd’hui 1994-1997 au Québec. J’ai
justement reçu ce matin Poètes des Saisons des Poètes, Anthologie
1994-2001 publié chez Guérin Éditeur qui présente plusieurs de mes
poèmes anarchiques. Ce qui confirme ce que j’ai toujours cru : on devient
poète par accident.
Denfert-Rochereau
est mon premier vrai roman fictif et je suis bien heureux du résultat.
J’avais peur, non pas de ne pas être capable de l’écrire, mais de ne pas
avoir la motivation de le terminer. Je dois avouer que cela m’a été pénible
à écrire, mais j’ai tout de même réussi à communiquer toute une philosophie
spirituelle dans ce livre dont je suis assez fier. Il faut dire que j’ai
fait beaucoup de recherches afin de pouvoir parler en connaissance de cause
des sociétés secrètes en France et en Angleterre. J’aime bien l’idée d’un
personnage qui tente de découvrir la spiritualité, enfermé dans les
catacombes de Paris à Denfert-Rochereau. Et j’ai pu également intégrer toute
une partie sur une sorte de retour au Saguenay-Lac-St-Jean après des années
d’absence. Tout cela coïncidait avec mon retour dans la région et aussi mon
départ pour New York. Ce livre me semble m’avoir été dicté, ma vie
s’organisait en fonction de son écriture. Donc pour moi ce roman a été une
aventure fantastique où j’ai pu analyser mon existence et en ressortir une
belle philosophie.
L’Éclectisme,
que je n’aurais jamais cru pouvoir publier, est à mon avis mon meilleur
livre. Difficile d’accès, c’est également mon plus intime. C’est ma vie et
mes pensées alors que je vivais à Londres, mais c’est vague, c’est
philosophique, c’est presque de la science fiction. L’Éclectisme est
la remise en question de tout, et sans doute mon livre le plus anarchique
sans même que l’on y retrouve le mot anarchie. Après avoir terminé
l’Éclectisme et l’avoir vu sur ma table en un vrai livre publié à Paris,
je me suis dit que je pouvais maintenant mourir, que j’avais tout écrit. Et
comme il m’est difficile de me remettre à l’écriture, j’ai encore tendance à
penser que c’est vrai. Cependant je suis en parfaite santé et somme toute je
vivrai peut-être suffisamment longtemps pour écrire, comme Michel Tremblay,
une quarantaine de livres. Alors j’espère bien retrouver mon inspiration
bientôt. J’ai d’ailleurs plusieurs livres encore non terminés, dont un livre
de science fiction en anglais qui avance très bien et qui s’appelle The
Relative Universe.
8-"L'Attente de Paris" et tes autres publications sont-ils
présentement disponibles en librairie au Québec ou ailleurs dans les pays
francophones ? Si oui, est-il possible de savoir à quels endroits ?
RM : Au Québec, L’Androgyne a été la première
librairie intéressée et je pense qu’ils ont commandé plusieurs copies
directement chez mon éditeur (du moins France à l’Androgyne m’a
contacté et m’a demandé comment commander mes livres).
iDLivre est un nouvel éditeur et ils sont encore en train de
négocier avec les diffuseurs, donc le tout reste à confirmer. Mais bientôt
mes livres devraient être disponibles un peu partout via les distributions
Édipresse au Québec, et
Sélection en France, Belgique, Suisse et au Liban.
Pour les impatients, mes livres sont disponibles maintenant
sur le site le Livre-Français :
www.livre-francais.com/?tliv=11&idliv=2-7479-0018-5.
Notez cependant que mes livres sont disponibles gratuitement
en ligne sur mon site l’Anarchiste Couronné Littérature :
www.lemarginal.com et sur le
site de mon éditeur iDLivre :
www.idlivre.com/rolandmichel.tremblay.
9-Quels sont tes projets pour l'avenir ?
RM : Me marier et avoir des enfants. Oups, ce que je radote.
Je suis déjà marié et divorcé (voilà pourquoi j’habite encore à Londres
après 7 ans) et j’ai déjà trois chats. Mes projets pour l’avenir sont donc
de vivre de ma littérature, et c’est déjà commencé, j’ai le droit de rêver.
J’aimerais bien aussi un jour rencontrer Michel Tremblay pour
lui botter le cul et lui dire comment il m’a été impossible de me faire
publier au Québec ayant son nom et en étant moi aussi gai. Il m’a fermé
toutes les portes (il est vrai que mes propres pièces de théâtres ne sont
pas aussi bonnes que les siennes, mais enfin…).
Au moins Michel Tremblay doit savoir que j’existe maintenant,
car une recherche sous son nom conduit tout droit à mon site. Alors c’est
déjà un résultat, il sert encore à quelque chose en ce qui concerne la
relève littéraire.
Roland Michel, merci d'avoir bien voulu répondre à mes
questions.
RM : C’est moi qui te remercie pour avoir pris le temps de me lire et de me
poser des questions précises sur mon roman l’Attente de Paris.
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10 juin 2001
Nouvelle génération d'éditeurs...
Un
journaliste de Radio-Canada questionne la nouvelle génération d'éditeurs
Vous pouvez entendre cette entrevue radio dans la section "Communiqués" de
l'auteur Roland Michel Tremblay, à cet URL :
ENTREVUE RADIO-CANADA :
www.lemarginal.com/radiocanada.htm
Note: je
suis bien aise de parler, mais cette année j'ai été publié, je n'ai pas déboursé
un sou, et j'ai fait ce que j'appelle un bon profit via mon éditeur iDLivre qui
utilise des moyens moins traditionnels. Je devrais donc me taire, j'ai un
avenir… mais je dois parler.
Les auteurs n'en veulent plus des éditeurs, tout comme les librairies, les
bibliothèques et les lecteurs. On voudrait bien juste les faire sauter, et
l'Internet est l'outil qui nous aidera à nous en débarrasser. (On me brûlera
pour parler ainsi, mais je traduis ici ce que pensent beaucoup d'auteurs.)
_______
Vos profits sont en danger. Qui lira les auteurs publiés une fois que l'Internet
se sera organisé et offrira gratuitement pratiquement toutes les œuvres des
auteurs non publiés de cette planète ? Qui sera assez fou pour payer un prix
exorbitant pour un livre alors que des millions de pages se retrouveront sur le
réseau mondial ? Surtout lorsque l'on sait que le monde de l'édition n'est qu'un
petit nombre d'éditeurs qui ne font pas tellement d'argent, qui ont peu de
moyens, qui reçoivent des milliers de manuscrits, qui ne publient que des
auteurs "sans risque" dont ils sont assurés de vendre quelques copies, et qui
finalement sont incapables de publier la majeure partie des bons auteurs de
cette planète ? En plus, plusieurs auteurs l'avoueront, même publié par les
grands éditeurs, on ne vit pas de son écriture. Alors où est l'intérêt ? Combien
de temps cela durera ?
Une révolution dans le monde de l'édition est à prévoir d'un jour à l'autre, et
seuls les journalistes qui accordent encore un intérêt marqué pour les œuvres
publiées chez les grands éditeurs font que l'industrie se maintient. Mais cela
est en train de changer.
Il faudra trouver ses profits ailleurs, ou il faudra mourir. Les journalistes
parlent déjà d'œuvres connues sur l'Internet, cela est dérangeant, car il existe
maintenant un moyen de contourner les grands éditeurs. Et le pire de cette
histoire, est que tout le monde s'en réjouit, les auteurs au premier plan. Car
n'est-ce pas eux qui comptent à la fin de la journée ? Pourquoi parler
d'éditeurs, d'auteur rattaché à tel éditeur ?
L'éditeur est en train de devenir secondaire. Les seules œuvres que j'ai lues
cette année, je suis fier de le dire, sont celles que j'ai lues gratuitement sur
l'Internet. Et c'est ça le futur du monde de l'édition. Ce sont les livres
numériques gratuits, que l'on peut imprimer chez soi à très peu de frais si
vraiment le support papier est important pour nous. Si vous avez fait la sourde
oreille jusqu'à maintenant, vous sortirez votre tête du sable très bientôt.
Un éditeur, c'est comme une banque. Lorsque l'on part une entreprise, on veut
des fonds, on va à la banque, elle nous donne de l'argent pour fabriquer le
produit et en promouvoir la vente. Or, lorsque Microsoft a fait tous ses
millions, remercie-t-on la banque qui l'a financé au départ ? Non. Bref, qui
fait le contenu ici ? L'auteur. L'éditeur lui n'est que l'intermédiaire entre
l'auteur et le lecteur. Et cet intermédiaire peut être remplacé par l'Internet,
en autant que l'on accorde enfin à l'Internet une certaine crédibilité.
Et ne vous méprenez pas, malgré tout, les journalistes accordent encore une
grande importance aux grands éditeurs, et je ne suis pas fou. Si Gallimard
débarque demain matin et veut me publier, et veut que j'enlève mes livres de sur
mon site, je ne dirai pas non. Et cela ne sera pas une contradiction. On peut
encore faire partie du système et questionner ce système. Sinon on ne se
régénère pas, et évoluer est important. Ce que je dis en fait est qu'un
changement dans les mentalités s'opère, et on ne peut l'ignorer.
Dans l'entrevue radio que j'ai donnée à Radio-Canada le 4 mai dernier, un
journaliste de Radio-Canada, Carl Bernier, questionne les éditeurs de la
nouvelle génération. Quelle est votre opinion ?
Voici un extrait de l'entrevue avec ce journaliste de Radio-Canada :
Radio-Canada : Dites-moi, il y a une chose qui m'intrigue, c'est une question
plutôt technique, vous mettez comme ça à la disposition sur votre site Internet
vos textes que l'on peut aller consulter, bien sûr. Vous y trouvez votre compte
comment ?
RM Tremblay : En fait, c'est ça qui est intéressant. C'est que l'éditeur que
j'ai en ce moment, idlivre.com, c'est un genre d'éditeur moderne. Ils pensent
qu'il y a davantage moyen d'atteindre les gens s'ils sont capables d'atteindre
les livres. Et je ne pense pas que cela va affecter le nombre des ventes, je
pense que cela va seulement l'augmenter. C'est un peu malheureux pour les
nouveaux auteurs qui ont publié un livre qui peut-être va vendre 300 copies et
puis après c'est fini parce que la campagne de marketing est finie. Finalement
il n'y a pas 300 personnes qui vont avoir lu leur livre. Moi j'ai insisté pour
garder mes livres sur mon site Internet, pour les avoir à la disposition de tout
le monde. Tout le monde peut les lire en version intégrale, puis j'ai bien
l'intention de les garder là pour toujours. À mon avis ça va seulement aider à
faire connaître l'auteur, ça va seulement aider les ventes éventuellement avec
le temps. J'aime mieux être lu, d'une manière ou d'une autre, que de vendre
peut-être, je ne sais pas, 3000 copies et puis c'est tout.
Radio-Canada : Oui… parce que vos textes, vos livres que l'on retrouve sur
iDLivre.com, c'est gratuit ? On peut les télécharger gratuitement ?
RM Tremblay : Oui. Ils y sont tous téléchargeables gratuitement. Et ils sont
téléchargeables aussi sur mon site Internet gratuitement. Et ça c'est clair, ça
va toujours être comme ça. Les livres sont en vente aussi au format de poche et
les gens peuvent les acheter aussi. Donc si les professeurs, je ne sais pas, ou
des groupes, ou les bibliothèques… ils les achètent quand même les livres. Et
c'est bien de pouvoir les lire avant, parce que, qu'est-ce qui vous motive à
acheter un nouveau livre ? Il n'y a rien qui vous motive à acheter un nouveau
livre. Ce n'est pas une description d'un paragraphe, c'est quelqu'un qui l'a lu
et qui va vous dire : ça c'est bon. C'est ça l'intérêt.
Radio-Canada : Et c'est vrai qu'on va peut-être plus rarement s'installer devant
son écran d'ordinateur pour lire un livre au complet.
RM Tremblay : Ah oui, ça, ça dépend. La nouvelle génération est beaucoup à lire
sur l'ordinateur, mais il y a beaucoup de gens qui m'écrivent, il y a énormément
de gens qui m'écrivent d'ailleurs… c'est rare, il n'y a pas beaucoup de livres
sur l'Internet. Et ça c'est un avantage. J'ai beaucoup d'étudiants qui ont
trouvé mon site, qui ont pris des parties de mes textes, qui les ont analysées
dans des cours universitaires et de CÉGEP, parce que, à cause des droits
d'auteurs il n'y a aucun livre sur l'Internet…
Radio-Canada : Sinon ceux du domaine public.
RM Tremblay : Qu'est-ce que je disais…
Radio-Canada : Il n'y a aucun livre qui est publié sur Internet. Et j'ai ajouté
sinon ceux du domaine public. Et vous vous avez décidé d'aller à contre-courant,
c'est ça ?
RM Tremblay : Oui, c'est ça, sauf ceux du domaine public.
Radio-Canada : Bien, alors, votre terrain de jeu c'est l'Europe. Vous venez de
nous le dire, Londres, et puis Paris et tout ça. On vous connaît quand même
relativement moins au Québec ? Mais j'imagine qu'avec Internet c'est une façon
de faire progresser les choses ?
RM Tremblay : Oui, sur l'Internet je suis très connu, par contre effectivement
au Québec le lancement officiel est seulement au mois de novembre au salon du
livre. En France on commence à être connu. Je pense que c'est quand même un
assez petit milieu, au niveau littéraire, donc je dois commencé là… je suis
l'auteur le plus connu de la maison d'édition en tant que tel, donc ça c'est
déjà un point intéressant. Je suis celui qui a vendu le plus de livres, qui
reçoit le plus de visites sur son site. Donc ça commence.
Radio-Canada : Bien, c'est bien. Vous serez donc ici au Québec l'automne
prochain en tant que… c'est assez particulier votre cas, en tant qu'auteur
étranger d'ici… (rires)
RM Tremblay : ouais… (rires)
______________
Voilà, qu'est-ce que vous en pensez ? Veuillez donner votre opinion en ce qui
concerne la nouvelle génération d'éditeurs et l'arrivée de l'Internet dans le
monde littéraire.
Est-ce que le monde de l'édition s'en va vers le format Star Trek ? Où l'argent
et les droits n'ont plus d'importance et où l'accès gratuit et universel sur
l'Internet est la règle ? Et comment faire son profit dans tout cela, puisque
c'est là l'argument qui fait de la littérature un luxe qui fait sombrer dans un
néant absolu tous les auteurs qui ne sont pas morts depuis X années et qui ne
sont pas dans le domaine public ?
Roland Michel Tremblay
rm@themarginal.com
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13 juin 2001
Maison d'édition en ligne -
iDLivre.com
Publié
sur le Forum de l'Édition en Ligne (20:26, le 13/06)
Je manque sans doute d'objectivité puisque iDLivre m'a publié. Mais je pense
qu'iDLivre.com est la maison d'édition en ligne la plus sérieuse et la plus
innovatrice.
Ils ont leurs livres en ligne en différents formats, ils les ont également
en format de poche et dans certaines librairies, et ils ont trouvé plein de
nouvelles façons de faire du revenu sans nécessairement attendre après la
vente de livres.
Leurs façons de faire de l'argent sont les clics sur leurs pages, la revente
de contenu à d'autres sites et organisations littéraires, un paquet de
partenariats, revente des droits des livres à d'autres éditeurs (ils actent
donc comme des agents littéraires et défricheurs de nouveaux talents), et
pour terminer ils font tout cela en faisant à mon avis ce que fait tout bon
éditeur traditionnel.
L'auteur ne débourse rien mais bien sûr y avoir ses livres n'est pas
automatique. Il faut passer par le comité de lecture. Personnellement je
suis très heureux d'être chez iDLivre.com et j'attends patiemment leurs
prochaines initiatives reliées à la littérature en ligne.
Roland Michel Tremblay
rm@themarginal.com
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Le Marginal Littérature
13 juin 2001
Vente
de fichiers PDF et ebooks
Paru sur le Forum l'Édition en Ligne (20:57,
le 13/06)
Notez qu'iDLivre.com offre ses versions PDF gratuitement, même si l'auteur
est publié, et ils font tout de même un bon profit avec cette nouvelle façon
de faire.
Je pense que la vente de fichiers numériques et les ebooks sont déjà très en
vogue. Je ne sais plus combien de millions de francs le site
www.mobipocket.com (version France) a fait cette année à revendre ces
fichiers électroniques, mais c'est une part du marché énorme.
Voici ce que j'ai écrit sur un autre forum à ce propos:
Je pense que dans moins de dix ans, les nouveaux livres imprimés sur papier
se feront rares. Pourquoi? Parce que les livres électroniques ne coûteront
rien et donc les profits seront plus grands. Aussi parce qu'imprimer sur
papier coûte une fortune et que les livres imprimés sont trop chers pour les
lecteurs.
Pourquoi les gens sont incapables de voir ce fait aujourd'hui? Parce que les
"lecteurs de livres électroniques" tels que les Pocket PC et les Palm Pilot
sont encore trop dispendieux, mais les prix baissent tous les jours, et
éventuellement ils seront monnaie courante.
Mais inutile d'attendre après eux, la troisième génération de téléphone
mobile apportera le téléphone-lecteur de livres numériques. Parlez tant que
vous voudrez, lorsque tout le monde aura son téléphone capable de
télécharger un livre sans doute quatre fois moins cher que la version
papier, la décision se fera d'elle-même. Et si les livres numériques sont
juste un peu moins chers que les livres sur papier, vous verrez les éditeurs
promouvoir la vente des livres numériques, car les profits seront plus
grands.
Néanmoins, l'Internet est un ami des livres, mais des livres d'un format
différent. Pourquoi en avoir peur? Je lis plusieurs livres tombés dans le
domaine public sur mon Pocket PC Compaq iPaq et mon Handheld PC HP Jornada
dans le métro londonien tous les jours, et c'est bien plus pratique que de
lire et transporter un livre en papier, d'autant plus si le livre n'est pas
au format de poche. Sans compter l'avantage d'avoir une centaine de livres
dans la mémoire de mes lecteurs de livres électroniques.
Il faut aussi considérer que ces téléphones mobiles de la troisième
génération suivront leur propriétaire partout où ils iront, donneront accès
à l'Internet et deviendront ainsi le moyen par lequel les lecteurs
achèteront des livres peu importe où ils seront dans le monde. Les éditeurs
comprendront très rapidement l'avantage.
Alors, même si les livres numériques ne font pas disparaître les livres en
papier durant la prochaine décennie, ils prendront certes une place très
grande et représenteront une grande part des profits de toutes les maisons
d'éditions.
Roland Michel Tremblay
rm@themarginal.com
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13 juin 2001
Édition en ligne payante -
Une idée...
Paru sur le Forum de l'Édition en Ligne (22:33, le 13/06)
Et si une organisation demandait à plusieurs grands éditeurs de mettre en
ligne plusieurs de leurs livres et que les lecteurs n'auraient qu'à payer un
montant raisonnable par trois mois ou par six mois pour avoir accès à tous
ces livres numériques? Je pense que je serais prêt à acheter un tel
abonnement.
(0:48, le 13/06)
Considérant combien coûte un seul livre, si on offre la chance d'en lire
plusieurs pour un prix fixe avec accès à plusieurs livres (de plusieurs
éditeurs, cela va de soi) comme un abonnement, je crois que cela pourrait
intéresser les gens.
L'exemple de Napster est mal choisi. Bien entendu ils vont perdre les
millions de personnes qui étaient là gratuitement, car le nouveau service
est tout à fait différent en plus d'être coûtant. Je crois qu'ils n'ont
signé qu'avec une ou deux compagnies, ainsi le choix de musique ne vaut
peut-être pas un abonnement.
Si on devait payer un certain montant pour utiliser Napster tel qu'il
existait, je pense que des milliers de personnes paieraient, car le choix
était gigantesque. Il faut accepter le fait qu'ils vont perdre des millions
d'utilisateurs qui ne payaient pas, mais ils feront tout de même une fortune
avec les milliers qui paieront.
Si Gallimard, Le Seuil et quelques autres éditeurs offraient tous leurs
livres en ligne avec accès libre pour un certain montant fixe pour une
certaine période de temps (trois mois minimum à mon avis), je pense
qu'énormément de lecteurs paieraient. Mais il faut du choix.
En ce qui concerne la sécurisation des paiements sur le net, j'ai produit
bien des conférences sur le sujet et il y a une chose importante qui ressort
de ces conférences. Les paiements sur Internet à l'heure actuelle sont
encore plus sécuritaires que les paiements par téléphone, et dans certaines
circonstances plus sécuritaires que les paiements dans les magasins ou
restaurants. Il suffit de sensibiliser les utilisateurs (mentionner
clairement que c'est sécuritaire et pourquoi) et sans doute ils vont finir
par changer de mentalité.
Le site
Mobipocket version
France est un meilleur exemple que Napster. En ce moment ils ont plein de
livres en ligne à vendre et apparemment ils en vendent beaucoup, donc le
modèle est prouvé, ça marche. Mais il faut payer chaque livre que l'on veut
lire. Je pense qu'ils gagneraient davantage à offrir des abonnements et à
ouvrir leur librairie virtuelle.
Roland Michel Tremblay
rm@themarginal.com
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13 juin 2001
Mon opinion -
être d'abord lu
Paru sur le Forum de l'Édition en Ligne
(23:06, le 13/06)
Si vraiment les auteurs écrivent pour être lus, est-il avantageux de garder
leurs livres dans leur tiroir?
J'aime autant être lu, et ainsi j'ai tout mis en ligne sur mon site. Et cela
ne signifie pas que j'ai épuisé toutes les cordes de l'arc de ma carrière
littéraire, en fait je n'ai même plus tenté de me faire publier dans les
huit dernières années.
Ainsi, on m'a plus souvent qu'autrement trouvé sur le net, augmentant ainsi
mes chances d'être publié. Et comme dit Évelyne, on sait que vivre de son
art, même publié par les grands éditeurs, n'est pas évident.
D'ailleurs combien d'auteurs finalement vendent très peu de copies même
publiés, et pourtant les droits de ce qu'ils ont écrit ne leur appartiennent
plus? Je dis que ces auteurs ont des livres qui sont morts. Je ne voudrais
pas faire subir ce sort à aucun de mes livres.
Pourtant je suis certain d'avoir une très belle carrière littéraire. J'ai eu
plus de 8000 visites le mois dernier sur mon site, la seule différence est
que je ne reçois pas d'argent. Mais qui préfère un petit peu d'argent
comparé à être lu si massivement?
Ce sont nos mentalités à propos des éditeurs et ce qu'ils peuvent faire pour
les auteurs qui est à reconsidérer. Bien entendu, si vous êtes un auteur qui
risque de vendre des milliers de copies, alors il est très avantageux de
passer par les grands éditeurs.
Mais ce que j'entends sur ces forums, est que très peu d'auteurs vivent de
leur écriture, pourtant on ne trouve aucun livre de ces auteurs sur
l'Internet. Ils mourront tous inconnus et nous ne les aurons jamais lus.
Roland Michel Tremblay
rm@themarginal.com
Message de Hélène Beauchan
Je pense que la question que vous posez, à
savoir "Tant qu'à ne pas être publié, autant être au moins lu", est assez
juste. Je crois que la réticence de la plupart des auteurs tient à deux
faits :
1°) La plupart des auteurs rêvent encore et toujours de la possibilité d'une
brillante carrière littéraire, chez Gallimard, avec tout plein de prix et
une fin de carrière à l'Académie. Même après des centaines de refus,
difficile de renoncer à ce rêve...
2°) Le web est un outil encore trop méconnu.
Tout le monde en parle mais une part finalement assez réduite de la
population comprend l'ampleur des possibilités de cet outil. 8000 visites
par mois ? Fichtre ! Dans votre cas l'expérience est indéniablement un
succès, mais combien de jeunes auteurs, même très talentueux, sauraient
générer autour d'eux un tel intérêt ?
En conclusion je dirais que ce n'est
probablement qu'une question de temps (quelques semaines ? mois ? années ?)
avant que plus de gens réagissent comme vous et se lancent dans la grande
aventure.
Patience et longueur de temps...
Hélène Beauchan
Message de Nicolas Martin
Je crois quant à moi que vous oubliez de
prendre en compte dans votre équation le facteur financier, qui à mon avis
est pour beaucoup dans cette réticence.
Nicolas Martin
Message de Roland Michel Tremblay
Je pense avoir couvert ce point. Il n'y a pas
d'argent à faire même à être publié par les grands éditeurs. Demandez aux
auteurs sur ce salon, ils vous le confirmeront.
Ainsi, pourquoi donner vos droits aux éditeurs? Pourquoi se fermer aux
lecteurs ainsi? Il est triste d'écrire un livre qui ne vendra que 300 copies
quand des milliers de personnes pourraient le lire sur le net.
Cette obsession des droits d'auteurs et de se faire voler ses textes...
pensez-vous vraiment que l'on va vous voler votre idée? Et puis après?
Toute l'oeuvre de Molière n'est composée que d'idées qu'il a reprit
ailleurs. Les contes, c'est la même idée que l'on change et rechange à
l'infini (et que Walt Disney a racheté au complet, et qui empêche maintenant
qui que ce soit de terminer son roman avec: ils se marièrent, ils vécurent
heureux et eurent beaucoup d'enfants).
On a pris quelques idées que j'ai écrites pour s'en inspirer et écrire
d'autres livres... et vous savez quoi? J'en suis honoré. Aucun éditeur n'est
intervenu avec son avocat pour dire: attends un peu, on aurait pu faire 3
dollars là-dessus, donc interdiction de faire quoi que ce soit.
C'est cette question d'argent que l'on fait planer sur nos têtes qui détruit
l'art et l'art d'écrire. Et qui détruit les rêves de tous les auteurs qui ne
seront jamais publiés et sans doute qui a causé beaucoup de suicides, ne
l'oublions pas.
Roland Michel Tremblay
rm@themarginal.com
Message de Christophe Caruso
Et comment donc, à commencer par John Kennedy
Toole, le génial auteur de "La conjuration des imbéciles", suicidé à 20 ans
suite aux refus des maisons d'édition de le publier. Quelle ironie lorsqu'on
pense que 10 ans plus tard le livre était publié, recueillait un immense
succès et recevait le prix Pullitzer...
Christophe Caruso
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14 juin 2001
Préjugés envers les
livres électroniques
Paru sur
le Forum de L'école et les nouvelles technologies de l'information (4:29, le
14/06)
Les ebooks... des préjugés... je réponds aux questions.
"Vous savez qu'on a du mal à acheter des livres avec nos budgets .. alors un
ibook par élève ... la question n'est pas encore didactique, mais toute
financière ;o)"
----Justement les ebooks sont là parce qu'il sera bien moins dispendieux
d'avoir tous les livres ou la leçon sur un ebook que d'acheter des milliers
de livres à chaque année. Avec le temps ces ebooks seront tellement répandus
qu'ils ne coûteront presque rien.
"Les professeurs ne pourront plus avoir la possibilité de choisir une
manière d'étudier un programme."
----Les ebooks ne vont que remplacer les livres. Ils seront identiques, sauf
qu'ils seront électroniques. Ça ne changera rien à la manière d'étudier un
programme. Même mieux, je vois le professeur prendre une matière de cours
qu'il pourra transférer au ebook, enlever les parties qui ne seront pas
étudiées, et remettre en ordre le comment on va procéder. Bien sûr il faudra
que vous appreniez alors à utiliser un ordinateur, et au Québec mêmes les
profs les plus effrayés et anti-technologie ont fini par apprendre comment
ça fonctionne et à apprécier les avantages. Mais encore une fois, cela n'est
pas nécessaire.
"un ibook cassé ? L'élève n'a plus rien d'un coup ?"
----Les ebook seront si peu chers, il y en aura plusieurs par maison.
L'école pourra même en prêter un à l'étudiant vraiment désespéré. Et puis si
l'étudiant a un ordinateur à la maison (ce qui sera fort possible dans le
futur), il aura encore accès à tout ce dont il a besoin.
"Et si se répand un virus sur les ebooks ? Tout le système éducatif est
paralysé pendant des semaines, voire plus longtemps."
----Il existe de très bons moyens pour se protéger contre les virus
informatiques. Et si un virus réussit tout de même à se faufiler, on a
rarement vu quoi que ce soit paralysé pour plus de quelques heures.
"Nos enfants au lieu d'avoir des problèmes de dos auront-ils des troubles de
la vue ?"
-----Les ebooks, comme les ordinateurs portatifs, utilisent des cristaux
liquides comme les calculatrices. Cela ne détruit aucunement les yeux, ce
n'est pas comme un moniteur normal d'un ordinateur ou la télévision, qui eux
projettent de la lumière.
"Ceux que l'informatique dépasse, seront-ils écarté comme attardé mental au
même titre que ceux qui ne peuvent pas lire ?"
-----Les ebooks en eux-mêmes sont si simples à utiliser qu'aucun cours n'est
nécessaire. Il y a un bouton on/off, et une librairie de livres pour choisir
le livre que l'on veut. On peut cliquer directement sur l'écran pour changer
les pages ou se rendre à une page. Télécharger un livre dans un ebook peut
se faire aussi facilement que d'insérer un floppy disk ou une carte dans la
machine. Ce n'est qu'un livre électronique, il ne faut pas en avoir peur. Ça
a 5 boutons maximum.
----Si un professeur veut utiliser les ebooks pour faire ses propres
programmes de cours au lieu d'utiliser les ebooks comme de simples livres
électroniques, c'est son choix. Et comme je disais, apprendre comment
fonctionne l'informatique n'est pas très difficile. Il suffit de s'y mettre.
(Au Québec les départements offrent des cours pour les profs).
"Je vous convie tous à réfléchir et me dire ce que vous pensez de tous
cela."
-----Je pense que les profs ont peur pour rien. De toute manière, la
question de l'utilisation des ordinateurs et des livres électroniques dans
le futur est certaine. Alors il faut demeurer ouvert et commencer à s'y
intéresser.
Roland Michel Tremblay
rm@themarginal.com
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13 juin 2001
Enfin de
l'initiative sur l'Internet
Paru sur le Forum de Carole Zalberg (5:14, le
13/06)
Quand j'ai entendu toute la publicité entourant l'initiative de Cherche
Midi, je me suis posé bien des questions. En premier lieu, comment peut-on
se demander si c'est une bonne idée ou non? Pourquoi faire tant de bruit
pour ce qui semble normal et la suite logique du développement d'un site
Internet par l'éditeur?
Pour moi les éditeurs traditionnels sont bien trop lents à ouvrir leur site
Internet, à présenter leurs livres en ligne avec plein d'interactivité, en
des entrevues écrites, sonores et filmiques de leurs auteurs.
Pour moi l'édition en ligne et l'initiative de Cherche Midi n'est que le
début de ce qui est inévitable, et bientôt tous les éditeurs le feront.
Non seulement le comité de lecture est composé des lecteurs et par
conséquent la publication d'un livre ne relève plus de deux ou trois
personnes qui n'aiment peut-être pas le genre que l'on écrit (ou pire,
pensent que les lecteurs n'apprécieront pas notre style), mais en plus le
livre acquiert une bonne publicité avant sa publication.
Je crois bien qu'après tant de publicité, Cherche Midi publiera les deux
premiers auteurs. Le vrai modèle à étudier est lorsqu'il y aura plusieurs
livres disponibles sur leur site. Alors ce sera un outil important pour
l'éditeur, et les auteurs ne jouiront pas d'autant de publicité que les deux
premiers. Un auteur refusé ne s'en tiendra pas plus mal que s'il avait
présenté son manuscrit à un éditeur et que l'éditeur l'aurait rejeté. Il
peut essayer ailleurs et aura bénéficié d'une bonne visibilité. Peut-être
même sera-t-il remarqué par un autre éditeur.
À mon avis il faut applaudir et copier le modèle. Et même, à mon avis, il
faudrait garder les livres en ligne après publication des livres. Je suis
convaincu que cela aiderait les ventes à long terme en aidant la promotion
des livres à une échelle internationale. C'est ce que mon éditeur
iDLivre.com fait en ce moment, et j'ai fait un bon profit ce mois-ci.
Il ne faut pas avoir peur des nouvelles solutions et façons de faire
qu'offrent les nouveaux outils sur le marché. Il faut innover et grandir
avec les nouvelles inventions. Comme par exemple, ce salon du livre virtuel
n'aurait jamais pu exister voilà 5 ans. Alors imaginez ce que ce sera dans
un autre 5 ans...
Roland Michel Tremblay
rm@themarginal.com
Réponse
de le Cherche Midi Éditeur
Paru sur le site de Carole Zalberg (18:27, le
14/06)
Bravo et merci.
Vous avez compris que le Net pouvait être un outil au service des auteurs et
des éditeurs et donc de la culture et de la lecture.
C’est pour cela que le cherche midi éditeur, respectant sa mission
d'éditeur, a entrepris avec enthousiasme cette expérience internautique.
Il y aura d'autres manuscrits. Beaucoup seront publiés et nous aurons
également trouvé la manière de les publier, les diffuser et les distribuer
en ligne.
À suivre…
le cherche midi éditeur
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13 juin 2001
La Chanson de Roland
et Tristan & Iseult
Paru sur
le Forum de Virginie Durand et @lalettre.com (5:45, le 13/06)
Très jeune j'ai montré mes premiers écrits à un ancien professeur de
français qui venait faire son épicerie au coin de la rue où je travaillais.
Il a détruit ce que j'écrivais alors, et m'a presque convaincu d'arrêter
d'écrire.
Enfin, bien qu'il m'ait découragé à l'époque, il est tout de même
responsable de mon intérêt à la littérature et a permis l'accomplissement de
mes premiers livres. Il m'a dit une seule chose : ton nom est Roland Michel,
tu devrais lire La Chanson de Roland.
J'ai ainsi été chercher à la bibliothèque de mon collège La Chanson de
Roland et Tristan et Iseult, car il était juste à côté sur l'étagère. Tous
deux sont écrits, ou plutôt sont traduits, en un français comme ancien mais
lisible par Joseph Bédier (les seules versions que j'aime). Ces deux livres
sont devenus mon inspiration première et mes bibles qui m'ont suivies toute
ma vie.
Il y a quelque chose dans cette naïveté, dans cette innocence des
personnages, qui fait que l'on tombe en amour avec eux, que l'on veut faire
partie de leur monde imparfait, mais tout de monde morale. Et l'idée que La
Chanson de Roland est le premier livre connu de toute la littérature
française, fait de ce livre mythique et anonyme, un livre que personne ne
peut revendiquer et qui appartient à tout le monde.
Un style chevaleresque et courtisan irrésistible est peint dans ces chansons
de gestes du Moyen-Âge, en une très belle musique rendue par Joseph Bédier.
La Chanson de Roland et Tristan et Iseult furent les premiers livres que
j'ai lus, et sans doute ce seront les derniers aussi.
Roland Michel Tremblay
rm@themarginal.com
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13 juin 2001
Paul
et Virginie, tu connais j'espère ?
Paru sur le Forum de Virginie Durand (6:00,
le 13/06)
Le nom Virginie a été rendu très populaire à cause du livre Paul et Virginie
de Bernardin de St-Pierre. Je suppose que tu as lu ce livre? C'est encore
assez ancien, un peu vieux jeu, et la fin où Virginie meurt à cause de sa
pudeur (elle ne voulait pas se déshabiller et ainsi être sauvée par le marin
qui alors aurait pu la ramener au bord), est un peu ridicule. Néanmoins j'y
ai pris plaisir et c'est également musical.
Paul et Virginie en version numérique (19:39, le 13/06)
Très drôle, je viens de trouver une version numérique sur le site d'iDLivre.com
de Paul et Virginie. Téléchargeable en version PDF:
www.idlivre.com/oeuvre.cfm?Ref=358
On peut aller relire la pudeur de Virginie et sa mort! (page 78)
Roland Michel Tremblay
rm@themarginal.com
Message de NICOLAS MARTIN
Quelle jeune fille accepterait de se noyer
pour cacher son corps nu dans notre société contemporaine où la dernière
distraction à la mode consiste à enfermer des gens dans une cage en
attendant qu'ils s'accouplent ?
Parfois je me dis qu'il devait être doux le chevaleresque temps des moeurs
courtoises...
Nicolas Martin
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13 juin 2001
En Angleterre ça
s'appelle Big Brother !
Paru sur
le Forum de Christian Lehmann (6:40, le 13/06)
(À propos de Loft Story... donc vous pouvez arrêter de lire maintenant,
d'autant plus que vous ne partagerez pas mon opinion.)
J'ai commencé comme vous, à le détester, à ne pas comprendre l'engouement,
et puis le pire est survenu. Quand tu vis avec quelqu'un qui écoute ce
stupide programme 24 heures sur 24 (car nous avons Sky Satellite et que le
"Channel E4" nous le présente en permanence), eh bien tu embarques aussi.
Je constate que la vie est tellement ennuyeuse, que les gens s'emmerdent
tellement, qu'il faut des choses comme "Big Brother" pour remplir
l'existence et les conversations insipides au bureau.
En plus, avec un rien d'intelligence, j'ai commencé à faire des analyses
psychologiques et sociologiques de ce qui se passe dans l'arène. J'apprends
avec clarté et luminosité toutes les manigances, la mesquinerie et la
cruauté humaine. Et comment l'animal rejeté par ses semblables réagit,
éclate en sanglots et se justifie dans son embarras national après que tout
le peuple l'ait voté inapte à vivre en société. (Nul doute, tous les gens
sur ce forum auraient été votés Out dans la première semaine).
Tout ce que j'ai toujours voulu décrire dans mes livres se trouve là dans ce
type d'événement télévisé et prouve toutes mes observations sur le fait que
l'humain est une vraie saloperie.
Tous ceux qui ont souffert à l'école étant jeune le savaient depuis
longtemps! Mais les autres qui ne se sont jamais fait marcher dessus
ignorent tout de cela, ce sont eux qui adorent cette sorte d'émission. Eux
aussi peuvent être analysés et jugés. Ça prouve également que les adultes
sont aussi malveillants que les enfants, sinon pire.
Il y a beaucoup de positif qui peut ressortir des analyses de ces rats de
laboratoire. Beaucoup de choses à comprendre sur la nature humaine et
comment nous agissons dans le macrocosme.
Et si vous trouvez cela inhumain, moi au contraire je pense que l'humain a
toujours été inhumain de toute manière et que ce programme les aidera
peut-être à le comprendre en donnant la chance aux humains d'écrire sur le
sujet. Ou alors, ça nous permettra de redéfinir le concept de ce qu'est un
humain.
Roland Michel Tremblay
rm@themarginal.com
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13 juin 2001
Mais c'est terrible
ça!!!
Paru sur le Forum de Myrielle Marc (7:59, le
13/06)
Moi je tente toujours de me renouveler complètement d'un livre à l'autre. Je
n'écris jamais le même livre et presque jamais le même genre ou le même
style. Et j'ai peur d'une opinion comme la vôtre.
Ça oblige l'auteur à refaire toujours le même livre toute sa vie. Il y a
beaucoup d'auteurs qui font cela, il suffit de suivre sa petite combinaison
gagnante... et je pense que la plupart des auteurs ne veulent pas cela. Leur
deuxième livre est bien différent de leur premier, même si apparemment leur
éditeur leur a passé commande d'un livre identique (à les entendre).
Eh bien, moi qui ai passé ma vie entière à tromper mes lecteurs, j'espère
qu'ils sauront voir dans chacun de mes livres la raison pour laquelle je
souhaitais les écrire à l'époque que je traversais alors.
Moi j'adore un auteur et j'adore toutes ses oeuvres. Je connais d'abord
l'auteur et ensuite l'oeuvre. Mais il est intéressant de constater que pour
d'autres lecteurs l'auteur est secondaire et que seul le livre compte.
Ainsi j'aurai peut-être un seul livre que les gens aimeront unanimement ?
C'est un risque moins grand que d'avoir écrit 14 fois le même livre, un
livre que personne n'aimera jamais...
Roland Michel Tremblay
rm@themarginal.com
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13 juin 2001
Le choix d'un livre : Amélie
Nothomb
Paru sur
le Forum de Myrielle Marc (8:27, le 13/06)
(Qu'est-ce qui vous fait choisir un livre dans une librairie?)
Cette question est très intéressante car cela m'est arrivé à Nice l'an
dernier. Je me suis retrouvé dans un magasin où on vendait des livres à
l'aéroport. Je suis entré et j'ai fait quelque chose que je n'avais jamais
fait. Je me suis dit, je vais acheter un livre et je vais le lire dans
l'avion qui m'emportera à Londres.
Cela était toute une aventure, car je devais acheter un livre, et vous
avouerez, ils ont tous l'air d'un intérêt plat lorsque vous ne lisez aucune
critique et que vous ignorez tout de la littérature contemporaine en France.
Finalement j'ai pris dans mes mains un livre d'Amélie Nothomb (dont
j'ignorais le nom) appelé Stupeur et tremblements, un roman publié chez
Albin Michel, pour la simple et unique raison que le livre avait gagné un
prix.
Mais cela n'aurait pas suffit à me faire acheter le livre. Bien que ça m'a
convaincu de prendre le livre dans mes mains (le seul que j'ai touché).
Je l'ai ouvert, j'ai lu quelques paragraphes, c'était drôle et
rafraîchissant. J'ai acheté le livre et je l'ai terminé à la maison le
lendemain.
Je n'ai jamais tenté de découvrir si l'histoire était vraie et de lire les
autres livres de l'auteur, mais c'était une expérience unique que j'ai bien
aimée.
Sans doute aussi parce que l'histoire ressemblait beaucoup à mon expérience
à Londres, à travailler dans des bureaux anglophones où ça m'a pris des
années à comprendre quoi que ce soit et à monter les échelons. Elle c'était
au Japon, et là-bas aussi elle semble s'être confronté à la sottise
hiérarchique des grandes compagnies. Il est vrai aussi que dès la première
page le livre racontait exactement ce que je vivais. Destinée ?
Je crois dans la destinée. On dirait que nous lisons (et ça semble un
hasard), les livres que nous avons besoin de lire au moment où nous
traversons certaines passes dans nos vies. Combien de fois avons-nous lu un
livre qui était le livre parfait au moment de lecture, mais qui ne l'aurait
pas été un an plus tard ?
Roland Michel Tremblay
rm@themarginal.com
Message de Franck Ducasse
Extraordinaire coïncidence, il m'est arrivé la même aventure à l'aéroport de
Nice avec "La métaphysique des tubes"... d'Amélie Nothomb!
D'ailleurs je n'ai pas trop compris l'acharnement des critiques sur ce livre
que j'ai trouvé pour ma part tout à fait charmant et honorable.
Il est vrai, comme vous dites, que les livres se doivent de bien tomber.
Comme les histoires d'amour ou les disques de jazz, en somme. C'est une
question de mood.
N'en
est-il pas de même pour toutes nos actions ? N'ont-elles pas de sens que
dans un contexte précis, et ne varient-elles pas de signification selon
notre humeur ?
Les
livres sont ainsi (si je continue de parler comme ça, Myrielle me noiera
dans son marais, c'est sûr!).
Franck
Ducasse
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13 juin 2001
Éditions de Minuit - Très bonne question
Paru sur le Forum de Pascal Raux (7:32, le
13/06)
(Que pensez-vous des auteurs publiés aux Éditions de Minuit?)
Une question merveilleuse. Lorsque j'ai commencé à envoyer mes livres aux
éditeurs (j'avais à peine 17 ans), on refusait mes livres sous prétexte
qu'ils étaient des livres du Nouveau Roman et que c'était passé date.
Je ne connaissais pas la littérature alors, j'ignorais comment on pouvait
m'accuser de plagier quelque chose dont j'ignorais l'existence. J'ai compris
bien plus tard qu'aussitôt qu'un livre n'est pas un roman traditionnel, on
l'appelle Nouveau Roman et on prend peur.
Dès lors mon problème devenait insurmontable, une seule maison d'édition
pouvait me publier, Les Éditions de Minuit. Mais jamais ils ne me
publieraient, et pour cause, je n'écrivais pas du Nouveau Roman. À l'époque
je m'inspirais plutôt du style de la collection L'Imaginaire chez Gallimard,
une collection où on laisse la place à l'imagination et à l'interprétation.
Je ne me suis jamais reconnu en les auteurs du Nouveau Roman et je ne les ai
jamais particulièrement aimés. Au contraire, ça m'avait l'air impossible
d'accès et d'une platitude extraordinaire.
Mais tout cela a changé durant ma maîtrise en littérature française à
l'Université de Londres, Birkbeck College. Notre professeur, Madeleine
Renouard, adorait Pinget et le Nouveau Roman. Après deux ans et la lecture
de beaucoup d'auteurs, je dois avouer que je m'y reconnais tout à fait, ou
du moins que je les apprécie grandement.
J'adore Robert Pinget, Nathalie Sarraute, Marguerite Duras et Alain
Robbe-Grillet, les principaux auteurs au programme. C'est bien pour dire, il
suffit d'être forcé à lire des auteurs pour apprendre à les aimer plus que
d'autres auteurs qui sont plus facilement acceptés dans notre bibliothèque.
Et finalement, je ne comprends pas pourquoi on les case à part, ils ont
écrits des romans qui ne me semblent pas si différents du reste de la masse.
Et beaucoup d'analyses, et mêmes celles d'Alain Robbe-Grillet, m'ont
semblées mal décrire l'écriture des nouveaux romanciers. Sans doute un jour
les analystes réinterpréteront ces auteurs sans trop tenter de les mettre
dans le même panier, car je ne crois pas cela possible.
Et vous avez vu les films de Marguerite Duras et d'Alain Robbe-Grillet ? Ça
c'est de l'art, et ça nous apprend que l'art peut être fait à petit budget.
Ce devait être merveilleux ce temps où on prenait une caméra et on faisait
un film, sans argent ni rien, que des bonnes idées à développer...
Roland Michel Tremblay
rm@themarginal.com
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13 juin 2001
Parole - vivre pour écrire
Paru sur
le site de Christophe Spielberger (2:35, le 13/06)
Christophe: Je ne vis pas pour écrire, j'écris pour ne pas mourir. Vraiment.
Roland Michel Tremblay: Moi je ne vis que pour écrire, et écrire me tue.
Christophe: il faut bien mourir de quelque chose...
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14 juin 2001
Jusqu'où
aller pour votre oeuvre ?
Paru sur le Forum de Christophe Spielberger
(2:42, le 14/06)
Question intéressante, jusqu'où suis-je prêt à aller pour mon oeuvre, et
aussi, qu'est-ce que j'ai sacrifié jusqu'à maintenant.
Oublions ici les éditeurs et les critiques, et même les lecteurs, ce n'est
pas pour eux que j'ai tout sacrifié. Et être publié ou recevoir de bonnes
critiques, bien qu'important, est secondaire dans mon cas.
J'ai tout sacrifié pour écrire : la stabilité, la sécurité, mes études, ma
carrière, des amitiés, des relations amoureuses, et j'en passe. C'est
combien important écrire est pour moi. Pire, j'ai souvent pris de grandes
décisions qui remettaient toute ma vie en question juste parce qu'un livre
que j'écrivais alors serait sans doute plus intéressant si j'étais dans
telle ou telle situation où si j'habitais ailleurs.
Je viens juste d'abandonner une carrière prometteuse dans les conférences
pour mon écriture et je ne crois pas que je vais changer de sitôt. Ainsi, il
ne faut pas me demander de choisir, car à chaque fois je choisirai
l'écriture.
Mais il y a des limites. Je ne suis pas prêt à me prostituer chez les
éditeurs, je m'inquiète bien davantage avec l'œuvre que je vais laisser
après ma mort, donc l'ensemble de l'œuvre, qu'avec un livre en tant que tel
qui doit être publié à tout prix.
À la limite j'aime mieux m'enfermer seul sur ma montagne et oublier le reste
du monde. Surtout si on commence à me dire que tous mes sacrifices sont
inutiles parce que mes écrits ne valent rien, ce qui heureusement n'est pas
le cas. À mon avis la valeur des écrits d'un auteur, est la valeur que
l'auteur lui-même lui donne.
Mais j'ai appris à me calmer maintenant. Avec l'Internet je m'inquiète
moins. Mes livres ne sont plus dans mes tiroirs, ils sont là à la portée de
tous. Et c'est cela qui m'importe le plus.
J'ai peur de trouver un éditeur qui m'interdira de garder mes livres en
ligne. Mon œuvre doit être lue, elle doit aider les gens qui traversent des
situations similaires aux miennes, et aussi, mon œuvre doit changer la
vision du monde du lecteur. Exactement ce qu'Antonin Artaud disait dans son
livre Le Théâtre et son Double. Il faut que ce soit une expérience qui
marque, et en premier lieu, il faut que ce soit honnête et intelligent.
Souvent je pense que je suis venu au monde pour tout remettre en question et
faire réfléchir les gens sur certaines choses. J'ignore si je suis une
certaine destinée, mais j'ai souvent cette impression.
Je crois que l'on naît écrivain et qu'il faut non seulement l'accepter
soi-même et tout sacrifier, mais en plus il faut le faire accepter par les
gens de notre entourage et leur faire comprendre pourquoi tous ces
sacrifices sont essentiels. Ce n'est pas facile, sinon impossible, mais il
est vrai que la publication d'un livre aide à faire reconnaître cet état de
fait en aidant nos proches à l'accepter.
La grande question est la suivante : est-ce que ça en vaut la peine? Je dis
non, ça n'en vaut pas la peine, mais malheureusement on ne choisit pas.
Roland Michel Tremblay
www.lemarginal.com
Laissez
exploser votre singularité
Parus sur le Forum de Christophe Spielberger
(18:46, le 14/06)
Ce message de R.M. Tremblay en dit long sur sa détermination et, je n'hésite
pas à le dire ici, sur son talent naissant. J'ai lu son "Anarchiste" (paru
chez iDLivre), un recueil de poèmes en phase avec notre époque, inégal à mon
goût mais fort prometteur.
Vous parlez de vous enfermer sur votre montagne (y auriez-vous déjà
construit un cabanon ?), je pense qu'il ne faut pas fuir les éditeurs, que
malgré leur méfiance et le manque d'attention qu'ils portent à certains
textes qui leur échappe de prime abord, ils sont indispensables et confiance
est de mise à leur égard. Tous ne peuvent pas se tromper, le reste est
affaire de patience et d'orgueil dans sa poche.
Vous seriez fou de vouloir maintenir vos textes en ligne si un éditeur
accepte de les publier. Savez-vous le risque qu'il prend à chaque fois qu'il
met sous presse un livre ? Voulez-vous réellement vous mettre d'emblée en
situation de ne rien vendre ? Internet doit rester un complément, un lieu où
des textes inédits, impubliables de par leur teneur ou leur format, sont
proposés aux lecteurs. Un lieu d'échange et de surprise, et non un endroit
où l'on se mettrait à lire des romans entiers, sur un écran ou une
imprimante... L'objet livre restera, nous y sommes tous attachés.
Ne sombrez pas dans le pessimisme de gare : si écrire n'en vaut pas la
peine, vivre non plus etc. Vous ne choisissez pas d'écrire et je comprends
ce sentiment, mais vous avez choisi de vivre alors, assumez. Cessez de vous
lamenter et écrivez, faites sortir de belles choses, laissez exploser votre
singularité.
Christophe Spielberger
__________
Merci cher Christophe pour tes bons mots à propos de mes écrits et mon
talent. Je te retourne également le compliment, On Part me semble être un
livre qui ressort vraiment du lot et que j'ai grandement apprécié. Le style
direct surtout, un peu mon style parfois d'ailleurs, ce qui explique sans
doute mon intérêt.
Tu parles à mon égard de talent naissant et prometteur, sans doute. Et que
je devrais cesser de me lamenter et que je devrais écrire. Je tiens à vous
rassurer tout de suite, je ne suis pas un grand frustré et j'écris depuis 17
années. En plus je présente 14 livres dans ma biblio, sans compter que j'en
ai d'autres encore sur papier. Je pense qu'il me faudrait plutôt arrêter
d'écrire et enfin commencer à vivre.
Enfin, vous aurez sans doute une autre opinion de moi après avoir lu par
exemple mon roman Denfert-Rochereau, car l'Anarchiste est un livre bien à
part dans mon oeuvre. Et quand je dis que je l'avais effacé de façon
permanente, c'est vrai. J'en ai retrouvé une vieille version bien plus tard
sur un floppy disk qui traînait... c'est tout dire à propos de ce que je
pensais de ce recueil. Pourtant c'est mon plus populaire, mais ce n'est pas
moi.
Et lorsque vous lirez l'Attente de Paris, vous aurez encore une idée
différente de moi, et pour l'Éclectisme qui est un peu plus philosophique...
alors là, on n'en parle pas.
Remarque, n'est-il pas merveilleux que ces livres soient en ligne
gratuitement chez mon éditeur idlivre et qu'ils fassent tout de même de
l'argent, et moi aussi? Il faut admettre que ce n'est pas si fou leur
solution et mérite d'être étudiée.
Et oui, j'ai construit en rêve un château en haut d'une montagne sur une île
déserte, et le tout est entouré de clôtures électrifiées, de caméras et de
détecteurs de mouvement. C'est là où je vais lorsque j'écris, même lorsque
j'écris dans le métro de Londres en me rendant au travail et qu'il y a au moins 1000
personnes de trop dans le wagon.
Roland Michel Tremblay
rm@themarginal.com
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15 juin 2001
Le sens de mon oeuvre et
automatisme
Message
reçu par courriel via le salon (03:33, le 15/06)
Bonsoir M. Tremblay
J'ai pu lire un de vos messages sur un forum qui m'a particulièrement
sensibilisé.
Vous y dites que vous avez tout sacrifié pour votre oeuvre. Et que
l'important était l'ensemble d'une oeuvre et non un livre.
J'aimerais savoir selon vous ce qu'est le message principal de votre oeuvre?
A votre mort qu'aimeriez vous que les gens disent de votre oeuvre, quel est
le souvenir que vous aimeriez laisser en tant qu'auteur?
Je vous remercie d'avance M. Tremblay.
Veuillez agréer mes sentiments les plus sincères.
Clément Bisson
________________________
Bonsoir M. Bisson,
Votre question est très difficile, parce qu'avec chaque nouveau livre,
l'ensemble de l'oeuvre s'en va dans une autre direction, d'autant plus que
je souhaite toujours me renouveler et écrire de nouvelles choses, tels de
nouveaux défis.
Je n'ai que 28 ans et pourtant je présente 14 livres dans ma bibliographie
qui ont en moyenne 300-400 pages chacun. Ainsi, je me demande parfois, si
j'avais cette chance d'écrire à temps plein pendant un autre 30 ans,
j'aurais une soixantaine de livres différents. Mon oeuvre serait alors très
difficile à résumer.
Cependant, si je mourrais demain matin, mon oeuvre pourrait être définie
comme une longue crise existentielle, et la recherche de ce qu'est l'humain
dans l'univers et ce qu'est cet univers. Cela implique certes une crise
d'identité, mais c'est plus. Quelle est cette réalité dans laquelle on vit,
quel sens peut-on donner à notre existence. Je pense que cela est constant
dans toute mon oeuvre.
Et je pense que mon livre central qui exprime exactement toute mon oeuvre
est appelé l'Éclectisme. Un livre profond qui aurait sans doute fait peur
aux éditeurs si je leur avais envoyé, et qu'iDLivre a décidé de publier en
le trouvant sur mon site. Si cela vous intéresse:
Vous pouvez en télécharger une copie gratuite sur le site d'iDLivre:
www.idlivre.com/oeuvre.cfm?Ref=68
Ou le lire sur mon site:
www.lemarginal.com/eclectisme.htm
Aussi, après avoir étudié dans les universités, je comprends que notre
oeuvre prendra la forme de ce que les analystes (profs et étudiants) en
feront. J'espère juste qu'ils ne seront pas limités et qu'ils sauront voir
au-delà de ce que j'ai écrit.
Plusieurs de mes écrits donnent dans l'imaginaire et offrent plusieurs
interprétations possibles, mon oeuvre se veut donc infinie et cherche à
offrir des sens différents à différents lecteurs.
Moi-même parfois je me relis, j'ai oublié de quoi je parlais au moment où
j'écrivais certaines lignes, et je vois le tout d'un oeil objectif et
différent. Ça aussi je pense est une caractéristique importante de mon
oeuvre, j'aimerais qu'elle ne laisse pas un souvenir précis, mais qu'elle
puisse se lire de différentes façons à travers le temps.
Roland Michel Tremblay
______________________
M.
Tremblay
Je vous remercie de votre réponse. Cela m'a éclairé. Je crus comprendre, par
la réponse que vous m'avez fournie, que votre oeuvre relève d'une certaine
forme d'automatisme. Suis-je dans l'erreur en pensant une telle chose?
Concernant votre demande, je veux bien vous laisser prendre le message que
je vous ai adressé, pour qu'il y figure dans votre forum.
Au plaisir, Clément Bisson
__________________
Bonjour
M. Bisson,
Je ne crois pas avoir fait mention de quelque chose qui pourrait suggérer
que mon oeuvre relève d'une certaine forme d'automatisme. Cependant j'aurais
tendance à dire que je n'écris aucun plan précis malgré que j'aie toujours
des lignes directrices dans la tête, et que malgré tout, mes livres
finissent par être très construits. Ce qui m'a longuement fait songer que le
tout était assez inconscient et que cet inconscient avait une logique assez
intéressante.
J'ai aussi cru que ça venait d'ailleurs, que ce n'était pas moi qui
écrivais, mais je pense bien que c'est moi, mais un moi bien profond que je
ne contrôle pas complètement et qui ne s'affirme que lorsque je suis
inspiré. Heureusement j'ai été beaucoup inspiré depuis mon plus jeune âge,
et je dois avouer que l'alcool m'a beaucoup aidé. Mais je ne touche aux
drogues, malgré ce que je dis dans certains de mes livres...
Merci! Roland Michel Tremblay
rm@themarginal.com
__________________
Cher M.
Tremblay
Ce que
vous dites est plus qu'intéressant M. Tremblay. Ainsi une sorte
d'inconscience ou de moi intérieur. Je sens que le mot Dieu a failli émaner
de votre bouche.
Et votre consommation d'alcool, voilà qui est des plus révélateur, votre
oeuvre a t-elle été entièrement construite sur ce mode? Si cela vous est
possible j'aimerais que vous définissiez plus largement ce que vous entendez
par: "J'ai aussi cru que ça venait d'ailleurs, que ce n'était pas moi qui
écrivais, mais je pense bien que c'est moi, mais un moi bien profond que je
ne contrôle pas complètement"
Tout cela me semble assez curieux et intriguant. Je ne peux m'empêcher d'y
voir du mystique ou du spirituel.
Clément Bisson
__________________________
Cher M.
Bisson,
Le mot
Dieu n'a pas failli émaner de ma bouche, car je serais incapable de dire
d'où cela émanerait. Mais dans l'Éclectisme, où j'ai virtuellement tout
remis en question, la question de Dieu revient à plusieurs reprises à cause
des références à la création de mondes dans nos têtes, et la concrétisation
possible des idées au concret. Et j'arrive à affirmer que je crois en Dieu,
mais un Dieu vague ou mal défini. Je dis également que je crois en Dieu une
journée, et je n'y crois pas une autre journée. Cela dépend de mon
inspiration, de mon humeur, et même du livre que j'écris et que je vis
pleinement.
Comme mon René l'Aventure qui embarque sur l'océan (dans mon livre La
Révolution, deuxième partie) croyant qu'il va découvrir Dieu à la fin de
l'océan. Alors pendant tous ces chapitres, j'ai cru en Dieu. Dans la
première partie cependant, je n'y crois pas. Et dans la troisième, je
deviens le Dieu de ma propre humanité.
Je ne dirais pas que mon oeuvre a entièrement été construite sous
l'influence de l'alcool. Je pense que j'ai écrit tout autant à jeun que sous
l'alcool. Heureusement, car j'écris tout le temps. J'ai d'ailleurs, ces
dernières années, écrit mes livres dans le métro londonien qui m'emmenait au
travail tous les jours et aussi sur l'heure du midi à ma pause café. Ce qui
n'est pas évident lorsque notre sujet est une crise existentielle qui n'en
finit plus. (Vous voyez ici mon ironie, que personne ne comprend
d'ailleurs.)
Avec mes dernières théories scientifiques où tout est relatif (dont la
distance, l'espace, la vitesse et la vitesse de la lumière) j'en suis à
remettre l'existence en question à un point où mes croyances à propos des
choses deviennent illimitées. Au point où j'en arrive presque à pouvoir
expliquer mathématiquement le mystique et le spirituel.
Je ne voudrais pas faire peur au monde, mais oui, le mysticisme et la
spiritualité sont des sujets qui me sont chers. C'est d'ailleurs tout le
sujet de mon roman Denfert-Rochereau qui vient d'être publié. Mais c'est
dans l'Éclectisme que l'on ressent ce mysticisme et ce côté spirituel.
J'ai longtemps cru que ce n'était pas moi qui écrivais car je ne me
reconnaissais pas à la lecture et je n'arrivais pas à comprendre comment
certains livres pouvaient être aussi construits du début jusqu'à la fin sans
que ce ne soit planifié. Et le sens que j'y découvrais ensuite me semblait
un sens auquel je n'avais jamais pensé au moment de l'écriture. Pourtant
c'était là.
Je ne comprends pas tellement encore aujourd'hui comment cela est possible,
et je suppose que c'est la même chose pour bien des auteurs, mais j'en tire
également la conclusion que ce pourrait être dans mon inconscient.
L'inconscient de Freud et de Lacan, et qu'il n'y a là peut-être rien
d'extraordinaire. Je ne saurais dire.
Le seul auteur qui me ressemble dans toute la littérature française à mon
avis est Antonin Artaud, et on l'a déclaré fou, et ses écrits
incompréhensibles. Cependant j'ai aussi mon côté André Gide. Ce sont mes
auteurs favoris.
Merci!
Roland Michel Tremblay
rm@themarginal.com
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15 juin 2001
Slam
et Rap et Anarchie... Jean Orizet
Paru sur le Forum de Jean Orizet (7:00, le 15/06)
Eh bien, puisque vous semblez faire autorité en la matière et que vous
n'avez pas peur du Slam et du Rap, que pensez-vous de ma nouvelle poésie
noire scandaleuse nouveau genre appelée l'Anarchiste publiée chez iDLivre ?
Je serais très curieux d'entendre votre opinion, bien que vous me permettrez
de la prendre avec un grain de sel. Car bien que le livre semble avoir été
écrit au premier degré en un délire d'adolescent, cela ne l'est pas. Il
s'agit d'une construction consciente qui dénonce en quelque sorte le
discours anarchique (vous comprendrez pourquoi les gens ne comprennent pas
mon ironie et mon humour en littérature !) :
www.idlivre.com/oeuvre.cfm?Ref=65
ou
www.lemarginal.com/anarchiste.htm
Roland Michel Tremblay
rm@themarginal.com
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15 juin 2001
Nos proches qui nous aident ?
Paru sur le Forum de
Christophe Spielberger (18:22, le 15/06)
La seule personne en arrière de ma réussite (si on peut parler de réussite,
car j'ai cru comprendre qu'il fallait comme Lehmann avoir vendu 100 000
exemplaires?) est ma propre détermination et certes ma capacité à agir sans
écouter mes proches qui ont toujours tout tenté pour me décourager dans mes
décisions relatives à ma vie d'écrivain. Il faut énormément de courage et de
détermination, croyez-moi.
En France c'est peut-être différent, mais au Québec les auteurs ne sont pas
si valorisés. Tout le monde ne souhaite pas en secret écrire son livre avant
la trentaine, et la plupart des livres que l'on lit sont ces traductions de
best-sellers américains (qui viennent de la France). Bref, ma famille et mes
amis n'ont jamais lu Balzac, Zola, Gide ou Proust. Pourtant ils lisent
énormément.
Ensuite, tous les milieux universitaires que j'ai fréquentés, Ottawa, Paris
et Londres, on n'a jamais encouragé les auteurs ou l'écriture sauf pour des
travaux et des thèses. Au contraire, on m'a surtout découragé plus souvent
qu'autrement. Comme ils disent, ils ne sont pas là pour former des auteurs,
mais plutôt pour enseigner la littérature.
Ce qui serait différent si mes parents, mes amis et mes professeurs m'avaient
soutenu dès le début et tout au long de mon cheminement ? Mon Dieu, j'aurais
sans doute été publié voilà 15 ans. Une telle équipe qui serait prête à vous
soutenir et à parler pour vous saurait faire une différence.
Le problème est que nous ne sommes auteurs ou écrivains que le jour où nous
avons publié, même après avoir écrit une quinzaine de briques que nous
étalons sous leur nez. Après la publication, là ils changent d'avis et sont
prêts à nous appeler écrivains et à nous féliciter. Mais pas avant. Avant,
seulement des découragements sortent de leur bouche.
En ce qui concerne les profs, aucun espoir. Je pense que la jalousie les
tue, ou alors pour eux nous ne seront que d'éternels étudiants et donc par
définition incapables d'écrire un livre qui en vaut la peine.
En définitive, pour mon accomplissement personnel en littérature, je
voudrais remercier toutes les personnes qui ont rendu cela possible : moi. Et
je suis certain que plusieurs auteurs pourraient vous raconter la même
histoire.
Roland Michel Tremblay
rm@themarginal.com
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16 juin 2001
Écrivez-vous sur ordinateur ou sur papier ?
Paru sur le Forum de l'Agora (19:09, le 16/06)
On m'a souvent posé cette question et je suis toujours bien heureux de
répondre que j'écris autant sur l'ordinateur que sur papier. Je vois les
avantages et les désavantages de l'un et l'autre.
Première des choses, je n'aurais jamais écrit si mon père ne m'avait pas
acheté un ordinateur lorsque j'avais 10 ans. Après avoir essayé tous les
jeux et m'être lancé dans la programmation en langage Basic, il ne me
restait plus qu'à écrire des histoires courtes que j'ai aujourd'hui perdues.
Le plaisir que j'avais à les relire et à créer quelque chose pour la
première fois m'a accroché tout de suite.
Je me suis alors lancé dans l'écriture d'un "livre dont vous êtes le héros",
qui ne sont que des paragraphes numérotés qui renvoient à d'autres
paragraphes numérotés présentés dans le livre. Vous connaissez? J'ai
également perdu ce livre qui ne peut s'écrire qu'avec l'aide d'un
ordinateur car il n'est pas linéaire, on n'écrit pas les paragraphes au fur
et à mesure. Jamais dans ma vie je n'ai eu autant de plaisir à écrire un
livre que celui-là.
Puis je me suis mis à écrire sur papier un livre qui s'appelait La Chanson
de Roland Michel (que je crois aussi avoir perdu) que je retranscrivais sur
l'ordinateur ensuite. Enfin je me suis mis à écrire parfois sur ordinateur,
parfois sur papier.
Une chose certaine, je n'aurais jamais pu écrire avec une machine à écrire
et avoir la patience de sans cesse réécrire mes pages comme faisait un de
mes amis à l'époque et qui tentait d'écrire des livres à la Jackie Collins.
Mais la plus grande différence d'écrire à l'ordinateur (lorsque l'on tape
vite) c'est que toutes nos idées vont plus rapidement dans le livre et on
écrit davantage. Sur papier on écrit beaucoup moins et on a perd le fil de
nos idées avant de finir le paragraphe. En plus, il faut trouver le temps de
retranscrire à l'ordinateur, un enfer. Cependant, sur papier je peux écrire
n'importe où et ça me donne le temps de réfléchir.
En définitive, je n'écrirais rien si je n'avais pas d'ordinateur, et je
félicite les auteurs qui n'en ont pas besoin. Je me demande d'ailleurs
comment ils font… soyez gentils de me répondre si c'est votre cas.
Roland Michel Tremblay
rm@themarginal.com
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16 juin 2001
Plus
envie de déranger que de plaire ?
Paru sur le Forum de l'Agora (20:06, le 16/06)
Qu'est-ce qui vous motive dans votre livre, quels sont les ingrédients qui
vous font penser que c'est un bon livre? Le désir de transmettre une
expérience, des connaissances, le désir de plaire ou de déranger peut-être ?
On m'a souvent qualifié d'auteur dérangeant, mais je n'ai jamais cherché à
déranger, non plus je n'ai cherché à plaire. J'écris et puis c'est tout.
Comment je sais que c'est un bon livre, est que je puis le relire une
centaine de fois sans me fatiguer. Donc pas d'ingrédients magiques, juste un
intérêt pour le style et le contenu en général dans chaque paragraphe.
Il est très difficile d'être dérangé aujourd'hui par un livre. Existe-t-il
encore des livres dérangeants à notre époque ? Souvent je pense que
Lautréamont ne pourrait pas être publié aujourd'hui (certainement pas en
Belgique en tout cas). Et qu'est-ce qui plaît de toute manière ? Existe-t-il
un livre parfait qui plaît à tous?
Vous avez des exemples de livres qui plaisent à tous ou qui sont dérangeants
? Et pourquoi le sont-ils ?
Roland Michel Tremblay
rm@themarginal.com
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17 juin 2001
Remettre en
question Einstein
Courriel reçu via le salon (08:47, le 17/06)
Bonsoir M. Tremblay,
J'ai jeté un rapide coup d'oeil à votre site Internet. J'ai lu quelques
lignes de votre théorie scientifique.
Le but de cette lettre est à savoir si vous aviez l'intention d'en faire un
véritable livre, un essai scientifique? Construit et détaillé, très
technique? Avez vous des qualifications dans le domaine de la physique?
Je dois vous dire M. Tremblay que j'ai été surpris de voir ce texte sur
votre site. Je croyais votre bibliographie sur votre stand complète, mais il
faut croire que vous gardiez des surprises.
Entendez vous poursuivre dans cette voie, la science ?
Il me ferait plaisir que vous me disiez le cheminement parcouru pour que
vous arriviez à écrire cette ébauche, ainsi que le cheminement futur en ce
même sens.
Je vous remercie M. Tremblay.
Clément Bisson
____________________________
Bonsoir,
Plus important encore que tout ce que j'ai écrit, est en effet ma théorie de
la relativité universelle. Malheureusement je n'ai pas les qualifications
pour la prouver.
Mes écrits, surtout après l'Éclectisme, m'ont emmené vers des chemins très
près de la science, alors qu'au début le tout était très philosophique. Je
suis un passionné des livres de sciences, de physique et surtout de la
théorie de la physique.
J'ai lu énormément de livres sur le sujet et j'en suis arrivé à développer
des idées et des théories qui remettent en question Einstein. En plus, mes
idées règlent tous les problèmes de la physique actuelle en unissant les
théories d'Einstein avec les théories de la mécanique quantique (la quête du
Graal en physique).
Je me suis donc mis à développer mes idées an anglais, et vous aurez vu que
j'en ai quelque chose comme 500 pages. La version française laisse à
désirer, n'est qu'un résumé et a été écrite très rapidement. Bref, j'ai mis
mes idées sur l'Internet et j'ai eu énormément de visiteurs.
Plusieurs m'ont dit que je ne comprenais rien à la relativité d'Einstein,
plusieurs autres m'ont dit que j'étais un génie. Que croire ? Chose
certaine, malgré les dizaines de physiciens avec qui j'ai échangé des
messages, personne n'a réussi à contredire mes idées ou à me convaincre que
j'avais tort. Ainsi j'ai décidé de passer de la philosophie à la physique,
et je me suis inscrit à l'Université de Londres en Physique en septembre
2000.
Malheureusement j'aurais dû prendre le temps de réviser mes maths et ma
physique avant de commencer (je n'en ai plus fait depuis le collège voilà
dix ans) et je devais travailler dans les conférences à temps partiel au
lieu de plein temps. Mais deux conférences en retard à produire, puis une
semaine à Paris en septembre pour une autre conférence, ont fait que je n'ai
jamais pu réviser la matière avant de commencer: mon employeur m'en
demandait trop.
Ainsi j'ai pris du retard, j'avais des examens et je ne trouvais pas le
temps d'étudier. À ce moment c'était ou bien mon emploi, ou bien mes études.
Mais comme nous étions déjà à la mi-octobre, je n'aurais pas pu me reprendre
dans mes études, il était trop tard. J'ai donc déporté mon retour à
l'Université en septembre 2001 et j'ai repris le travail à temps plein.
Maintenant je comprends que j'ai besoin d'un emploi pour survivre et que je
ne peux pas retourner à l'université en physique en septembre prochain et
travailler en même temps. Je suis donc dans une impasse. Ainsi j'ai encore
toutes mes idées sur l'Internet et je souhaiterais qu'un grand scientiste de
renom voit le potentiel et paie toutes mes études en physique, un peu comme
dans le film Good Will Hunting avec Matt Damon, Ben Affleck et Robin
Williams. Mais cela n'arrive que dans les films.
Je souhaitais également qu'une manne d'argent tombe du ciel, mais même si
mes grands-parents meurent je ne recevrai pas d'argent. Il ne me reste plus
qu'une solution: que mes idées sur mon site inspire quelqu'un d'autre, et
que ce quelqu'un d'autre me crédite pour cette aide.
Je n'ai pas mentionné ces écrits sur le Salon car cela n'est pas publiable
pour les éditeurs. J'ai écrit un roman de science fiction en anglais basé
sur mes théories et lorsque j'aurai le temps je vais traduire ce roman. Il
est sur mon site, The Shrinking Universe :
www.lemarginal.com/universe.htm
Voilà ma petite histoire. Je suis peut-être un génie qui
remettra en question Einstein, ou bien quelqu'un avec des idées
improuvables. Malheureusement, nous ne le saurons jamais.
Ainsi je continue à lire tous les livres de physique qui me tombent sous la
main (ma bibliothèque en est pleine) et j'attends le jour où j'aurai
suffisamment d'argent pour retourner en physique. Sinon, peut-être que
j'arriverai à prouver mes idées sans retourner aux études. Si je puis
trouver une application de mes idées qui prouverait mes théories, alors je
suis sauvé.
Comme par exemple, je sais qu'il est possible d'aller plus vite que la
vitesse de la lumière (la vitesse de la lumière est relative), et plusieurs
expériences dans le monde en ce moment prouvent ce fait. Or, s'ils prouvent
hors de tout doute que la lumière peut aller plus vite que 300,000 km/s,
alors ils vont devoir trouver d'autres équations pour l'expliquer, car selon
Einstein ce n'est pas possible. Alors ils se tourneront peut-être vers mes
idées.
Roland Michel Tremblay
____________
Cher M. Bisson,
Je voulais vous remercier pour m'avoir motivé à remettre à jour la page de
ma théorie de la relativité universelle en français. Maintenant vous avez
les 8 points de mes idées en français au lieu de l'anglais, et ce qui
apparaît sur les images est traduit également:
www.lemarginal.com/relativite.htm
Merci!
Roland Michel Tremblay
rm@themarginal.com
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Éditorial du 6
décembre 1998 par Roland
Michel Tremblay
Pour le site
« Écrits… vains ?
La Poésie ? Beeuuuuurrkkk !
En tant
qu'auteur d'un site appelé Le Marginal Littérature, je me
devais bien d'être un tant soit peu anarchique dans le titre de mon
éditorial! Tout comme Antonin Artaud, Mallarmé, Émile Nelligan, Charles
Baudelaire et Arthur Rimbaud à leur façon ont révolutionné la littérature et
la poésie. Un peu d'anarchisme n'a jamais fait de tort dans un univers où
les sacro-saintes lois des éditeurs nous mènent en bateau, un gros bateau
coulé au fond des océans.
En fait, oui,
La Poésie? Beeuuuuurrkk! Parce que c'est bien là ce qui se passe à
l'extérieur de notre site de poètes. Je me souviens très bien que c'était
l'opinion que j'en avais avant de me mettre à étudier les grands de la
littérature française à l'université. Là, soudainement, j'ai compris qu'il
existait quelque chose au-delà des rires des étudiants qui éternellement
lançaient: "Pensez-vous vraiment que le poète a voulu dire ça?", alors que
le professeur s'acharnait à voir l'essence de l'humanité à travers les
oranges bleues d'Aragon (ou était-ce de Paul Éluard?) et l'Univers en entier
avec toutes les galaxies dans la charogne qui fascinait Baudelaire dans
Les Fleurs du Mal.
C'est que de
prime abord très peu de poètes dans l'histoire sont accessibles. Il faut
lire, relire les mêmes lignes, puis soudainement voir la richesse qui se
glisse dans chaque mot et entre les mots. Cet exercice, qui semble si simple
pourtant, peu d'étudiants arrivent à le maîtriser. Sinon, ils ne liraient
rien d'autre que de la poésie. Ainsi sans doute il faut commencer avec
Rimbaud et Nelligan, sinon on décrochera très rapidement. C'est que ces
poètes, d'emblée, signifient déjà quelque chose aux néophytes. Ils ont le
pouvoir d'accrocher, d'inspirer, d'inviter au-delà de notre propre univers.
On voudrait être Rimbaud, on voudrait avoir marché sur les plages d'été en
France, être perdu, saoul, et être devenu un des plus grands poètes de
l'histoire qui, jamais de son vivant ou presque, n'a atteint une quelconque
renommée. Verlaine, amant de Rimbaud et poète reconnu, a envoyé des années
plus tard un simple poème de Rimbaud à un magazine. Succès instantané! Mais
déjà Rimbaud était vieux. C'est un peu l'histoire de Nelligan, sans sa mère
pour publier le tout après sa mort, qui aurait entendu parler d'eux? On
aurait bien juste voulu qu'ils crèvent à 17 ans, laissant derrière eux leurs
quelques poèmes. La vérité est qu'ils ont vécu très longtemps et que, passé
la vingtaine, ils ont vite oublié leur poésie (enfin presque). S'ils avaient
été publiés et reconnus, certes, ils auraient écrit davantage et leur vie
aurait été différente, mais demandez-vous s'ils seraient alors passés à
l'histoire. Car enfin, ce qui fascine sont bien ces circonstances tout
autant que la poésie elle-même. N'oubliez pas également qu'autant Rimbaud
aurait voulu faire croire qu'il était un peu anarchiste, on sait très bien
qu'il était un étudiant brillant, assidu et poli. Sa poésie en quelque sorte
aurait servi à construire un mythe, et quel succès! Seul le mythe est
demeuré.
L'histoire des
surréalistes est bien différente, bien qu'ils se soient intéressés dès le
début à Rimbaud. La plupart ont commencé à compte d'auteur, puis se sont
construit une réputation enviable dans le monde entier. Mais! Il leur a
fallu travailler fort, faire reconnaître leur mouvement, se soutenir les uns
les autres, développer des contacts, même décrire les processus de leur
mouvement à l'intérieur de leurs poèmes. André Breton est l'auteur de
nombreux ouvrages théoriques. C'est un peu comme le Nouveau roman, qu'en
aurait-il été sans Alain Robbe-Grillet pour écrire quantité d'articles
justificatifs de ce nouveau style littéraire? Ce genre de mouvement ne
semble plus exister aujourd'hui. On ne semble rien créer de nouveau. Est-ce
vrai? Non. Nous avons tout de même balancé le précis du poème parfait par la
fenêtre. Cela représente non pas une ignorance fautive, mais la modernité.
Une nouvelle génération qui s'est libérée de toutes les contraintes qui
assuraient à l'époque que seul un petit groupe restreint de poètes aurait le
courage d'écrire de la poésie et d'être publié. Ceci dit, les mathématiques
dans la poésie ne sont pas une malédiction à faire disparaître. Il s'agit
tout simplement d'un style différent et cela n'enlève rien à la sensibilité,
les émotions et les images. Maintenant, personne ne peut imposer à qui que
ce soit d'écrire sa poésie ainsi ou comme cela. Et personne ne peut affirmer
qu'il faut connaître toute la théorie mathématique et le vocabulaire
inhérent à la poésie afin d'en écrire de la bonne. Pour ma part, j'ai passé
au travers tous mes cours et 170 analyses de poèmes et cela n'a rien changé
à ma vie ni à mes écrits (enfin je crois… j'espère!).
Mais j'entends
déjà les murmures: "Quoi!? Un jeune ignorant qui vient crier tout haut: vive
l'ignorance?" Non, pas du tout. Apprenez s'il faut (si vous pouvez, avez le
temps, le courage), certes ça ne peut pas faire de tort et cela évitera que
l'on ne vous attaque sur votre ignorance, ce qui immanquablement surviendra.
Mais nous vivons à une époque où nous n'avons plus le temps d'aller pisser,
alors… s'il fallait s'être payé Racine et Corneilles en entier avant
d'écrire une ligne, il n'y aurait plus personne pour discuter ici l'avenir
de la poésie. Et le génie en poésie n'a rien à voir avec si on a lu ou non
Henri Michaux et René Char. Peu il ne s'en serait fallu de toute manière que
ces auteurs ne publient jamais rien ou ne soient jamais reconnus à travers
le temps. Ainsi, pourquoi faudrait-il absolument les avoir lus, ceux-là
plutôt que d'autres, plutôt que ceux qui n'ont jamais été publiés? Mais
encore une fois, de les avoir lus amènent de nouvelles avenues, une nouvelle
inspiration, rien n'est donc à dédaigner.
L'avenir de la
poésie contemporaine est à construire, déjà les nouvelles définitions
s'établissent d'elles-mêmes et nous passerons nous aussi à l'histoire.
C'est-à-dire l'époque de la liberté absolue. Écrivez trois mots sur un
papier mouchoir, demain on le vendra pour dix millions chez Christie's ici à
Londres. Madonna pourrait écrire la plus médiocre des poésies, on la
consacrerait poète du jour au lendemain. De toute manière, qui serions-nous
pour juger? Qui vraiment peut juger la poésie? Celui qui a publié vingt-cinq
recueils? L'expert qui a étudié toute l'histoire de la poésie sans oublier
les classiques et Tristan Tzara et le dadaïsme? Leur opinion serait aussi
valable que celui ou celle qui n'est pas imprégné des idées du marché de la
bourse et des fantômes du passé.
Le plus crétin
et le plus ignorant pourrait accoucher sur papier la plus belle poésie du
monde. Il est faux de croire qu'il faudrait posséder le savoir global de
toute l'humanité avant d'affirmer quoi que ce soit. Libre à vous de croire
le contraire. En fait, lisez Roland Barthes et ensuite je crois que vous ne
pourrez plus écrire du tout (j'ai pris deux ans à m'en remettre). Pour ma
part, j'apprécie bien mieux mes premiers écrits que mes derniers qui sont
venus après sept années acharnées d'études en langue, littérature française
et philosophie. Et je trouve ma poésie d'antan bien meilleure que ma
dernière poésie que vous lirez sur Écrits… Vains? (Poésie qui
m'apporte déjà d'ailleurs bien des problèmes et des misères au travail
depuis qu'ils ont découvert mon site par hasard. Je fais maintenant face à
une mise à la porte. Ouverte par le PDG qui s'est mis à tout lire avant de
décider dans un moment de panique que cela n'était pas convenable pour la
compagnie dont on m'a interdit de mentionner le nom. On m'a même demandé de
faire disparaître mon site en entier, qu'en pensez-vous? Tout ça pour ma
poésie noire… faut le faire! Vous voyez, la poésie peut encore provoquer des
réactions intenses, la poésie peut changer le monde!)
J'ai décidé de
vous lancer un défi. Prenez au hasard n'importe quel auteur sur le site
Écrits…Vains? Prenez-le au hasard ou alors allez chercher le plus pourri
de tous, celui qui vous a fait tourner le cœur et dont vous avez rapidement
cliqué pour aller ailleurs. Choisissez quelques poèmes et relisez-les de
trois à cinq fois très attentivement. Je suis convaincu que vous trouverez
quelque chose de frappant que vous avez manqué au premier survol à cause de
vos préjugés. Un autre exemple, imaginons une petite fille qui a perdu ses
parents dans un accident d'avion atroce avant même qu'elle n'atteigne deux
ans. Cinquante années plus tard elle découvre des poèmes jugés vides par la
planète entière écrits par sa mère décédée. Peu importe le contenu des
poèmes, cela aura une telle signification pour elle, cela n'aurait pas de
prix. Tout écrit vaut la peine et est important. Il est la marque du passage
de l'humain dans l'univers, il ajoute et est essentiel à l'expérience de
l'humanité. C'est le seul témoin de notre présence en cette époque. Et qui
sait, lorsque le prochain météore s'écrasera sur la Terre (le prochain est
prévu pour dans dix ans), emportant tous les livres et les auteurs publiés
avec lui, peut-être ne restera-t-il plus que les écrits du site Écrits…
Vains ? qui sillonneront les espaces lointains pour preuve de
l'existence de la race humaine? Car vous le savez certainement, ce que vous
lisez en ce moment s'est déjà promené sur tous les satellites de la Terre et
par conséquent avance rapidement vers les infinis de l'espace.
Je crois
sincèrement qu'il ne faut jamais décourager les écrivains. Notre jugement
sera toujours faux de toute manière et l'écriture elle-même apporte
tellement à son auteur. J'ai réécrit trois fois mon livre La Révolution
à cause des conseils reçus, pour deux années plus tard reprendre ma version
originale. Pouvez-vous croire que j'en avais fait disparaître l'essence?
L'histoire se basait sur l'établissement d'une philosophie de la vie qu'un
mécréant tentait d'élaborer. Il croyait que, s'il atteignait la fin de
l'océan, l'univers de Dieu, il aurait tout trouvé et pourrait mourir. Mais
voilà, la Terre est ronde, il n'aurait jamais atteint la fin de l'océan.
Ainsi, toute sa philosophie se basait sur une prémisse fausse. Et j'aimerais
croire que moi-même je ne lancerai à personne dans ma vie que la Terre est
plate alors qu'elle est ronde. Mais comment savoir? Laissons la chance aux
coureurs, ne leur refusons pas l'entrée, sait-on jamais, dans trois ans ou
dans trente ans, ils seront peut-être les nouveaux Rimbaud de la place.
J'avais tant
besoin d'encouragements lorsque j'ai commencé, si on m'avait lancé au visage
que c'était inutile (et certes on me l'a dit plusieurs fois), je n'aurais
rien écrit au-delà de mon premier livre. Aujourd'hui ma vie en serait tout à
fait différente (probablement meilleure sans doute). Un conseil à tous ces
nouveaux auteurs qui arrivent sur le net avec leurs premiers écrits:
bouchez-vous les oreilles, tout ce que les autres vous disent vaut tout
autant sinon moins que l'idée que vous vous faites de vos propres écrits…
Je viens de me
rendre compte que je dis tout le contraire de ce qu'Anne Gary disait dans
son éditorial nommé COUP DE GUEULE. Mais j'avoue que, la première
fois que je l'ai lu, je trouvais qu'elle avait tout à fait raison. Donc elle
a raison, mais moi aussi. Le monde permet l'inondation des idées les plus
inconcevables et toutes les opinions se valent l'une l'autre. Je conseille
une relecture des deux éditoriaux et prenez là-dedans ce que vous désirez et
formez-vous votre propre opinion. C'est tout ce que je puis dire. Et puis on
relira les idées dans le forum…
La poésie est
quelque chose de très personnel. Même que l'on m'a dit dernièrement qu'il
fallait une certaine vanité ou prétention pour l'étaler là aux yeux de tous.
J'ignore si c'est vrai, je suis moi-même prétentieux et j'avoue que, sans
prétention, il n'y aurait pas de littérature. Bref, la poésie est quelque
chose de très intime. Il faut être capable d'entrer dans cette intimité pour
épouser complètement la pensée de l'auteur. Voilà qui est bien difficile
aujourd'hui, apparemment le visiteur habituel ne cliquera que trois fois sur
votre site avant d'aller se promener ailleurs. Il faut au moins embarquer un
peu dans l'univers d'autrui avant de crier au charlatanisme.
Il est toujours
bien surprenant de voir qu'un poète est célébré par tout et chacun. Je
lisais lors du centenaire de Rimbaud que certains journalistes, qui se
posaient la même question, en étaient arrivés à la conclusion que la plupart
des gens qui appréciaient Rimbaud n'avaient sans doute jamais rien compris à
la poésie de Rimbaud. Je ne le crois pas. Au contraire, ils ont tous compris
Rimbaud, par contre, aucun n'a compris Rimbaud de la même manière. Et c'est
cela la magie de la poésie. Qui en fait un art tellement à part et fascinant
à comparer par exemple à un roman avec seulement un seul niveau de lecture
et d'interprétation.
Je me souviens
de ce poème Les Elfes de Leconte de Lisle tiré de son recueil
Poèmes barbares. Je devais l'analyser en classe. Après avoir cherché
chaque mot dans le dictionnaire, je puis vous affirmer que j'avais extrapolé
le poème au point où il n'y existait plus de limites à ce que j'aurais pu
dire devant la classe. Toute cette vague légende en surface ne signifiait
pas grand-chose à la première lecture. Après avoir appris le fond de
l'histoire, je faisais partie intégrante d'un univers fascinant et longtemps
après je me suis inspiré de ce seul poème dans mes écrits. Les images que
j'en garde encore sont la forêt noire, cette femme en blanc qui attire le
chevalier à elle pour le tuer… ça sont de fortes images.
Une seule autre
poète m'a vraiment transmis de telles images ensuite, Anne Hébert, une
pionnière québécoise. Je dois avouer (mais ne le répétez pas) que très peu
de poètes m'ont vraiment touché au point où il m'aurait fallu emporter leur
livre partout avec moi: Rimbaud, Leconte de Lisle, Rainer Maria Rilke,
Joseph Bédier (ses traductions médiévales de Tristan & Iseult et La
Chanson de Roland) et Anne Hébert. De ceux-là j'ai eu la chance de
rencontrer Anne Hébert à Paris et j'avouerais qu'elle m'a semblé bien plus
intelligente que ses livres et sa poésie me l'avaient d'abord laissé
supposer. Je m'étais dit: avec une telle intelligence, sa poésie devrait
fracasser tous les murs! Après je suis retourné lire sa poésie qui m'avait
semblé toute simple. Et soudainement j'ai compris que l'œuvre que je tenais
là transpirait d'intelligence à travers sa simplicité. Et que derrière cette
simplicité, se cachait une complexité inespérée. Et ça aussi c'est le
mystère de la poésie.
Bref,
ce sont mes quelques idées sur la poésie en général. Ça vaut ce que ça vaut
et je me permets d'ajouter que mes idées ne sont pas coulées dans le ciment.
Je m'exerce à être toujours objectif et je suis prêt à accepter mes erreurs
et à reconsidérer mes dires. Enfin, je suis très heureux de faire partie du
site Écrits…Vains? et sincèrement je crois que nous construisons
ensemble l'histoire de la poésie contemporaine ici, en ce moment même, sur
ce site. Pensons-y, on en reparlera dans dix ans peut-être.
Roland Michel
Tremblay
Le 1er décembre 1998
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