Fabriqué au Québec
Roland Michel Tremblay
Roman
44E The Grove, Isleworth, Middx, Londres, TW7 4JF, Royaume-Uni
Tél.: +44 (0)20 8847 5586, Cellulaire: +44
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Fabriqué au Québec
Je dédicace ce livre à tous les
Québécois souverainistes qui n’ont jamais encore vu leur rêve devenir une réalité.
Résumé de
Fabriqué au Québec en 100 mots
Fabriqué au Québec est un roman qui
commence dans le futur, un futur où après une guerre civile Américaine,
l’Amérique du Nord a subi des divisions significatives d’un point de vue
géographique. Le Québec indépendant se tient maintenant seul devant un flot anglophone
préparant la Troisième guerre mondiale. Le Québec doit aujourd'hui se défendre
contre les nations américaines. Une attaque sur la base militaire de Bagotville
envoie toute la région du Saguenay-Lac-St-Jean dans le passé. Un passé d’avant
la guerre de la Conquête et la guerre de Sept Ans, leur laissant la chance de
décider le futur de
Roland Michel Tremblay
Les Neufs Nations Américaines en 2039 après la guerre
civile américaine de 2029 et la destruction de la plupart des villes
américaines par
Carte de la Nouvelle-France vers 1750. Source Wikipédia
Carte des territoires combinés ayant été au moins une
fois dans la Nouvelle-France de 1504 à 1803.
Prologue
« Je
vous présente la nouvelle Première ministre du Québec, Virginie
Tremblay ! », annonce une jeune femme au microphone devant une foule
en délire. « Son nouveau mandat est maintenant d’accomplir la souveraineté
du Québec ! »
Virginie s’avance seule vers le
podium, la foule n’en termine plus d’applaudir et de crier :
« Virginie ! Virginie ! »
« Vive le Québec
Libre ! », lance Virginie à la foule qui ne se comprend plus et qui
commence à répéter : « Vive le Québec Libre ! Vive le Québec
Libre ! ».
Et puis soudainement le coup de feu, Virginie
reçoit une balle en plein cœur, et lentement, très lentement, elle s’écrase sur
le sol. Avec elle s’éteint le grand rêve québécois de la souveraineté nationale.
1
Deux
heures auparavant, restaurant les Quatre Cents Coups, Jonquière
La fièvre des élections nationales
québécoises vient d’atteindre son paroxysme, la destinée de Virginie Tremblay
va bientôt être connue. Deviendra-t-elle Première ministre du Québec, et le
référendum sur la souveraineté québécoise sera-t-il enfin décidé ?
Au restaurant les Quatre Cents Coups
de Jonquière, au coin des deux rues principales de la ville, des écrans géants
rapportent déjà des résultats significatifs et positifs pour l’équipe du Parti
Québécois et sa future Première ministre. Sa première responsabilité sera la
transition d’un Canada uni vers la souveraineté québécoise, la dissolution
absolue du Canada. Les gens votent aussi pour le référendum en même temps que
les élections nationales. Si elle gagne, c’est la fin du Canada.
Autour d’une table est rassemblée la
famille de Virginie. Juste à côté se présente un buffet à salade et un grillage
pour faire cuire les petits pains. Le jeune fils de Virginie pleure et elle
tente de le consoler.
« Stéphane, t’as 8 ans là, arrête
de pleurer, le restaurant est bourré de journalistes et de caméras. Tu vas te
regarder à la télévision des années plus tard, honteux d’avoir pleuré toute la
soirée sans raison aucune, une soirée tellement importante. Est-ce que t’es
fatigué ? Tu veux-tu que grand-maman te ramène à maison avec Stéphanie ? »
« Non ! », crie Stéphane,
en pleurant de plus belle. « J’veux pas aller m’coucher ! »
« Laisse-moi faire Virginie »,
annonce Nicole Girard, la mère de Virginie.
« Occupe-toi de tes p’tits pains qui sont en train de brûler sur le
grillage. Ça fait une demi-heure que le Premier ministre essaye de te
parler », continue Nicole en faisant un signe de la tête de l’autre côté
du buffet.
« Ah oui ? Ah oui… »,
comprend finalement Virginie, en le regardant et se souvenant de ses petits pains
en train de brûler. « Euh, monsieur le Premier ministre… »
« On peut se tutoyer, ce soir je
serai plus premier ministre. Alors, tu as confiance, es-tu donc certaine de
gagner tes élections ? », annonce-t-il en se penchant pour regarder
d’autres résultats sur l’écran géant. « Tu pourrais perdre, il semble que
le peuple n’est pas encore prêt pour la séparation du Québec d’avec le
Canada. »
« La souveraineté », corrige
Virginie.
« C’était un grand risque de
jumeler les élections avec un référendum », constate le Premier ministre.
« Pas du tout », Virginie
continue. « J’aime autant savoir immédiatement ce que va être mon mandat. Et
d’ailleurs, qu’est-ce que tu fais ici, tu es l’ennemi, devrais-tu pas être à
Québec avec les Libéraux, à supporter ton parti ? »
« Pourquoi faire ? »,
déclare-t-il. « Que tu gagnes ou que tu perdes, je peux certainement
m’adresser au peuple de n’importe où au Québec. D’ici même en fait, au
restaurant Les Quatre Cents Coups de Jonquière. Si on gagne, ce soir la lumière
va être sur mon successeur du Parti Libéral, pas l’ex-premier ministre. »
« Si je gagne, je t’emporte dans
ma Renault 5 au Palais des sports de Jonquière pour que tu puisses
immédiatement me transférer tous les pouvoirs. Si je perds, le portier du
restaurant va te jeter dehors. Jonquière c’est ma ville, j’ai pas besoin d’être
première ministre pour me faire obéir. »
« Une Renault 5, mais c’est une
antiquité en 2029, ça doit valoir une fortune ! », s’exclame-t-il.
« Je l’ai achetée pour 50 dollars
voilà 30 ans, elle fonctionne encore très bien. Tellement économique,
maintenant qu’elle est convertie pour fonctionner à l’eau. J’en ai six autres
dans ma cour pour les pièces de rechange. »
« Je l’ai vue dans tes
publicitaires à TV. Tu penses gagner le peuple en leur montrant que tu peux
vivre simplement, en voyageant en Renault 5 plutôt qu’en limousine. Eh bien
soit, j’accepte ton invitation, si tu gagnes on va tous les deux au Palais des
sports dans ton auto pour faire nos discours d’après les élections »,
termine-t-il avant d’aller rejoindre sa famille à une autre table, pendant que Virginie
retourne s’asseoir avec sa famille, non pas après avoir jeté ses petits pains
dans la poubelle.
« Qu’est-ce qui voulait
lui ? », demande Sylvain, le copain de Virginie, alors qu’elle prend
sa place à côté de ses parents.
« Aucune idée, mais ça m’inquiète
pas », déclare Virginie. « Qu’est-ce qu’il peut encore faire, les
gens ont déjà voté, on en arrive à la fin du comptage des votes. »
« À moins qu’il soit en train de
comploter ton assassinat ? », blague Roland, le père de Virginie,
avec son air sarcastique habituel.
Alors Stéphane se met à pleurer de
plus belle, et son arrière-grand-père assis au bout de la table vient le
prendre dans ses bras pour le consoler.
« Stéphane, ta mère va gagner ses
élections, tu vas être riche ! », lui annonce Benoît Girard, le
grand-père de Virginie.
« Une Première ministre ça gagne
rien », répond Roland. « C’est encore moi qui va devoir lui acheter
une nouvelle auto, avec ma mini-pension. »
« Pas une Renault 5
j’espère », continue Nicole.
« L’empereur de Chine lui-même va
venir au Québec pour discuter avec Virginie, pis y va emporter avec lui les
plus beaux jouets de toute
« Y’as-tu encore un empereur en
Chine ? », demande Virginie.
« Tu devrais peut-être apprendre
la situation politique dans le monde, si tu sais pas ça », lance Nicole.
« Tu vas passer pour une ignorante. »
« J’en veux pas des bébelles d’
« Dans c’cas là il va falloir
vendre toutes tes bébelles Stéphane », répond Roland. « Tous tes
jouets ont été fabriqués en Chine par des enfants encore plus jeunes que toi,
le fruit de l’exploitation nord américaine. Eux-autres ont jamais le temps de
jouer. »
Stéphane regarde son grand-père Roland
et se met à pleurer de plus belle, en serrant son arrière-grand-père dans ses
bras.
« T’es donc insensible, dire des
choses de même à un enfant », répond Nicole.
« C’est l’temps qu’il se réveille
aux réalités du monde », offre Roland comme excuse.
« Taisez-vous, les résultats vont
être annoncés d’une minute à l’autre », hurle Sylvain, alors que tous se
retournent vers les écrans et qu’une serveuse lève le son avec une
télécommande.
« Cinq, quatre, trois, deux,
un ! », crie l’assemblée du restaurant les Quatre Cents Coups, alors
qu’enfin les résultats sont annoncés via Radio-Canada :
« Aujourd’hui Virginie Tremblay
vient de devenir la première femme Première ministre du Québec avec 75% des
votes », annonce l’animatrice de Radio-Canada. « Une Ingénieure
mécanique, qui a longtemps habitée à Jonquière avant et après ses études à
l’Université d’Ottawa, Virginie a maintenant une grande tâche devant elle en
tant que Première ministre. Vous vous souviendrez que c’est avec son copain
Sylvain Tremblay, tous deux des Tremblay bien qu’ils ne soient pas mariés, que Virginie
a su développer et renouveler la physique théorique en développant entre autres
une technologie qui permet de rétrécir et d’agrandir la matière. La théorie de
l’expansion subatomique a également permis le développement d’armes écologiques
de rétrécissement de la matière. Le couple, avec un certain Mark McCutcheon,
ont en effet découvert un moyen d’expliquer et d’unir les quatre forces
fondamentales de la nature. Aussitôt qu’ils ont compris que l’électron était la
seule particule élémentaire dans l’univers, et qu’il grossissait sans cesse à
un certain rythme à l’intérieur de l’atome, expliquant sa nature subatomique,
et à l’extrémité de l’atome, expliquant la gravité et les liens atomiques, et à
un autre rythme à l’extérieur de l’atome, expliquant la charge électrique et
l’énergie électromagnétique, ils ont ainsi découvert
« Les résultats sur le référendum
viennent de rentrer, dans un moment nous saurons si Virginie Tremblay fera du
Québec un pays indépendant, ou continuera en un Canada uni. Voici les
résultats : le non a remporté 49.42% des votes, le oui gagne avec 50.58% des
votes ! Exactement les mêmes résultats que pour le référendum de 1995,
sauf qu’alors le non avait 50.58% des votes. »
« Oh non ! », lance Virginie.
« Maintenant ils vont contester les résultats et blâmer la fraude
électorale, avec sans doute plusieurs milliers de bulletins de votes rejetés
pour une raison ou une autre ! »
« Virginie ! », lance
Roland. « Arrête de manger ta coquille Saint-Jacques, les caméras sont
toutes braquées sur toi ! Tu viens de gagner tes élections avec une
majorité écrasante, tu as aussi ce soir gagné ton référendum sur la
souveraineté du Québec. On verra dans les prochains jours quel scandale
éclatera. Pour l’instant, regarde, la bourgeoisie du Saguenay-Lac-St-Jean se
met déjà en ligne pour te féliciter. »
« Où est l’ex-Premier
ministre ? », annonce Virginie en riant. « C’est le seul que j’veux
voir en ce moment, on s’en va au Palais des sports de Jonquière dans ma Renault
5 en décomposition ! J’espère qu’a va partir… »
2
Dans
une Renault 5 en route vers le Palais des sports de Jonquière, 24 juin 2029
« Eh bien, monsieur l’ex-Premier
ministre du Québec, je viens de gagner mes élections ! », affirme Virginie
assise à l’arrière de la voiture avec l’ex-Premier ministre, alors que Sylvain
attache la ceinture de sécurité de Stéphane à l’avant et que les journalistes
prennent des photos à l’extérieur.
« Ma chère Virginie »,
commente l’ex-Premier ministre. « La raison pour laquelle je suis à
Jonquière ce soir, et non à Québec avec le Parti Libéral, c’est parce que je
suis maintenant convaincu que la séparation du Québec d’avec le Canada est
essentielle. »
« Quoi ? J’aurais jamais cru
entendre ça d’un libéral. De toute manière, le référendum va être contesté,
avoir gagné avec pratiquement juste au-dessus d’un pourcent des votes. »
« Ça n’a plus aucune importance. Dans
moins d’une semaine la guerre civile va éclater aux États-Unis, et les
conséquences seront le morcellement des États-Unis en plusieurs nations
américaines. Il est essentiel que le Québec devienne souverain, plutôt que de
suivre la voie de plusieurs autres provinces canadiennes qui seront tout
simplement annexées à ces nations américaines. C’est pourquoi j’ai
travaillé en arrière-plan pour que tu gagnes tes élections. »
« Es-tu en train de me dire que
j’ai seulement réussi à avoir 75% des votes à cause du Parti
Libéral ? »
« Pas à cause du Parti Libéral,
ils ont aucune idée. À cause de moi. Je suis le seul à tout savoir de la
situation américaine. En dix ans au pouvoir j’ai eu le temps de me développer
des contacts dans le monde, j’ai pu vérifier leurs dires de plusieurs sources
sûres. Le Président américain est mon grand ami… ainsi que le Président du
Mexique. »
« On le sait ! On t’a accusé
d’être un traître québécois à la solde d’une certaine entente entre le Premier
ministre canadien et les Présidents Américain et du Mexique. Votre idée de
grandeur de créer une Union Américaine comme elle existe en Europe. Mais vous
avez oublié qu’une telle alliance ne profiterait jamais qu’au Président des
États-Unis. »
« Oui bon, je l’admets
maintenant, si ça peut te faire plaisir. Comme je disais, il est essentiel de
passer par-dessus n’importe quel scandale, et il y en aura, et d’établir la
souveraineté du Québec. »
« Mmh… », termine Virginie
en regardant par la fenêtre d’un air songeur.
« On arrive au Palais des
sports », confirme Stéphane, tout à fait ignorant de la bombe que vient de
lancer dans la voiture l’ex-Premier ministre du Québec.
Palais
des sports de Jonquière, 24 juin 2029
Le Palais des sports est rempli à
craquer. La patinoire a été recouverte et une grande scène a été aménagée à
l’avant. Les grandes personnalités de la soirée sont déjà assises sur les
chaises ainsi que la famille de Virginie, Sylvain et les jumeaux au premier
rang. Devant un auditorium ébahi et incapable d’arrêter de crier et de pleurer
des larmes de joie, Virginie s’avance lentement vers le podium, suivie de
l’ex-Premier ministre.
« Écoute là », murmure Virginie
en repoussant l’ex-Premier ministre avec un grand sourire plastique sur son
visage. « C’est mon soir de gloire, pas le tient, va t’assoir dans ma
chaise si tu veux. »
« J’ai aucune intention d’aller
m’assoir », confirme l’ex-Premier ministre, lui aussi avec un grand
sourire plastique sur le visage. « Tu vas comprendre dans moins d’une minute
pourquoi. »
« Qu’est-ce que tu
prépares ? M’aurais-tu menti dans l’auto ? Ce que tu m’as dit est la
seule raison pourquoi on a faite notre entrée ensemble sur la scène. Je suis en
train de t’utiliser pour cimenter ma prise de pouvoir et le résultat pathétique
du référendum. »
« Je l’sais, t’inquiète pas,
laisse-moi parler en premier, je vais cimenter, comme tu dis, ta prise de
pouvoir et ton mandat. »
« Mais arrête ! J’ai pas
l’intention de te laisser parler en premier ! »
« D’accord, je dirai pas un
mot… »
« Mais pourquoi ! Bon il est
trop tard maintenant de toute manière… prend ma main et mettons les bras en
l’air comme si on célébrait ma victoire, au moins… »
L’ex-Premier ministre prend alors la
main de Virginie fermement et lève leurs bras dans les airs en signe de victoire,
devant une foule électrisée, alors que Virginie s’approche du micro pour
commencer son discours.
« J’ai une chose à vous annoncer,
je suis enceinte de mon troisième enfant, mais j’ai pas l’intention d’arrêter
d’être votre Première ministre pendant un instant », affirme Virginie à la
foule et devant toutes les caméras, tout en se retournant vers l’ex-Premier
ministre pour voir sa réaction.
Elle est surprise de lire l’alarme sur
son visage, tellement qu’elle-même en perd le sourire. Tout à coup elle
s’inquiète, elle regarde autour dans les gradins, tentant de suivre le regard
de l’ex-Premier ministre soudainement intéressé à visualiser tous les endroits
du palais.
« Bizarre, je suis en train de
vivre un déjà vu, j’ai déjà fait ça… mais t’étais pas là… », annonce
frénétiquement Virginie à l’ex-Premier ministre. « Quelque chose va
arriver, quelque chose de terrible… »
« Oui », lui confirme-t-elle
d’un air sérieux. « Tu vas survivre, mais tu vas faire une fausse couche,
tu vas perdre ton bébé dans 17 jours très exactement, à 18 heures… »
Et puis tout à coup il se lance sur
elle, la tire par terre et la couvre de son corps alors que l’on peut entendre
plusieurs coups de feu. Avant qu’il ne meure il n’a le temps que de lui murmurer
les mots : « Souviens-toi… le Président américain George Johnson…
voyage dans le temps… mondes parallèles… »
3
Dix
ans plus tard, Omaha, Nebraska, 24 juin 2039
Un avion qui arbore le drapeau
québécois et l’armoiries du Québec montrant la devise « Je me souviens »
atterri à Omaha, Nebraska.
L’avion s’arrête, l’escalier roulant
s’achemine vers la porte, la porte s’ouvre. Un homme et une femme sortent de
l’avion en premier, suivis d’autres, et descendent l’escalier. Une délégation
marche vers eux et les rencontre au bas de l’escalier.
« Madame Virginie Tremblay, Première
ministre québécoise, Monsieur Benoît Girard, Président français, je suis Pierre
Lemieux, l’ambassadeur du Québec, et voici Gaëlle Leroy, ambassadrice de France.
Bienvenue à Omaha, Nebraska. Le Président américain de cette nouvelle nation
vous attend. Veuillez nous suivre. »
Tous les quatre entrent dans une
limousine, tandis que les autres entrent dans d’autres voitures diplomatiques.
Dans la limousine, alors que des
cocktails sont servis par l’ambassadeur québécois :
« On n’a pas beaucoup de temps
avant notre rencontre avec George Johnson, un compte-rendu, est-ce qu’il veut vraiment
la guerre avec le Québec ? Ça semble impensable… », demande Virginie.
« Y pense qu’l’Québec c’t’un nouveau
Cuba, avec
« George Johnson ne se montre pas
raisonnable », annonce Gaëlle Leroy d’une manière plus diplomatique.
« Malgré la guerre civile américaine qui a causé la dissolution des
États-Unis d’Amérique en neuf nations différentes dont le Québec, il continue
d’être complètement irrationnel. Le problème est qu’il est encore en charge
d’un arsenal militaire assez impressionnant, nous pensons qu’il imagine que de
provoquer et gagner
« Mon Dieu ! », affirme
Virginie.
« Oui ! », répond
Benoît.
« Tous nos pourparlers ont échoué »,
annonce Pierre.
« La guerre semble
inévitable », confirme Gaëlle.
« Alors
pourquoi le rencontrer ? Suffit de lancer nos missiles ! De
« Non », affirme Virginie.
« On se pense fort avec nos nouvelles armes réductrices de matière, après
avoir enfin découvert
« Nos derniers rapports prouvent
que non seulement ils ont volé la nouvelle théorie de l’expansion subatomique
québécoise, mais en plus ils ont eux aussi développés des armes de guerre
révolutionnaires, et l’attaque contre le Québec est imminente ! »,
confirme Gaëlle. « Il n’existe aucun traité international contre ces
nouvelles armes capables de rapetisser une ville complète, et ainsi l’anéantir
complètement. De toute manière, après que
« Au moins on a déjà développé en
parallèle un moyen de défense », murmure Pierre Lemieux.
« Ce président américain n’est
qu’un à travers les sept autres, pense-t-il vraiment attaquer le Québec avec de
nouvelles armes jamais encore testées ? », demande Benoît.
« Y’a pas toute sa tête »,
offre Pierre Lemieux en guise de réponse.
« Peut-être qu’il est encore
possible de l’empêcher », annonce Gaëlle. « Le but de cette
rencontre. »
« Pierre, appelle la base de
Valcartier à Québec, on commence l’évacuation de l’Assemblée nationale et de
toute not’ réserve militaire vers le Saguenay-Lac-St-Jean, destination la base de
Bagotville », annonce Virginie.
« Ne devrions-nous pas attendre
l’issue de notre rencontre avec George Johnson ? », demande Benoît.
« Non, pas après les rapports que
j’ai lus. J’ai l’impression que notre rendez-vous est la seule raison pour
laquelle il n’a pas encore attaqué. On peut jamais faire confiance à un
président américain. En plus, ce que j’ai jamais dit à personne c’est que le
soir de ma victoire voilà dix ans, quand le Premier ministre m’a sauvé la vie,
ses derniers mots étaient le Président américain George Johnson. Cet homme a
déjà tenté de me faire assassiner. Commence l’évacuation, la ville de Québec
sera sa première cible », affirme Virginie.
« Et le Saguenay-Lac-St-Jean sa troisième,
après Montréal », continue Pierre Lemieux. « Plus rien l’empêche de
recourir aux armes nucléaires, même si y’avait pas eu le temps de développer
des armes vertes. Sans doute c’est le dernier de ses soucis d’épargner l’environnement
autour des régions ou des villes touchées. J’imagine qu’y pense que les
retombées nucléaires d’un Québec anéanti affecteront pas beaucoup sa nation, et
affecteront suffisamment les autres nations américaines. »
« Aucun doute, mais au moins de la
base de Bagotville on a une chance de complètement anéantir l’attaque américaine
s’il utilise des armes écologiques… le Saguenay-Lac-St-Jean pourrait
facilement devenir la seule région du Québec encore fonctionnelle une
fois la guerre commencée », finalise Virginie.
4
Les voitures s’arrêtent à l’entrée du
Palais présidentiel d’Omaha.
« Mon Dieu, l’architecture du palais
présidentiel est assez impressionnante,
c’est un symbole de sa puissance ? », demande Virginie.
« Comme tous les Républicains
depuis au moins 150 ans, le Président Johnson est un mégalomaniaque. Il n’y a
que les Présidents de la République française prêts à l’admettre haut et
fort en public », continue Benoît.
« Et c’est justement pourquoi
aujourd’hui Johnson est aussi anti-français », affirme Pierre.
« C’est comme s’ils n’avaient
jamais compris Montesquieu, qu’une république ne doit pas par définition
devenir une fausse démocratie de surface », affirme Gaëlle. « Je vois
que notre comité de réception s’avance vers nous. Si vous désirez attendre ici
un instant, je vais aller m’occuper de la sécurité, notre entrée dans le
palais. »
« Bof, son palais présidentiel
est rien comparé à notre not’ nouvelle Assemblée nationale québécoise d’urgence
à Sainte-Rose du Nord au Saguenay. Si c’est aussi un signe de notre puissance,
on doit être fort », déclare Virginie, alors que l’on peut voir Gaëlle
plus loin en train de s’obstiner avec la sécurité. « C’est vrai par contre
que ça nous a rien coûté ou presque, c’est juste une maquette détaillée qu’on a
agrandie de façon phénoménale. Toute une révolution en architecture, cette
nouvelle science. Johnson lui a dû peiner pour faire construire son
palais. Au moins y’a juste deux ou trois nations américaines qui le
reconnaissent comme le futur Président américain qui va rétablir les États-Unis
comme superpuissance mondiale. J’aimerais juste que son massacre commence pas
avec le Québec. »
« Faut pas être naïf Virginie,
toutes nos prédictions l’indiquaient aussitôt l’indépendance du Québec
confirmée. Il faut remercier
« Benoît, tu parles comme si le
Québec avait été retourné à
« Oui, oui, mais le Québec ce
n’est pas
« Une colonie française,
« Nous ne vous avons jamais abandonnés,
au contraire », continue Benoît. « Heureusement que
« Quelle basse opinion
«
« Tout est réglé, ça n’a pas été
facile, ils redoutent une attaque n’importe quand, et pour eux nous sommes tous
des terroristes », annonce Gaëlle. « De quoi parliez-vous ?
Votre discussion semblait aussi animée que la mienne avec les gardes. Inutile
de s’autodétruire entre francophones, nous avons tous la même origine, peu
importe les centenaires qui nous séparent. Le vrai ennemi aujourd’hui est dans ce
palais présidentiel. »
Enfin nos délégués entrent dans la
salle de congrès, le Président est seul en avant de la scène accompagné
d’interprètes et d’autres experts consultants.
« Mon cher Président Benoît
Girard, bienvenue à Omaha ! », annonce le Président George Johnson.
« Votre français est toujours
aussi impeccable », répond Benoît.
« Mon père a une villa à St-Rémy
de Provence, exactement ou Vincent Van Gogh a peint ses meilleures peintures, j’y
ai passé plusieurs années dans ma jeunesse », continue George.
« Alors, peut-être pourrons-nous
nous entendre sur le sujet de l’heure, la paix dans le monde… », dit
Benoît. « Voici Virginie Tremblay, Première ministre du Québec. »
« Oui, parlons de la paix dans le
monde, et comment recréer un gouvernement universel très fort, un nouvel ordre
mondial. Pas besoin d’hypocrisie entre hommes d’États monsieur Girard.
« Les États-Unis n’existent plus !
Vous avez, avec peine, le soutient absolu de seulement deux nations
américaines. Comment osez-vous parlez d’un nouvel ordre mondial après la
destruction entière de l’Amérique du Nord, alors même que vous n’êtes pas un président
américain élu ? », lance Virginie.
« Être élu ? J’ai été élu »,
confirme George.
« Aucune élection américaine n’a
vraiment été démocratique depuis 2001. C’est un miracle que la guerre civile
américaine ne soit survenue qu’en 2029, après la nouvelle crise économique. La
capitale de la nation Breadbasket, ou le Panier de Pain, est Kansas City, et
certainement pas Omaha », affirme Virginie.
« Asseyez-vous. Voilà. Maintenant
nous pouvons discuter. Je suis le seul Président des États-Unis qui va
restaurer l’Amérique telle une puissance mondiale. Je vais vous montrer que
rien n’a changé. Et lorsque les huit autres nations américaines comprendront
mon importance, ils vont tous se joindre à moi, le Québec aussi j’espère »,
continue George Johnson.
« Pour en venir au point de cette
rencontre, pourquoi attaquer le Québec ? Quel danger le Québec
représente-t-il à votre rêve de grandeur, de conquête mondiale ? »,
demande Virginie.
« Qui vous a dit que j’avais
l’intention d’attaquer le Québec ? », demande George Johnson.
« Nos services secrets français »,
confirme Benoît Girard. « Ils ne m’ont jamais menti jusqu’à maintenant,
contrairement aux défunts FBI et CIA, qui semblaient davantage être intéressés
à contrôler la planète à l’insu de leur Président », annonce Benoît.
« Comme vous avez dit, il
n’existe plus de FBI ou de CIA. Il n’existe plus qu’un nouveau Président américain,
moi, tel un pionnier qui doit reconstruire sa nation forte sur le monde »,
contrecarre Johnson, « et ma nation est encore la plus forte au
monde ».
« Et ça commence avec une
conquête, l’annexe du Québec à la nation du Panier de Pain ? »,
demande Virginie. « Pourquoi ? Nous sommes une nation de paix,
de liberté, d’aide humanitaire dans le monde. »
« Vous avez de grandes ressources
naturelles dont vous n’avez même plus besoin, après votre conversion énergétique
à l’eau. Vous êtes réticents à partager tant d’énergie avec notre
nation. »
« Vous voulez dire que nous ne
sommes pas prêts à vous donner tant de ressources naturelles. C’est pas comme
si on tentait de vous voler ou de vous extorquer. La vieille mentalité
américaine n’a pas changé. C’est la raison pourquoi nous sommes ici
aujourd’hui, pour acheter la paix. Comme vous avez dit, on n’a plus besoin de
nos ressources naturelles, notre réseau hydro-électrique, nos centrales
nucléaires, notre gaz naturel. On est prêt à acheter la paix en échange pour
ces ressources inutiles pour le Québec. On fournit déjà toute l’énergie
nécessaire à au moins trois nations américaines, une de plus ne changera rien »,
confirme Virginie.
« C’est très généreux de la part
du Québec. Et oui, ça pourrait tout changer entre nos relations », console
le Président américain.
« Merveilleux ! Alors, on
vient d’acheter la paix en Amérique ? Monsieur le Président, le Québec
vous aime ! Non, non, c’est pas de l’ironie. On savait que finalement vous
entendriez raison, on peut toujours atteindre des résultats avec la diplomatie. »
« Virginie, vous êtes tellement directe…
nous sommes tous civilisés ici », déclare George Johnson.
« Au moins j’dis c’que
j’pense, », répond Virginie.
« Je n’en doute pas, enfin la
vérité, qui sort de la bouche d’une nouvelle nation défaillante et encore trop
jeune pour jouer au Bridge avec les grandes nations de ce monde »,
continue George.
« Aux échecs, vous voulez dire. On
va vous envoyer nos diplomates, et toute la question de l’aide québécoise pour
restaurer les nations américaines sera établie. Après tout, nous sommes tous
américains ici en Amérique. Le Québec a pas été touché par la guerre
civile et l’attaque nucléaire de
« Virginie, Première ministre du
Québec, comme j’admire votre candeur et votre idéalisme. Ça me rempli de joie
et d’espoir. Ensemble nous allons reconstruire l’Amérique d’après les guerres.
Le Québec est notre nouvel allié dans cette reconstruction d’une grande
nation unie dans la paix », finit George Johnson, sous les yeux dégoutés
de Virginie et de Benoît.
« Si seulement… », avance
timidement Benoît.
« Merci monsieur le Président. Je
savais que nous nous entendrions bien. Aujourd’hui est un jour mémorable, le 24
juin 2039, la fête nationale du Québec, un jour de paix à célébrer.
Merci ! », déclare Virginie, devant un Président français bouche bée
et complètement ahuri, alors que notre délégation se prépare à quitter la salle
des congrès.
5
Dans l’avion qui survole la nation
américaine :
« Voici votre pilote, nous venons
de quitter le Breadbasket et nous survolons maintenant la nation américaine
nommée The Foundry. »
« Finalement, la Fonderie »,
lance Virginie.
« Oui, finalement en dehors de
tant d’hypocrisie, » dit Benoît Girard. « Virginie, as-tu vraiment
acheté ce qu’il disait ? »
« Chu pas folle, c’était sans
espoir. J’ai tout de suite vu que le Président avait aucune intention d’arrêter
son projet de destruction, et c’est pas suffisant de lui offrir pratiquement toutes
nos ressources naturelles et notre énergie. Il a une idée fixe, et c’est triste
que le Québec va être sa première victime. »
« Ça explique pourquoi tu as
insisté pour que Gaëlle, moi et notre délégation embarquent dans l’avion… »,
dit Pierre Lemieux.
« J’allais pas laisser personne
présent à Omaha. Il a tellement tenté d’éviter la question que c’est
clair que l’attaque est imminente, les rapports de l’intelligence française
sont réels. J’ignore pourquoi il a attendu l’issue de notre rencontre,
peut-être que ça va servir sa propagande. Pierre, contacte nos consulats et nos
ambassades dans les neuf nations, évacuation immédiate. Le Québec est
officiellement en guerre contre les nations de l’Amérique, en particulier le
Panier de Pain. On va en faire des miettes avant la fin de la semaine ! »,
ordonne Virginie.
« Exactement, c’est ce que
j’allais proposer », ajoute Benoît. « Pas exactement une déclaration
de guerre cependant, mais certainement une annonce que nous sommes maintenant
sur la défensive. Gaëlle, même chose pour le France, évacuation de tout le
monde vers la ville de Québec. »
« Non, on est à
« Abandonner Québec ? La
population aussi ? », demande Pierre.
« Non, alerte sur toutes nos
bases militaires québécoises, pas prêt à l’attaque, mais prêt avec notre
système de défense. On va supposer que l’attaque va être des armes vertes
chimiques. C’est la seule raison que je peux voir pour une telle attaque,
montrer au monde entier que les nations américaines ont une nouvelle arme et
qu’ils n’hésiteront pas à l’utiliser, et que même contre ceux qui ont
inventé cette arme elle va s’avérer un succès. Il veut tester nos défenses. Montrons
leur qu’il existe un moyen de défense efficace », affirme Virginie.
Pierre et Gaëlle se lèvent et se
dirigent vers leur station de communication et les ordinateurs, ils
commencent à lancer les nouveaux ordres.
« Voici votre pilote. Nous
survolons maintenant Montréal, en direction de la base de Bagotville. »
À ce moment une alerte se fait
entendre dans l’avion ministériel québécois.
« Mon Dieu ! Des missiles
ont été lancés de partout en Amérique ! », annonce Pierre Lemieux de
sa station, alors que
« Combien ? », demande Virginie.
« Au moins dix
milles ! », confirme Pierre.
« E-H-A ! », demande
Benoît.
« E-H-A ? », questionne
Pierre.
« Estimation de l’heure d’arrivée
des missiles, moins de deux heures ! Destinations : pratiquement
toutes les villes du Québec ! Considérant la grosseur des missiles, leur
vitesse limitée et leur origine, certainement ce n’est pas nucléaire »,
confirme Gaëlle.
« Non, c’est des armes vertes !
Y’ont l’intention de réduire entièrement toutes les villes québécoises, y vont
nous faire disparaître d’la planète ! », crie Lemieux.
« C’est le temps de lancer notre
propre attaque ! Projet de défense de contingence 1 ! », crie
Benoît.
« Non ! J’ai pas l’intention
d’avoir sur ma conscience des millions de morts à cause d’un Président
américain lunatique ! J’lirai jamais dans un livre d’histoire du futur que
le Québec a anéanti toutes les nations américaines ! », lance
Virginie. « Notre défense va fonctionner ! C’est ce qu’il veut
tester, on va lui démontrer qu’on est capable de se contrôler, on est encore
humain. On a l’temps d’arriver à Bagotville avant les missiles. Vite Pierre,
donne l’alerte à tout l’Québec de lancer le nuage chimique de défense contre les
armes écologiques. On va leur montrer qu’on est préparé contre une telle
attaque », lance Virginie.
« Ça a jamais été
testé ! », Pierre se lamente, pendant qu’il lance l’alerte partout au
Québec via l’ordinateur.
« Rien de mieux qu’un 24 juin
québécois pour tester not’ défense nationale. Pis dit au pilote d’aller au
maximum vers Bagotville ! », Virginie crie à travers tout l’avion.
« Voici votre pilote, j’ai
entendu. Madame
6
Base
de Bagotville, Saguenay-Lac-St-Jean, 24 juin 2039
Le Chef de la défense du Québec se
dirige vers la salle de contrôle alors qu’un groupe de ministres, la délégation
de
« Êtes-vous le Chef de la défense,
le Général Néron ? », demande le Ministre des Affaires extérieures.
« Oui M. Potvin, euh, j’veux dire
monsieur le Ministre. Mais j’ai pas le temps de répondre aux questions… le
Président Johnson vient de lancer autour de 10,000 missiles vers toutes les
villes du Québec. Si vous voulez me suivre vers la salle de contrôle, on va
voir si toutes nos nouvelles installations et nos préparations de guerre des dix
dernières années vont servir à que’que chose. »
Ils marchent tous vers la salle de
contrôle sauf les enfants qui sont emmenés ailleurs par une jeune soldat.
« Oui, oui, les enfants, veuillez
accompagner la jeune femme… », affirme Marie-Céleste Girard, se retournant
rapidement pour suivre le Chef de la défense. « Général Néron ! Où
est l’avion présidentiel ? Où est mon mari ? »
« Vous voulez dire l’avion
ministériel…
« Et les bombes ? », demande
le Ministre des Affaires extérieures. « On va avoir suffisamment de temps
pour lancer notre contre-attaque ? »
« Une contre-attaque ? Avec
moins d’une heure pour se défendre contre des milliers de bombes ? Je
considère aucunes représailles pour l’instant, il va falloir un miracle pour se
défendre contre une attaque que seuls les Américains sont assez fous pour
lancer sur une nation aussi faible et paisible que le Québec. »
« Faible ? », répond le
Ministre Potvin insulté.
« Comparé à l’arsenal à la
disposition du Président Johnson, le monde entier est faible… », confirme
Néron. « Les Russes ont pratiquement rien détruit de toutes les armes
américaines, et l’arsenal a jamais été utilisé même durant la guerre civile. Pis
c’est rien, ce qu’il vient de nous lancer c’est tout nouveau, du jamais vu, des
bombes vertes ! Y’ont même pas eu besoin d’utiliser leurs réserves
nucléaires. C’est un test, ils veulent savoir s’il existe un moyen de défense
contre une telle offensive. »
« Le message est clair ! Aux
autres nations américaines, Johnson leur signifie que s’ils refusent encore de
le reconnaître comme le nouveau Président des Nations américaines unies, une
autre nation américaine va être rapetissée à l’infini. Au reste du monde il prouve
que l’Amérique est encore une grande puissance mondiale, sinon la plus forte »,
Potvin résume sommairement la situation.
« Incroyable qu’il ait décidé d’attaquer
le Québec, le sacrifier en exemple aux autre nations », ajoute Néron.
« Le Québec est le seul à avoir
de nouvelles armes issues de la technologie de l’expansion subatomique. Il a
jamais digéré que le Québec puisse devenir une nation indépendante en
elle-même, une des neufs grandes nations américaines d’après la guerre civile, mais
on a vite bougé quand on a compris que la dissolution de l’Amérique du Nord survenait »,
termine Potvin alors qu’ils entrent dans la salle de contrôle.
« Alors ! », lance le
Général, « le point s’il vous plaît ! »
« Général ! Vos ordres ont
été reçus, toutes les villes du Québec sont en train d’étaler partout le nuage
chimique qui devrait normalement rendre inopérantes les bombes vertes de
Johnson », confirme un jeune soldat nommé Charles Vallée.
« Est-ce qu’on va avoir assez de
temps pour étaler un tel nuage sur toutes les villes du Québec ? Et
surtout, tout le Saguenay-Lac-St-Jean ? », demande le Ministre
Potvin.
« On a aucune idée, on sait même
pas si ça va marcher. Ça marche bien avec nos propres bombes vertes… », ajoute
Charles.
« Mais est-ce que le Président
Johnson a simplement volé notre recette chimique ou est-ce qu’il l’a
modifiée ? », complète le Général.
« Aujourd’hui c’est peut-être la
disparition et la mort de tout le Québec », confirme Potvin. « J’en
connais qui vont célébrer à soir si c’est le cas, ceux qui ont toujours voulu,
depuis des siècles, rapatrier les 12 millions de Québécois en France. En tout
cas, en v’là un moyen d’en terminer avec tous nos discours et nos différends
politiques. »
7
Montréal,
centre-ville
Du haut des gratte-ciels de Montréal,
des tuyaux et des arrosoirs achèvent d’ensevelir la ville sous un nuage épais
de protection contre l’attaque américaine. De la rue Sainte-Catherine on peut
voir que des poteaux crachent des gaz, alors que des hélicoptères dans le ciel
font la même chose, pendant que les gens courent dans toutes les directions
sous l’alerte des sirènes de guerre. Les missiles font leur arrivée dans le
ciel et commencent à exploser en plein vol partout au-dessus de la ville,
créant leur propre nuage de produits chimiques.
Québec,
Château Frontenac
On aperçoit des avions et des
hélicoptères étalant un nuage partout dans le ciel de la ville de Québec. On
voit également la population en état de panique alors que les sirènes supposées
alerter la population d’une attaque imminente se font entendre. Au-dessus du
Château Frontenac les premiers missiles passent dans le ciel mais semblent
continuer vers le nord. D’autres suivent peu après et commencent à exploser dans
le ciel.
Parc
des Laurentides
Au-dessus de la forêt du Parc des
Laurentides, où aucun moyen de défense n’a été déployé, on suit une centaine de
missiles se dirigeant vers le Saguenay-Lac-St-Jean. Une seule bombe explose
juste au-dessus de l’Étape, un restaurant, un hôtel et quelques maisons en plein
centre du parc naturel. Aussitôt tous les bâtiments, les camions, les voitures,
les gens et la route autour de l’Étape disparaissent, laissant un grand cratère
derrière eux.
Fjord
du Saguenay
Dans le fjord remontant le Saguenay
jusqu’à
Chicoutimi
Les missiles explosent partout dans le
ciel au-dessus de la ville de Chicoutimi, les gaz chimiques de défense se
mêlent aux gaz chimiques des armes vertes, et on distingue une sorte de
catalyse qui tente de se produire, mais qui finalement ne produit que des
éclairs et des tonnerres électromagnétiques qui explosent et parfois vont
heurter des antennes de téléphone, de radio et de télévision.
Lac-St-Jean
Une bombe gigantesque se dirige vers
le Lac-St-Jean et entre de plein fouet au centre du lac. Une explosion
sous-marine phénoménale se produit et un jet d’eau énorme monte dans les airs
pour retomber ensuite et créer de grandes vagues tout autour qui vont aller
inonder l’instant d’un moment les chalets d’été et les maisons autour du lac.
Un gros nuage noir englobant tout le lac cache pratiquement le soleil dans le
ciel.
8
Base
de Bagotville, 24 juin 2039
« Est-ce que l’attaque a
réussi ? », demande frénétiquement Virginie.
« L’attaque est terminée, tous
les missiles ont explosé en plein vol. Le Québec en entier est enseveli dans un
nuage de produits chimiques, mais c’est non toxique », confirme le Général
Néron.
« Est-ce que nos défenses sont
adéquates ? », demande le Président Benoît Girard.
« On a eu le temps de lancer not’
nuage de défense. Pour l’instant il semble y avoir une réaction chimique qui
s’opère, on a peut-être réussi à rendre inertes pratiquement la majorité des
missiles au-dessus des villes et villages importants », ajoute le Ministre
Potvin.
« Sauf à campagne où les citoyens
ont aucun moyen de défense », annonce Charles, le jeune soldat devant une
station de contrôle. « Les comptes-rendus indiquent que plusieurs fermes
et des p’tits villages ont tout simplement disparus, laissant des cratères
derrière eux. »
« Mon Dieu ! », murmure
Virginie. « Combien de monde on va perdre ? La moitié d’la population
vit en dehors des grandes villes. J’ai jamais planifié pour une attaque aussi
absolue, c’est ma faute ! »
« Ils ont peut-être eu le temps
d’atteindre les villes et villages protégés. L’alerte a été lancée voilà deux
heures et la population était informée », affirme le Général.
« Pis nous autres, on vas-tu
disparaître aussi ? Ça prend peut-être juste un peu plus de temps ? »,
questionne Virginie alors qu’elle regarde un moniteur qui montre le nuage qui
se forme au-dessus de l’Aéroport de Bagotville. « Regarde, c’est
électrique, ou électromagnétique, des éclairs, du tonnerre, c’est assez
extraordinaire. On a pas vu ça dans nos simulations et nos tests. C’est clair
que la recette des bombes de Johnson a été modifiée. »
« Reste à attendre de voir la
réaction chimique finale, pis à espérer qu’on va encore être là », termine
le Général.
En arrière-plan Benoît Girard parle
avec sa femme :
« Mon Dieu, Maire-Céleste,
qu’est-ce que j’ai fait ? Les enfants, j’aurais dû vous laisser à
Paris ! », affirme presqu’en pleurs Benoît, devant les yeux attendris
et compassionnels de Virginie.
« Notre sacrifice est loin d’être
inutile, c’est une chose d’anéantir nos cousins québécois, c’en est une autre
d’assassiner la première famille de France », répond Marie-Céleste.
« Maintenant c’est un double incident diplomatique. »
« Vite, un
téléphone ! », crie Benoît. « C’est le temps que je me
réveille !
« Mais pense Benoît », se
plaint Virginie. « Tu veux aussi qu’ils anéantissent
« C’est la même
chose ! », lance Benoît.
« Il nous en a envoyé 10,000, tu
peux être sûr qu’il en a partout dans le monde à l’heure actuelle, des millions
peut-être, et une seule peut réduire Paris à l’infini ! », termine
Virginie.
« C’est un risque à prendre, nos
bonnes vieilles bombes nucléaires vont peut-être arriver à Omaha avant que
Johnson ait le temps de réagir », finit Benoît, tandis qu’un de ses compatriotes
lui remet un téléphone cellulaire.
« Où est Sylvain ? »,
lance Virginie à toute la salle de contrôle.
« Chu là, chu là ! »,
répond Sylvain en arrière, marchant vers elle.
« Oh Sylvain, j’ai besoin de me
sentir en sécurité en ce moment. Être Première ministre dans un Québec libre,
aujourd’hui, c’est l’enfer. »
« Mais non voyons, t’as toujours
été forte, t’as toujours porté les pantalons dans not’ relation. J’aurais
jamais été capable de faire ce que t’as faite », continue Sylvain en la
prenant dans ses bras.
« Quand j’pense que c’est une
technologie québécoise… », murmure Virginie, « pis qu’on a tous les
deux travaillé là-dessus, pis que j’ai pratiquement gagné mes élections et
accompli la souveraineté du Québec avec ça ! Ça m’enrage ! »
« Ouais, mais on aurait jamais
été assez malade pour utiliser nos bombes de l’expansion subatomique, pour nous
autres c’était juste une défense, un signal supposé empêcher l’attaque
d’aujourd’hui », affirme Sylvain.
« Pis justement, c’est pourquoi
le Président Johnson nous a attaqués. J’espère qu’on va s’en
sortir… »
Soudainement le grand moniteur montre
Montréal :
« Regardez le grand écran ! »,
lance le jeune soldat. « Les rapports de Montréal indiquent que quelque chose
se produit. Le nuage est devenu rouge vin. »
« Je veux entendre le
rapport ! », crie Virginie, pendant que Charles presse quelques
touches sur son clavier.
« Montréal ? Un
compte-rendu, qu’est-ce qui se passe ? », demande Virginie.
« Oui, ici Montréal. Comme vous savez
Montréal a été la première touchée par les missiles américains. Nos derniers
rapports indiquent que nos moyens de défense sont insuffisants, la réaction
chimique s’opère quand même ! Dans moins de deux minutes vous allez voir
en direct le résultat ! »
« Deux minutes ! »,
répond le Général Néron.
Pendant les deux minutes entièrement
silencieuses, les différents écrans de la salle de contrôle montrent différents
endroits de Montréal et l’état des gaz sur la grande métropole québécoise. Soudainement
la voix de Montréal se met à parler.
« Est-ce que la Première ministre
est là avec vous autres à Bagotville ? Est-ce que Virginie Tremblay
m’entend ? »
« Oui, chu là ! J’suis
tellement désolée ! C’était tellement imprévisible, tellement
impensable ! J’suis désolée… »
« Au contraire ! », la
voix de Montréal amplifie. « Madame
Et pendant que le nuage de Montréal
tourne au noir, quelques personnes dans la salle de contrôle, dont Virginie, incapables
de se contrôler, pleurent toutes les larmes qu’un tel rêve maintenant accompli,
mais de courte durée, signifie vraiment pour le peuple québécois. Et
soudainement, sur les écrans, le nuage explose et les écrans ne montrent que de
l’interférence.
« Rapport ! », beugle
le Général.
« Montréal vient de disparaître,
laissant derrière lui un large cratère », Charles confirme, alors que l’on
peut voir le résultat sur l’écran d’une caméra éloignée, et puis tout de suite
l’image se perd.
« Vite, je veux voir la ville de
Québec, mets-nous en communication ! », ordonne le Général Néron.
Les écrans montrent maintenant
différentes locations de la ville de Québec. Le Vieux Pont et le Pont
Jacques-Cartier avec Lévis de l’autre côté. Le Château Frontenac, l’Ancienne-Lorette,
l’Île d’Orléans, Beauport, les Chutes Montmorency. Partout un nuage chimique
rend les scènes fantomatiques.
« Le nuage est encore un rosé »,
offre Benoît Girard. « Ils ont encore quelques minutes avant la cuvée du
vin rouge et la noirceur de l’enfer. »
« Québec ? »,
questionne Virginie.
« Oui ? », répond la
voix de Québec.
« Montréal vient de disparaître,
sans doute réduite à la grosseur d’une molécule, tuant tous les habitants, de
par les armes de la théorie de l’expansion subatomique. Certainement le même
sort vous attend dans moins de quelques minutes. Est-ce que nos avions et nos
hélicoptères sont encore en train de cracher nos produits chimiques ? On
peut encore peut-être sauver la ville de Québec, ma ville natale. »
« Virginie ? », la voix
de Québec demande furtivement.
« Madame
« Non, non, Virginie, c’est mon
nom. On est tous égaux aujourd’hui. »
« Égalité, Fraternité, Liberté,
ou la mort », confirme Benoît.
« Madame
« Soldat ! », crie Virginie.
« Continuez à étaler nos armes de défense, à étaler notre gaz. Mon
Dieu ! Une canne de plus pourrait peut-être faire toute la
différence ! »
« Rien de plus peut être faite »,
répond la voix de Québec. « On crache encore, tout ce qu’on a cracher, sur
tous les Américains du monde entier, pour not’ survie, notre droit à
l’existence, presque 300 ans d’histoire depuis la chute de la ville de Québec
en 1759, la bataille des Plaines d’Abraham. 500 ans d’histoire, un
demi-millénaire en Amérique depuis Jacques Cartier. On se souvient ! On va
se souvenir ! » Après un silence : « Le nuage tourne au
rouge foncé, comme à Montréal, c’est presque noir… »
Tout le monde à Bagotville peut
le vérifier sur les écrans.
« J’ai un message à transmettre,
de tout le monde ici à la base de Valcartier », la voix de Québec annonce.
« On est fier de notre Première ministre, on est fier de not’ Virginie
Tremblay ! On est prêt à mourir, mais on meurt fiers d’être québécois,
fier de ce qu’on a faite, de c’qu’on a accompli, notre histoire québécoise. On
meurt la neuvième nation américaine, pratiquement entièrement francophone. »
« C’était pas supposé d’arriver
comme ça ! », répond Virginie. « C’est pas possible ! C’est
pas fini, c’est le début, c’est le début d'la guerre ! Tu m’entends
Québec ? Ils vont payer, jusqu’au dernier ! Aucune merci, le Québec
est en guerre contre tous les Américains ! On va gagner cet’ guerre. »
« J’ai une surprise pour vous
autres à Bagot… », murmure incertain la voix de Québec. « Quand on va
disparaître vous verrez pas de l’interférence, comme avec Montréal. Vous allez
voir nos armoiries, le blason du Québec. Trop peu de Québécois savent le
reconnaître : "Tiercé en fasce : d’azur, à trois fleurs-de-lis d’or ;
de gueules, à un léopard d’or armé et lampassé d’azur ; d’or, à une branche
d’érable à sucre à triple feuille de sinople aux nervures du champ. Timbré de
la couronne royale. Sous l’écu, un listel d’argent bordé d’azur portant la devise
'JE ME SOUVIENS' du même". J’espère ne pas oublier ma place en ce
monde. »
« La mystérieuse voix de Québec…
est un poète ! », affirme Virginie.
« Oui, un poète du Québec, même
si aujourd’hui ça veut rien dire d’être poète… », confirme la voix de
Québec. « Les seuls poètes en ce monde n’ont jamais existés qu’en France,
et seulement pendant une brève période de notre histoire. »
« Mon p’tit frère René est poète.
Mon Dieu, il vit à Londres. Il va survivre le génocide québécois… », Virginie
soudainement se souvient.
« Alors ton frère en Angleterre est
un traître », maudit la voix de Québec.
« Un traître ? René ?
Juste parce qu’il vit à Londres, parce qu’il est tombé amoureux d’un Britannique ?
Juste parce qu’il a toujours été… un fédéraliste… T’es-tu malade ! »,
chuchote Virginie. « Mon frère est pas un traître du Québec, il est not’
ambassadeur québécois à Londres, même s’il n’est qu’un ambassadeur non
officiel. Mon frère est juste un poète, un poète québécois, comme toi, comme
tous les poètes du Québec ! Une poésie de la fin des temps… », affirme
Virginie, alors qu’elle rougit, une couleur rouge vin tournant rapidement au
noir.
Alors le nuage tourne au noir, et pouf
toute la ville de Québec disparaît, laissant derrière elle un cratère de plus,
comme si c’était sur la lune, une lune non protégée contre les astéroïdes par
une quelconque atmosphère. Tous les écrans soudainement au lieu de montrer de
l’interférence, montrent les armoiries du Québec, tel qu’annoncé par la
voix de Québec.
« Eh bien, c’est final. Après
Montréal, après la ville de Québec, la suprématie mondiale du Président Johnson
est absolue. Le Saguenay-Lac-St-Jean sera la dernière victime, nos moyens de
défense ne fonctionnent pas. Tout le reste du Québec au sud de la région, est
déjà disparu », confirme le Général Néron.
« Mon frère René l’avait vu, il
l’avait prédit », affirme Virginie. « Il savait que la souveraineté
du Québec allait détruire le Canada et que les provinces canadiennes allaient
toutes être annexées aux États-Unis. Et qu’alors, notre futur québécois ne
pouvait être qu’incertain. Je me souviens qu’il disait que le fédéralisme
n’était pas si mal, alors que la moitié du Parlement d’Ottawa était pratiquement
francophone et du Québec, certainement un tiers. Il disait que jamais un
premier ministre canadien ne pouvait être autre qu’un québécois, prétendant ne
pas supporter nos valeurs québécoises afin de gagner le cœur du Canada
anglophone, alors que franchement ils n’ont toujours que supporté notre culture
et nos valeurs québécoises… y’a toujours été innocent. »
« Après un tel speech de ma
femme, je sais pas, mais j’avais l’impression qu’on allait sauver la ville de
Québec ! », reproche Sylvain Tremblay.
« Est-ce qu’on peut au moins
sauver le Saguenay-Lac-St-Jean ? », demande Virginie.
« Non », répond le Général
Néron. « Ça a pas marché à Montréal, ça a pas marché à Québec, c’est
final. On a perdu la guerre de Québec-Amérique.
« Jamais ! », répond Virginie.
« C’est le début, c’est le début de la guerre ! Oui, oui, je vois que
les écrans du Saguenay-Lac-St-Jean montrent que le nuage en est maintenant au
rouge vin, et bientôt ça va tourner au noir. Mais c’est pas la fin, c’est le début ! »
Alors sur tous les écrans montrant
maintenant les différents endroits stratégiques de la région du
Saguenay-Lac-St-Jean, on peut voir le nuage devenir rouge vin, et puis la
noirceur. Et soudainement, d’une vue aérienne extérieure à la région du
Saguenay-Lac-St-Jean, que ceux dans le nord peuvent encore voir, la région
entière disparaît instantanément, laissant derrière elle un cratère
gigantesque.
La dernière parole d’un jeune soldat
de Bagotville, au reste du monde, avant la disparition absolue de toute la
nation du Québec en 2039, se fait entendre dans le monde entier :
« Vive le Québec Libre ! »
Un dernier écho du grand Général Charles
de Gaulles en sa visite maintenant historique au Québec en 1967, où après avoir
annulé sa visite française officielle à Ottawa, après s’être arrêté à Montréal,
s’est écrié :
« Vive le Québec Libre ! »
C’était selon ses dires la seule façon
de réparer l’erreur de
9
Normandin,
Lac-St-Jean, Comté de Maria-Chapdelaine, 24 juin 1754
Le conducteur d’un tracteur routier se
dépêche d’arriver dans une zone protégée contre les missiles américains. Il
revient de
Le dernier mille est infernal. C’est
une course contre la montre, le camion trombe de toutes parts, il faut
atteindre Normandin. Et juste au moment où il atteint le nuage noir, qui
signifie la protection garantie par le gouvernement du Québec, tout va mal. Pendant
que le nuage noir disparaît en un jeu de lumière électrique impressionnant, le
derrière du véhicule articulé glisse et s’en va vers la droite, tombe sur le
côté, et une moitié précipitamment disparaît alors que l’autre moitié continue
de glisser, sur son côté, sur la route, et soudainement tombe de plusieurs
mètres de haut et s’écrase sur le sol d’un nouveau Québec, le sol de
Heureusement la cabine est retombée à
l’endroit et le conducteur sort de du camion pour constater les dégâts. Un mur
de terre de quelques mètres de haut se dessine à l’horizon, la route coupée à
la base.
« Incroyable », le
conducteur murmure à lui-même alors qu’il regarde le ciel. « Le nuage
est parti, comme dans une explosion… » Puis tentant d’observer le haut de
la petite falaise, il distingue du mouvement : « Qui est là ?
Vous avez-vu l’accident ? Qu’est-ce qui s’est passé ? »
Alors deux hommes descendent de la
falaise habillés en amérindiens, observant d’abord le conducteur puis le camion
dans le milieu de la route. Ils se mettent à toucher l’asphalte, comme surpris,
et se mettent à parler en Montagnais, une langue amérindienne de la région.
« Ici l’Île d’Alma, Normandin,
dans le comté de Maria-Chapdelaine. On est encore vivant, on existe
encore ! Mais c’est la limite, après nous le déluge ! Une vanne vient
de s’échouer de notre côté de la frontière. On vous met en contact avec le
conducteur. »
« Quoi ? », réponds Virginie
dans la base de contrôle de Bagotville.
« Une vanne vient de se briser en
deux à la frontière de notre nuage chimique à Normandin. Le conducteur affirme
qu’il ne reste plus que la moitié de sa vanne », confirme Charles, le
jeune soldat devant son ordinateur.
« J’suis en contact avec la base
de Bagot ? », la voix du CB demande.
« Ici le Général Néron à Bagotville,
alors, qu’est-ce qui s’est passé ? »
« Vous allez penser que j’suis
devenu fou. J’étais à la limite de la zone protégée, une seconde après avoir
atteint le nuage. Ma vanne s’est cassée en deux, l’autre moitié est peut-être
en haut du mur de plusieurs mètres de haut qui nous sépare maintenant du reste
du Québec. J’ai entendu à radio que c’était confirmé dans plusieurs endroits autour
du Lac-St-Jean. On s’est renfoncé dans la terre, une barrière naturelle
contre, vous allez pas le croire, des Amérindiens qui comprennent rien du
français. »
« Des Amérindiens ? Tous les
Amérindiens parlent français, ça fait longtemps qu’y ont tous été assimilés »,
affirme Virginie.
« Pas ceux-là, pis en plus, y sont
habillés en vêtements traditionnels amérindiens. Y’ont l’air fascinés par le
camion, l’asphalte, mon linge, apparemment y’ont jamais vu une radio. »
« Qu’est-ce qu’y font en ce
moment ? », demande le Général.
« Ils s’amusent avec ma lampe de
poche, on dirait qu’y ont jamais vu une lumière. »
« On peut leur
parler ? », demande Benoît.
« Attendez », répond le
conducteur du camion.
Un des amérindiens se met à parler
mais personne ne comprend son langage.
« Y’as-tu quelqu’un qui comprend ? »,
questionne le Général à la salle de contrôle.
« C’est du Montagnais, mais
j’comprends pas… », annonce un soldat.
« Y’ont l’air de comprendre le
mot "Québec" »,
confirme le conducteur.
« Kebik ! Kebik ! »,
on peut entendre les Amérindiens répéter en arrière-plan.
« "Kebik", c’est
l’ancien nom des Montagnais », annonce le soldat. « La ville de
Québec a peut-être été nommée ainsi à cause d’eux. »
« Peut-être ? »,
demande le Général.
« L’origine du nom la plus
populaire est plutôt le mot algonquin "Kebec", qui veut dire "Là
où le fleuve se rétrécit". »
« Ça fait aucun
sens ! », lance Virginie.
Barrage
hydroélectrique de Shipshaw, Jonquière
« On a un problème encore plus
important », lance Charles.
« Plus important qu’un camion
brisé en deux à Normandin et des Amérindiens qui ont l’air de sortir d’un
musée ? », demande Virginie.
« Tous les barrages hydroélectriques
de la région sont soudainement inondés. Le barrage de Shipshaw va s’écrouler ! »
« Mon Dieu ! », affirme
Virginie, « sur l’écran, vite ! Ouvrez les vannes du
barrage ! »
« Toutes ouvertes madame
« Stéphanie et Stéphane, nos enfants !
Ils arrivent de Montréal aujourd’hui par le train ! », crie Virginie.
« Sont-ils sains et saufs ? »
« Le train
Montréal-Jonquière ? », demande Charles. « J’vais tenter d’entrer
en contact. »
Lac-Bouchette
Dans le train de Montréal-Jonquière, Stéphane
écoute attentivement les annonces du conducteur : « Nous allons aussi
rapidement que l’on peut sur les rails zigzagants avant l’arrivée à Chambord au
Lac-St-Jean. Une attaque aux bombes écologiques a été lancée sur tout le
Québec. Nous tentons désespérément d’atteindre la zone de sûreté du
Lac-Bouchette, nous y sommes presque, quelques secondes encore… vous pouvez voir
le nuage noir par les fenêtres. »
Tandis que le train entre dans le
nuage, soudainement le wagon où Stéphanie et Stéphane Tremblay se tiennent est
coupé en deux. La moitié restante s’effondre sur les rails, aux cris des
passagers restants. Mais le train ne déraille pas, il s’arrête juste à temps,
il n’allait pas si vite à cause du tournant. Les passagers sortent du train et
regardent dans le début de la noirceur l’endroit où l’accident s’est produit. Le
nuage a disparu, comme si la réaction chimique avait annihilé les deux gaz qui
s’entremêlaient. Un mur de plusieurs mètres de haut sépare maintenant la
location actuelle de l’endroit où le train a été coupé en deux. Du haut de
cette petite falaise de terre, les passagers observent une forêt dense alors
qu’ils sont en plein milieu d’une ferme, où aucune forêt n’existait auparavant.
La radio fonctionne toujours, le tout est reporté directement à Bagotville.
Bagotville
« Les jumeaux sont ici ! Sylvain !
Ils sont vivants ! », s’écrie Virginie. « Un wagon coupé en
deux ? Et un mur de terre séparant notre zone protégée de la zone non
protégée ? Qu’est-ce que ça veut dire ? »
« Ça veut dire que nos moyens de
défense ont fonctionné », propose le Général Néron. « En dehors
du nuage c’est mort, l’autre moitié du train. Mais la moitié qui a pénétré
notre périmètre de défense est saine et sauve. »
« Je me demande. Qu’est-ce qui
pourrait expliquer un mur de terre de plusieurs mètres de haut ? Tout le
tour du Saguenay-Lac-St-Jean, de la région protégée », demande Virginie.
« Dieu seul le sait, mais nous
sommes encore en vie », confirme Benoît Girard.
10
Bagotville
« Avant de m’adresser directement
à toute la région, plutôt qu’avec des communiqués de presse, j’aimerais en
savoir plus », annonce Virginie. « Je pense que c’est le temps que
l’on envoie des avions en dehors du périmètre, avant la noirceur. J’aimerais
savoir si on a juste perdu contact avec la majorité des autres villes, ou si
elles sont toutes disparues comme Montréal et Québec. »
« Compris », répond le
Général. « Lieutenant-Général, on peut arrêter l’étalement des gaz
maintenant. Je veux une douzaine de jets en sortie autour du Québec pour
constater l’étendue de l’attaque américaine. Envoie aussi un destroyer,
une frégate, un navire de défense côtière et un sous-marin de patrouille le
long du Saguenay, juste au cas où George Johnson nous prépare une autre
surprise après les bombes écologiques. Ah oui, envoie aussi des hélicoptères de
secours autour du périmètre du Saguenay-Lac-St-Jean. »
« Combien de temps ça va
prendre ? », demande Sylvain Tremblay.
« Les jets sont déjà décollés,
quelques minutes seulement avant les premiers rapports et les premières
images », confirme le Général Néron.
« C’est drôle, j’avais jamais vu
le côté militaire du Québec auparavant, j’suis vraiment impressionné »,
continue Sylvain. « J’savais par Virginie qu’on s’préparait pour la
guerre, que Bagotville était maintenant pratiquement une base militaire
fortifiée, comme le port de
« Même avant la souveraineté du
Québec, Sylvain, les Forces armées canadiennes étaient assez importantes au
Québec, c’était aussi nos forces québécoises », continue le Général.
« J’ai rencontré beaucoup de civils québécois qui oubliaient vite que le
Québec avait son armée depuis longtemps, une armée qui a toujours été active
dans le monde, et pas toujours de manière humanitaire. Mais alors c’était pas Québec
qui prenait les décisions, c’était Ottawa. »
« Virginie est bonne pilote, elle
voulait être capable de piloter n’importe quel avion ou jet de l’armée. J’ai
compris pourquoi. Elle a appris tout ça dans les dix dernières années »,
affirme Sylvain.
« Je sais, j’étais un de ses
instructeurs, elle est meilleure pilote que moi par exemple », admet le
Général. « Elle était peut-être visionnaire, on va bientôt avoir besoins
de nouveaux pilotes. »
« Général, Québec 1 et Québec 2
sont au rapport, ils survolent la ville de Québec », annonce Charles
Vallée, le jeune soldat.
« Québec existe
toujours ! », annonce Québec 1. « Mais juste le vieux Québec, et
surtout les fortifications autour de la ville. On dirait… »
« On dirait quoi ? On peut
voir les images ? », demande Virginie, alors que les images vidéos
apparaissent sur l’écran.
« On dirait… », continue
Québec 2.
« On dirait le Québec du
passé… », termine Virginie. « Du temps colonial de
« Plutôt des navires de guerre à
voiles… », confirme le Général.
« Français ou
Anglais ? », demande Virginie.
« Se sont des navires
Français », confirme Benoît.
« Si on est vraiment dans le
passé, les Français ont encore le contrôle de Québec », ajoute le Général
Néron.
« J’m’y connais en histoire. Le
Château Frontenac a pas encore été construit,
« Eh, ça serait drôle, une
coïncidence incroyable, d’avoir été transporté dans le passé juste avant la guerre
de
« Il faut voir plus grand Virginie,
faut pas se limiter au Québec », répond Benoît. « En 1756 c’est le
début de la guerre de Sept Ans, c’est mondial. On pourrait changer l’histoire
de l’humanité. »
« Vous autres les Français vous
êtes aussi pires que les Américains et les Britanniques, vous rêver toujours de
conquérir et de coloniser le monde », lance Virginie.
« Et ton rêve est juste de
conquérir et de coloniser l’Amérique ? », ajoute Benoît
sarcastiquement, avec un sourire.
« Bon, bon, je l’admets »,
répond Virginie. « J’comprends que si c’est vrai, si vraiment on a été
transposé dans le passé, on va avoir une chance unique de tout changer. Mais va
falloir prendre nos responsabilités, il va falloir être humanitaire. On sera
pas là pour prendre le contrôle, créer un nouvel ordre mondial avec le Québec
au sommet de la hiérarchie. »
« On va juste avoir une Amérique
francophone… », continue Benoît.
« Oui », Virginie admet en
riant. « Bon, c’est le temps que l’on aille à Sainte-Rose-du-Nord,
aujourd’hui on inaugure la nouvelle Assemblée nationale pour faire le point
avec les ministres. Général Néron, il faut rester en communication permanente,
je veux une exploration complète du monde, je veux pratiquement une carte 3D du
monde entier. Il faut établir si toute la planète est maintenant dans le passé
ou juste le Québec. Je veux aussi établir exactement l’année, ou même la date
exacte. »
« Il va peut-être falloir aller
parler avec le monde dans la ville de Québec », demande le Général.
« D’accord, les bateaux que tu as
envoyés, ils prendront contact quand ils arriveront à Québec. Mais j’aimerais
bien prendre le temps d’avoir pris certaines décisions », ordonne Virginie.
« Pour l’instant avec les données géographiques on devrait être capable
d’établir l’année. Contacte tous les historiens de la région… et tous les chercheurs
en physique théorique aussi, j’veux des réponses avant mon adresse à la
population ! »
11
Colline
parlementaire, Sainte-Rose-du-Nord, Fjord-du-Saguenay
La nouvelle Assemblée nationale
s’étend dans toute sa splendeur au sommet de la falaise à Sainte-Rose-du-Nord,
offrant une vue superbe sur le majestueux Fjord-du-Saguenay.
« Vous avez eu le temps de
construire une nouvelle Assemblée nationale ? », questionne Gaëlle
Leroy.
« Ça fait dix ans qu’on se
prépare pour la guerre avec les Américains, on planifiait éventuellement qu’en
temps de guerre
« Mais c’est
impressionnant ! », ajoute Gaëlle. « Vous avez pas fait les
choses à moitié. »
« La politique c’est comme la
religion, si tu veux le respect des peuples et de la populace », continue
Pierre, « tu dois construire des châteaux et des cathédrales tellement
gigantesques que ça donne l’impression de toucher le ciel, le paradis, Dieu le
père ».
« Mais ça prend bien plus que dix
ans pour construire une telle Assemblée nationale ! », continue
Gaëlle. « C’est dix fois grand que le plus grand des châteaux en France,
plus grand que les pyramides… En quoi c’est fait ? En or, en diamant et en
marbre ? Mais c’est extraordinaire, ça a dû coûter une fortune !
Quelle folie ! »
« Pourquoi t’as l’air aussi
surprise Gaëlle ? Tu penses qu’au Québec on n’est pas capable de
construire une merveille du monde ? Le nouveau parlement québécois est pas
la huitième merveille du monde, c’est la première », finalise Pierre.
« Les structures sont tellement solides qu’après la disparition de l’humanité
actuelle, et qu’aucune trace de notre passage sur Terre restera, notre
Assemblée nationale du Québec sera le dernier vestige de l’humanité sur
Terre. »
« Pauvre Gaëlle, je pense qu’elle
a passé trop de temps à espionner les Américains à Omaha, elle ne s’est pas
tenue au courant de ce qui se passait au Québec », affirme Benoît.
« Pierre, arrête donc de niaiser
avec Gaëlle », ordonne Virginie. « Gaëlle, la nouvelle Assemblée nationale
est notre première tentative de construire un bâtiment quelconque en utilisant
la technologie de l’expansion subatomique, c’était pas notre intention d’en
faire not’ nouvelle Assemblée nationale, sauf en cas d’urgence ou de guerre,
c’était juste un test. Ça nous a pris 30 secondes voilà trois mois pour
construire ce qui va maintenant devenir notre nouveau Parlement. On a agrandi
une maquette faite en pratiquement tous les matériaux et alliages possibles
afin de les tester. Ça nous a pris bien plus de temps pour décorer et meubler
l’intérieur, bien que l’on ait ajouté le plus de meubles et de décorations
possibles dans la maquette elle-même. »
« Mais tu m’as jamais rien dit,
Pierre, après tout le temps qu’on a passé ensemble au Nebraska », s’étonne
Gaëlle.
« C’était top secret, t’aurais pu
être une double agente travaillant pour une nation américaine. Une telle
technologie entre les mains des présidents américains, mon Dieu, sans doute
y’auraient trouvé le moyen d’en faire une arme de guerre », ajoute Pierre
avec ironie.
« Trente secondes voilà trois
mois ? Une merveille du monde, juste un premier test ? »,
dénonce Gaëlle ébahie.
« Le miracle québécois, un
château gargantuesque Fabriqué au Québec
en trente secondes », déclare Pierre Lemieux. « C’est ça le futur que
George Johnson, le Président américain, a tenté d’anéantir. Mais maintenant on
va utiliser la même technologie pour changer le passé et le futur de l’humanité. »
« Amen », répond de facto Virginie.
« Sauf que ça a jamais été un secret, comment on aurait pu cacher ça ?
Ça a fait la une de tous les journaux au Québec, et nulle part ailleurs dans le
monde puisque les journalistes dans les autres nations américaines et en Europe
n’ont plus la liberté d’expression depuis longtemps. »
À l’intérieur, à la réception, on peut
voir un puits de lumière de plusieurs kilomètres de haut, la dernière lumière
avant le crépuscule. Un effet spiral qui monte vers le ciel laisse Gaëlle
complètement abasourdie. Enfin ils atteignent la chambre de l’assemblée, une
chambre luxueuse et gigantesque. Les ministres sont déjà présents, ainsi que
tous les députés québécois. Une section spéciale a été aménagée à l’avant pour
la délégation du gouvernement de France. Virginie Tremblay, Première ministre
du Québec, invite Benoît Girard, Président de la République française, à
s’assoir à côté d’elle devant l’assemblée. Un discours retransmis directement à
la population du Saguenay-Lac-St-Jean sur leurs téléviseurs, téléphones
cellulaires, leurs radios et l’Internet.
« Chers citoyens et chères
citoyennes, chers ministres et députés, aujourd’hui le Président américain d’Omaha,
non reconnu par les neuf nations de l’Amérique du Nord, a lancé une attaque non
provoquée sur le Québec. En conséquence le Québec et
« Vous avez vu sur vos écrans les
villes de Montréal et de Québec complètement anéanties par les bombes
écologiques que nous-mêmes avons développées. Aucunes représailles n’ont été
intentées contre le Panier de Pain parce que ça aurait été un génocide. J’étais
pas prête à commettre un nouvel holocauste en votre nom. L’avantage est que
nous avions un moyen de défense, un gaz pour tenter de rendre inerte le gaz
supposé réduire toutes les villes du Québec. Nos services secrets, enfin ceux
de
« Car voici la nouvelle du jour
chers Saguenéens et Saguenéennes, chers Jeannois et Jeannoises… Bienvenue en
1754 ! Il semble que le mélange des gaz ait eu un effet secondaire
imprévisible, il semble que toute la région du Saguenay-Lac-St-Jean ait été
transportée dans le passé en l’année 1754.
« L’année est-elle une
coïncidence ? À mon avis c’est l’année que la plupart des gens de la
région aurait choisie si jamais le voyage dans le temps était possible. J’ai
été élue Première ministre parce que je suis ingénieure mécanique, parce que
j’ai étudié la physique théorique, parce que j’ai aidé au développement de la
technologie basée sur la théorie de l’expansion subatomique. Aujourd’hui je ne
vais pas vous cacher mes pensées, je cherche des réponses et il faut que tous
les théoriciens en physique théorique et les philosophes s’assemblent pour
discuter la question.
« Avec la venue de la théorie de
l’expansion subatomique de Mark McCutcheon, dans son livre
« Cette expansion subatomique
nous a également permis de construire des armes chimiques de réduction de la
matière et une technologie d’agrandissement de la matière prouvée par la
nouvelle architecture de notre nouveau Parlement à Sainte-Rose-Du-Nord.
Plusieurs villes québécoises non protégées sont sans doute aujourd’hui réduites
à la grosseur d’un atome, et probablement les habitants sont maintenant morts,
sans réserve d’oxygène également réduite avec eux tel qu’un sous-marin ou un
vaisseau spatial aurait permis. Presque un quart du Québec est maintenant mort
en 2039.
« Pour le sort des autres villes
et régions protégées, comme pour Montréal et Québec, nous avons raison de
croire que comme nous elles se sont retrouvées dans le passé ou le futur, cependant
dans des mondes parallèles au nôtre, sinon nous aurions trouvé des traces de
leur existence dans nos derniers survols du Québec. Nos dernières analyses
prouvent qu’il n’existe aucune raison pourquoi nous aurions été sauvés mais pas
les autres villes du Québec. Notre moyen de défense aurait dû fonctionner
partout, et sans doute ça a fonctionné, avec des résultats surprenants et
imprévisibles.
« Nous avons maintenant la preuve
que le voyage dans le temps existe, mais pas encore que les mondes parallèles
soient une réalité. J’ai cependant un aveu à vous faire, je peux maintenant
l’avouer publiquement. Voilà dix ans lors du jour de ma victoire, après m’avoir
sauvé la vie, le Premier ministre a eu le temps de me dire, juste avant de
mourir, que son savoir que j’allais être assassinée par George Johnson
provenait du voyage dans le temps et de l’existence de mondes parallèles. Il a
même prédit avec justesse que j’allais faire une fausse couche 17 jours plus
tard à 18 heures. Il existe d’autres raisons pour justifier ce que je dis ici,
mais aujourd’hui n’est pas le moment d’élaborer. Il est possible que des
voyageurs du futur soient parmi nous, ou provenant de mondes parallèles. J’espère
juste qu’ils soient québécois et qu’ils sortent de l’ombre, nous avons besoin
de leur savoir.
« Comment expliquer non seulement
le voyage dans le temps mais aussi l’existence de mondes parallèles ? Il
n’y a rien dans la physique théorique de l’expansion subatomique qui puisse
l’expliquer. Car si la théorie a détruit Newton, elle a également anéanti
Einstein et sa théorie de la relativité. Le temps n’est plus une variable d’un
continuum de l’espace-temps, et la gravité ne s’explique plus par une
distorsion de l’espace-temps. De plus, il est maintenant prouvé que la
mécanique quantique était une erreur, il n’existe plus cette idée qu’une particule
puisse se retrouver à plusieurs endroits au même moment, ou une fonction d’onde
de Schrödinger représentant une infinité de réalités parallèles qui existent
toutes au même instant.
« C’est ailleurs qu’il faut
maintenant chercher une explication au fait que nous soyons en 1754 dans un
monde parallèle à celui de 2039. Et l’année nous l’indique, 1754 soudainement
nous montre, selon ma propre opinion du moins, que nous avons le pouvoir
d’influencer la réalité peut-être juste par la pensée, comme si la réalité ne
serait pas plus réelle que celle qu’un ordinateur est capable de créer. On
parle peut-être de la création spontanée de mondes virtuels qui peuvent changer
à tout instant, et même plusieurs mondes virtuels qui existeraient en même
temps. Comme si notre existence ne serait qu’une simulation créée par une autre
civilisation extérieure à notre monde simulé, et qu’il existerait des moyens de
hacker le système.
« Il existe plusieurs théories sur
le sujet qui ont beaucoup gagné en popularité dans les dix dernières années. Il est possible que nous ayons
maintenant une technologie capable de voyager dans le temps, de créer de
nouvelles réalités, où la volonté et la pensée jouent un rôle important. Si
vous avez de meilleures explications à offrir, veuillez nous contacter. Pour
l’instant nous sommes prêts à considérer mêmes les idées les plus saugrenues. Mais
ça va prendre du temps pour confirmer ces idées et de développer cette
technologie, et aujourd’hui nous avons des problèmes beaucoup plus sérieux à
considérer.
« Les élections nationales ont
été cancellées pour l’instant, si tout va bien elles ne seront reportées qu’à
l’an prochain. Notre économie régionale vient de s’écrouler. Le gouvernement
vient de mettre en action un projet d’urgence de rationnement d’à peu près tout,
jusqu’à ce que l’on puisse établir l’inventaire de nos avoirs, de nos besoins
et notre capacité à produire ce que l’on importait d’ailleurs. Les prochains
jours seront difficiles, mais notre futur est garanti. En 1754 nous avons
beaucoup à apporter au monde entier et nous avons un monopole unique dans à peu
près tous les domaines.
« À partir de maintenant tous les
magasins sauf les dépanneurs sont fermés mais tous les employés doivent aller
au travail demain pour faire l’inventaire avant de rouvrir avec notre système
de rationnement. Veuillez simplement suivre les procédures d’urgence que l’on a
déjà préparées et que tout le monde dans la région devrait déjà avoir reçues.
On était préparé pour la guerre, il ne devrait donc y avoir aucun problème
majeur. Inutile de paniquer et de tout acheter en gros, on était prêt, on a
suffisamment de ressources pour tout le monde.
« On a aucun problème d’électricité
ou d’énergie, mais dans les prochains jours on va quand même agrandir notre
maquette d’une tour Tesla qui deviendra une source d’énergie pratiquement
infinie en prenant l’électricité directement dans l’ionosphère, qui transmettra
alors cette électricité sans fil à tous nos appareils ménagers et autres
systèmes convertis pour une telle technologie. La conversion est simple, aucune
raison de s’inquiéter.
« Toute la technologie qui
utilisait encore le système de satellite ne fonctionne plus, il n’existe plus
aucun satellite dans l’espace. La plupart de la région est déjà convertie à la
nouvelle technologie qui utilise tout simplement n’importe quelle source de
lumière ou n’importe quel signal radio ou n’importe quel champ d’énergie pour
s’étendre partout dans le monde instantanément sans besoin d’antenne, de
satellite ou de câble. Je parle de la technologie issue du phénomène de
l’intrication quantique que nous avons résolue lorsque vue de la perspective de
l’expansion subatomique. Où une source de lumière envoie dans toutes les
directions un amas impressionnant d’électrons qui s’agrandissent rapidement,
mais qui ne sont jamais séparés les uns des autres même après des années
lumières. Et par le phénomène du pendule de Newton, lorsque l’on cogne la
première bille d’une série de billes, instantanément la dernière rebondie. Ainsi
une communication instantanée dans tout l’univers est maintenant possible. Et
comme cette technologie a été développée dans la région du Saguenay-Lac-St-Jean,
nous avons certainement un grand inventaire de téléphones lumières, de
télévisions lumières et d’ordinateurs lumières, le tout sans fil. Ces magasins
demain seront ouverts, et la technologie sera distribuée gratuitement à la
population non encore convertie à la nouvelle technologie.
« En préparation pour la guerre
nous avons copié entièrement le contenu de l’Internet dans toutes les langues
et de tous les pays, sauf les contenus protégés qui requièrent des
identifications et des mots de passe. Donc l’Internet devrait normalement fonctionner
comme avant avec quelques exceptions près. Veuillez visiter le site du Gouvernement
du Québec afin de vous tenir au courant des événements et de nous transmettre
vos idées, vos besoins immédiats, vos peurs.
« D’après nos dernières données
il n’existe aucun danger à l’intérieur de la frontière du Saguenay-Lac-St-Jean,
et tout le périmètre est sous haute surveillance. Je vous invite donc à passer
une bonne nuit parce que demain matin c’est un nouveau jour, c’est la
renaissance de
« Bon ben moi, Sylvain et les
jumeaux on s’en va chez ma mère à Alma. En ce qui concerne les députés et les
ministres du reste du Québec qui ont pu être évacués dans la région avant
l’attaque, ainsi que la délégation de
12
Alma,
chez Nicole Girard, la mère de Virginie Tremblay
« Oh Ma, tu peux pas t’imaginer
la journée d’enfer qu’on a eue », annonce Virginie.
« Ben voyons, on écoute les
nouvelles depuis le début d’la guerre, on n’est même pas sorti d’la
maison », répond Nicole. « Mais ton père, sa femme Ginette et son
fils Éric sont arrivés de Chicoutimi voilà environ deux heures, les jumeaux sont
ici, ton grand-père Benoît, ta tante Sonia, y manque juste ton frère René. Mais
lui ça fait dix ans qu’y’est pas r’venu de Londres, alors y nous manquera pas
plus que d’habitude. Dans la famille Girard on a perdu personne, tout le monde
était dans région. Du côté des Tremblay vous avez perdu au moins la moitié d’la
famille, ceux qui vivaient à Québec, à Montréal ou ailleurs, mais on était pu
tellement proche. Donc pas de funérailles à soir, OK ? »
« Où sont les enfants ? »,
demande Sylvain alors que Stéphanie et Stéphane, qui ont maintenant 18 ans, sortent
du salon pour marcher vers l’entrée. « Stef et Stef, v’nez icitte ! »
« Pa ! », répond Stéphane
en serrant son père dans ses bras. « T’aurais dû voir, on était dans le
wagon de train qui a été coupé net en deux, on pensait qu’on allait mourir ou
disparaître ! »
« J’imagine », réponds Virginie
les larmes aux yeux alors qu’elle serre dans ses bras Stéphanie.
« J’espère juste que c’est pas ma faute, que j’suis pas responsable d’un
tel bilan. Tellement de québécois et de québécoises sont morts aujourd’hui… »
« T’auras ben le temps d’y penser
dans l’avenir, pour l’instant prenez-vous un verre de vin ou une bière, allez vous
asseoir dans le salon, le souper est presque prêt », rassure Nicole.
« Salut tout le monde, Grand-Pa,
Pa », annonce Virginie alors qu’elle entre dans le salon avec Sylvain et
ses enfants, alors que son père déplie des chaises en bois pour les nouveaux
venus. « Vite Pa, comme d’habitude j’ai besoin de ta sagesse, j’ai aucune
idée de ce que j’fais. Qu’est-ce t’en penses ? »
« Tu te débrouilles très bien,
j’étais vraiment fier de ma fille aujourd’hui », déclare Roland Tremblay
avec un sourire ironique. « Pis si c’est ta faute, la guerre, les morts,
l’isolation du Québec, le transfert en 1754, ben ce s’ra ta faute pis c’est
toute. On va survivre. »
« Très encourageant »,
continue Virginie. « Tu trouves toujours le moyen de réduire tout ce qui
est important dans nos vies à une blague. Mais c’est sérieux, là, j’ai déclaré
la guerre avec une nation américaine aujourd’hui, j’vas peut-être même causer
la destruction d’
« Mais c’est ça être Première
ministre d’un Québec souverain », affirme Roland. « Ton demi-frère Éric
aurait pu te l’dire, combien d’années y’a passé dans les jeunes libéraux du
Québec pis à Ottawa. Ça vient avec la job, pis j’suis certain que personne
d’autre aurait mieux fait que toi dans les circonstances. »
« Justement Éric, je pense que
j’vais avoir de la job pour toi dans les prochains jours », confirme Virginie.
« Qu’est-ce que t’as en
tête », demande Éric Gagnon.
« J’le sais pas encore, mais y va
falloir se monter une nouvelle Organisation des Nations unies temporaire avec
les étrangers d’la région, avant de pouvoir convaincre les autres pays d’élire
leurs représentants. Avec 500,000 habitants dans région on doit avoir
pratiquement du monde de tous les pays ? J’me souviens par contre d’avoir
lu des statistiques qui disaient que moins d’un pourcent d’la population était d’origine
autre que québécoise, c’est pas beaucoup. C’est pas qu’on était pas
multi-culturaliste au Saguenay-Lac-St-Jean, j’ai tout fait pour encourager les
étrangers à venir s’établir dans région. C’est juste que l’immigration a jamais
voulu emménager au Pôle Nord ou en milieu aussi 100 % francophone. J’avais
l’intention de te mettre en charge du projet, il faut que ce soit fait
indépendamment du gouvernement québécois. »
« Mais voyons, y va encore avoir
un conflit d’intérêt, c’est ton demi-frère », ajoute Sonia Girard, la tante
de Virginie.
« Mais non, il est
parfait », défend Ginette Bouchard, la mère d’Éric Gagnon d’un autre
mariage et la demie-mère de Virginie. « Tout le monde sait qu’il était le
candidat qui a perdu contre elle aux deux dernières élections, leur opposition
est légendaire. Éric a toujours été fédéraliste, il a jamais voulu la
souveraineté du Québec. Son parti s’est maintenant désintégré. Les Nations
unies, c’est comme une fédération, ou une confédération de pays,
non ? »
« L’idée est géniale », se
réveille soudainement Éric. « Mais oui, c’est que’que chose que j’peux
faire. »
« Si les ministres sont d’accord,
j’en ai pas encore parlé à personne », continue Virginie. « Mais
c’est clair que j’ai jamais été une politicienne, avant tout je suis ingénieure.
Entre Éric et moi, c’est le lui le charmeur, l’organisateur, celui qui est
capable d’emmener les différents partis à table de négociation et de partir un
nouveau parti politique ou un gouvernement complet. Même si y’a jamais eu sa
chance en tant que Premier ministre. Moi tout m’a été donné depuis le début,
j’ai jamais eu besoin de charmer personne. J’ai jamais réussi qu’à aliéner tout
le monde. »
« C’est sa faute aussi, y voulait
être Premier ministre du Canada », continue Ben Girard, le grand-père de Virginie.
« Après la souveraineté y’a dû se résoudre ou se limiter au titre de
Premier ministre du Québec. Pis c’est vrai qu’il a toujours été un meilleur politicien
qu’toi, ma petite Virg, parce qu’y’a toujours accepté les pots-de-vin. »
« Ma politique a toujours été
claire et transparente dans les dix dernières années, aucune corruption
politique à aucun niveau », affirme Virginie comme piquée à la seule
mention de pots-de-vin. « J’ai même tout fait pour assurer une vraie
démocratie, en me débarrassant de ceux qui ont été en politique trop longtemps
et qui justement vivaient dans un monde de graissage de pattes. J’ai même
encouragé les nouveaux venus aux dernières élections, peu importe le parti
politique. Ça va pas changer aujourd’hui. »
« J’ai jamais été corrompu, j’ai
jamais accepté de pots-de-vin », admet Éric. « Je suis juste très
compétent pour obtenir les fonds nécessaires à une campagne électorale ou pour
des projets divers, tout était légal et a été déclaré. Mais là c’est ben
différent, recréer une nouvelle Organisation des Nations unies. C’est presque effrayant. »
« On va pouvoir en reparler
demain », finalise Virginie. « Éric, demain matin tu viens avec nous
autres à l’Assemblée nationale. »
« Bon, maintenant tu peux nous
raconter ce qui s’est vraiment passé à Omaha », demande Roland tandis que
son ex-femme entre dans le salon avec des hors-d’œuvre qu’elle dépose sur la
table. « On est curieux de comprendre comment l’issue d’une telle
rencontre s’est terminée avec 10,000 missiles lancés sur le Québec. »
« Mon mal de tête vient d’r’venir ! »,
crie Virginie.
« Ben plus important encore, on
veut toute savoir de ton nouveau chum Benoît Girard et votre nouvelle union
Québec-France, les journaux en parlaient encore à matin à la une. La
mariée est pu vierge, ça va devoir être un mariage célébré en noir »,
lance Benoît.
« Virginie et Sylvain sont même
pas mariés ! », contre-lance Roland. « Y’ont juste le même nom
de famille. Tout le monde au Saguenay-Lac-St-Jean sont des Tremblay ou des
Girard. »
« Deux enfants pis pas encore
mariés ? Les couples modernes… C’est un mariage en enfer qu’y va falloir
célébrer ! Maudits communistes ! », continue Benoît avec un
large sourire.
« Écoute-le pas, Virg »,
répond Nicole en riant. « Toute la journée y’a été énervé et excité parce
que le Président français a le même nom que lui. Y pense que c’est notre
ancêtre direct, la même famille. »
« Ça doit ben faire 300 ans que
le premier Girard est arrivé au Québec », continue Sonia.
« Justement », affirme Virginie.
« Le premier Girard est peut-être pas encore arrivé au Québec. On m’a
maintenant confirmé qu’aujourd’hui c’est le 24 juin 1754. Pis si on fait pas
attention, le premier Girard n’arrivera peut-être jamais au Québec. Par contre
le premier Tremblay est déjà arrivé. Il faut que j’trouve un arbre généalogique
d’la famille, si on veut assurer not’ existence familiale… »
Tout le monde devient complètement
sérieux. Puis après quelques secondes tout le monde éclate de rire devant
l’absurdité de la situation.
« Mais dans ce cas-là, notre
famille va juste disparaître ? », demande Benoît, redevenant sérieux.
« Non, non… À mon avis, et je
suis l’experte sur le sujet apparemment, le Québec de 2039 est exactement comme
on l’a laissé. Une lune pleine de cratères », répond Virginie.
« Notre nouvelle ligne du temps est tout à fait unique, c’est comme une
nouvelle création, une nouvelle réalité. On peut pu rien changer d’la réalité
actuelle. On peut facilement retourner dans le passé, tuer son grand-père, et
continuer à exister comme si ça avait aucune importance. Il existe maintenant
autant de nouveaux mondes qu’il existe de villes québécoises qui se sont
retrouvées dans le passé ou le futur. C’est même possible que certaines villes
québécoises soient réapparues exactement le 24 juin 2039, mais dans des mondes
parallèles. Si du moins je peux croire l’ancien Premier ministre qui m’a sauvé
la vie. Il devait en savoir ben plus que n’importe qui, je me demande comment.
J’donnerais cher aujourd’hui pour avoir parlé avec lui plus longuement. »
« Ben c’est toi l’ingénieure, tu
dois ben savoir où on en est rendu », lance Sonia. « Eh, on a voyagé
dans le temps, toute la région, c’est que’que chose… »
« La tourtière est prête, on est
prêt à souper, à table tout le monde ! », déclare Nicole.
13
Chambre
du Conseil des ministres, Assemblée nationale, Sainte-Rose-du-Nord, 25 juin
1754
« Ça roule, on filme, vous pouvez
commencer ! », annonce une voix sur la galerie du haut des longs
piliers de
« Est-ce que c’est moi qui ait eu
l’idée d’autant de transparence, que chaque réunion des ministres doit être
transmise en direct sur le canal 700 quelque chose ? Aujourd’hui
j’aurais apprécié un peu plus d’intimité », commence Virginie assise au
bout de la table composée de tous les ministres et du Président français.
« Bon, bon, on commence par Claude, le Ministre de l’agriculture, des
pêcheries et de l’alimentation. J’ignore combien de poules et de vaches ont
survécu à l’attaque, ou de fermes, mais j’ai l’impression qu’on va manquer de
lait, de crème, de beurre et d’œufs frais très bientôt, avec une population de
500,000 à nourrir. Mon père survivra pas longtemps sans son fromage en crottes. »
« Justement », commence Claude,
le Ministre de l’agriculture. « Il faut planifier pratiquement une mission
militaire pour acheter des vaches, des poules, des cochons et d’autres animaux
afin de repeupler nos futures fermes. Sinon on peut toujours commencer un
projet de clonage d’animaux de fermes, mais l’idée est pas tellement attirante.
Les terres sont arables à l’extérieur du périmètre, mais il va falloir
défricher les forêts et replanter. Heureusement il existait tout de même
beaucoup de fermes à l’intérieur du périmètre, et on a la machinerie nécessaire
pour tout reconstruire. On peut avoir beaucoup planté en moins de deux semaines. »
« Il nous faut de l’argent, de
l’or peut-être, ça peut être échangé partout dans le monde de l’or »,
continue Virginie. « J’ai comme l’impression que si on prenait une balle
d’or agrandie via nos machines de l’expansion subatomique, ils vont voir la
différence et affirmeront que ce n’est pas de l’or. Il va falloir créer un
nouveau ministère minier. Identifier toutes les mines d’or et d’autres
matériaux et métaux dans le monde, et commencer le minage. En fait, il est
important d’identifier ces sites dès aujourd’hui et d’envoyer des militaires
pour protéger et préparer ces sites, et les faire reconnaître en notre nom
auprès des autorités compétentes. Il va falloir encourager une immigration vers
les mines, de préférence des Français de 1754, et bien rémunérer les
travailleurs, pas d’esclavage. Il faut commencer la production de la machinerie
nécessaire. Contactez l’Alcan et tous les bureaux d’ingénieurs conseils de la
région. Où est mon secrétaire ? Ah André, tu prends note ? »
« Oui, oui, Virg, j’prends
note », annonce André.
« Pas besoin d’un ministère
minier, c’est ma responsabilité, le ministère des ressources naturelles et de
la faune », affirme Nathalie insultée.
« Eh ! C’est mon domaine, le
ministère des finances ! », lance Raymond.
« Bon, bon, tous les deux vous
vous en occupez », ordonne Virginie. « Coordonnez avec Bagotville, il
nous faut de l’or le plus vite possible, mais on a déjà une bonne réserve de
toute manière. Ça va faire l’affaire pour l’instant. Envoyez des délégations
anonymes pour acheter des animaux de fermes et tout autre chose dont nous avons
besoin, n’importe où dans le monde, on va ramener tout ça ici en avion, va
falloir être discret pour l’instant. Autre chose Nathalie ? »
« Des ressources naturelles, en
veux-tu en v’là. J’allais justement proposer un plan pour protéger nos
ressources naturelles et les ressources naturelles mondiales avant que tout le
monde commence à tout détruire. On peut maintenant amener notre nouvelle
technologie au monde entier et assurer la sauvegarde des ressources naturelles
du monde. On a une chance unique de sauver et d’offrir à la faune un paradis
naturel qui durera une éternité. On a plein d’idées. »
« J’avais pas fini »,
continue Claude, le Ministre de l’agriculture. « Je pense que la phase
d’essai de l’agrandissement de la nourriture est maintenant terminée. » Il
clique des doigts et soudainement deux hommes déposent sur la table un bol de
verre gargantuesque contenant quatre bleuets géants. « Voici le nouveau
symbole de notre nouvelle nation, quatre bleuets gigantesques, significatif de
« Es-tu bien certain que l’on
puisse digérer aisément de la nourriture composée de molécules aussi
agrandies ? », demande Virginie inquiète. « J’ai jamais vu des
bleuets aussi gros… »
« Les tests sur nos volontaires
ont été concluants. Non seulement j’en suis certain, mais en plus on va
éradiquer la famine mondiale de 1754. On est déjà en train de fabriquer des
fours chimiques d’agrandissement de la nourriture », confirme Claude.
« Bien, mais seulement pour les
nations qui vont accepter d’envoyer des délégués à notre nouvelle Organisation
des Nations unies, et qui respecteront notre charte des droits et libertés, et
notre nouvelle constitution mondiale d’un monde uni dans la paix et la
fraternité. Pour l’instant on va utiliser l’éradication de la famine et de la
pauvreté des nations comme levier politique pour assurer la paix et la
modernité dans le monde. Ça semble immoral mais c’est nécessaire à long terme
pour le nouvel ordre mondial que j’ai l’intention de créer en 1754. Mon
demi-frère Éric va être en charge de créer la nouvelle Organisation des Nations
unies, à moins qu’il n’y ait une objection ? Personne ? Bon
c’est réglé. Autre chose ? »
« Faudrait une route vers la
ville de Québec et une autre vers Montréal », affirme Julie, la Ministre
des transports.
« Deux autoroutes asphaltée donc,
il faut commencer maintenant, et entre-temps le plus rapidement possible des
routes de gravelle vers ces villes et les colonies anglaises qui nous entourent »,
confirme Virginie. « Bien que pour l’instant, avec de telles flottes
navales et aériennes à notre disposition, c’est pas tellement inquiétant. Autre
chose ? »
« Les affaires autochtones »,
annonce le Ministre des Affaires autochtones.
« Ah oui, il va falloir entrer en
contact avec eux, établir une communication, comprendre ce qu’ils veulent et le
leur donner », annonce Virginie. « Pour l’instant ça a pas besoin de
devenir un problème. Mais ça va devenir une question importante. On va pas
répéter les erreurs du passé. Pierre tu t’en occupes. Et l’autre Pierre, tu as
quelque chose à nous dire ? »
« En tant que Ministre des Relations
internationales et de la francophonie, en effet je propose de nous rendre à
Québec aujourd’hui même pour leur signifier non seulement notre aide dans leur
guerre contre les Anglais, mais aussi assurer une paix durable entre toutes les
nations du monde, en une Amérique du futur francophone », confirme Pierre.
« Je suggère aussi de se rendre
en France et d’entrer en contact avec le Roi », annonce Benoît Girard,
l’ex-Président français.
« Tu as encore l’intention d’être
le Président de France, Benoît ? », demande Virginie.
« Nous verrons. Mais pour
l’instant ce qui est inquiétant est que dans les prochaines années les Anglais vont
prendre d’assaut la ville de Québec et tous les forts français en Amérique,
nous sommes en 1754. Dans moins de deux ans commence la guerre de Sept Ans,
pratiquement la vraie Première guerre mondiale. Je n’ai aucune intention de
voir les Britanniques encore une fois prendre le contrôle de toutes les
colonies françaises et espagnoles dans le monde. »
« Non parce que personne va
prendre le contrôle d’aucune colonie », affirme Virginie, devant un
Président français bouche bée. « Il n’y aura plus aucune colonie dans le
monde. C’est fini les guerres et les occupations. On verra cependant pour la
colonisation des Amériques, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, encore là
il existe la question des autochtones. On a besoin d’un Ministre de la guerre
et de la paix, ça j’suis sûre qu’on n’en a pas un. Pratiquement une chirurgie
militaire qu’il nous faut. Je propose que le Général Néron s’en occupe, j’ai la
preuve maintenant que c’est un homme humanitaire. Des objections ?
Non ? Bon c’est réglé. Ça suffit, vous êtes organisés, vous savez ce que
vous avez à faire. Veuillez préparer un hélicoptère ministériel, on s’en va à
Québec. »
« Euh, moi aussi ? »,
demande un Président français mal à l’aise.
« Bien sûr Benoît, j’ai besoin d’toi.
On s’en va rencontrer les représentants du Roi français en Nouvelle-France, et
leur proposer une aspirine qui va régler tous leurs maux de tête. Mais j’ai
l’impression que quand on va tenter d’les convaincre que l’on vient du futur,
ça va être une pilule difficile à avaler. Oublie pas que sans doute ils parlent
exactement comme les Québécois parlent aujourd’hui, l’ancien français colonial.
Le français littéraire parfait que tu utilises, celui d’une génération future,
existe pas encore en 1754. Personne parle un tel français aujourd’hui, il va falloir
que tu me laisses négocier », termine Virginie d’un air moqueur.
14
Au-dessus
des Parc des Laurentides en direction de la ville de Québec, 25 juin 2039
« C’est là que l’Étape se situait… »,
affirme Virginie en regardant par la fenêtre d’un des cinq hélicoptères qui
représentent la délégation du futur prête à rencontrer le passé de 1754 dans la
ville de Québec. « L’Étape pour moi et mon frère ça représentait tout, la
moitié du chemin entre Québec et Alma quand on allait visiter nos
grands-parents au Lac-St-Jean. Un voyage interminable en auto dans les
montagnes, on montait et on descendait pendant trois heures et demie. On était
toujours malade, mon père devait arrêter partout pour qu’on vomisse le long d’la
route. On devait prendre du Gravol, aujourd’hui j’suis convaincue que c’est l’Gravol
qui nous rendait malade. Apparemment ils ont découvert plus tard que le diménhydrinate,
ça avait des propriétés hallucinogènes. Hé qu’on savait rien dans c’temps-là. »
« Aujourd’hui j’imagine que trois
heures et demie ça paraît pas aussi long ? Aujourd’hui, je veux dire
jusqu’à hier », ajoute Benoît.
« La route était bien meilleure
hier », se souvient Virginie. « Mais le Parc des Laurentides a
toujours été meurtrier, j’ai perdu beaucoup d’amis dans le parc dans ma
jeunesse. Sans compter les légendes de fantômes qui font du pouce le long d’la
route. Apparemment ils veulent que tu fasses un accident aussi, que tu
meures et que tu les joignes dans l’au-delà. En plus, j’suis une folle d’la
vitesse, ça m’prenait juste une heure traverser le Parc des Laurentides en auto
quand j’avais pas les jumeaux avec moi. Pour les autres à vitesse normale ça
prenait deux heures et demie. Une fois j’ai même eu un accident assez sérieux, c’était
infernal. De Montréal je me suis d’abord rendu à Ottawa pour aller chercher mes
affaires laissées-là après mes études, puis le retour à Montréal, puis la ville
de Québec après avoir visité l’Ancienne-Lorette où j’ai habitée dans ma
jeunesse, pis le Parc des Laurentides à trois heures du matin. Je pense que
c’était en plein mois de juillet, l’été en tout cas. Puis soudainement en plein
milieu des montagnes j’ai rencontré d’la neige et d’la glace à 180 kilomètres
heure. J’devais avoir 24 ans je pense. J’suis convaincue que j’suis morte dans
l’parc à cet instant mais que j’ai quand même survécue quand, à la dernière
minute, j’ai vu mon futur. J’ai lâché le volant pour me protéger la tête,
un acte insensé qui m’a sans doute sauvé la vie. Ma main était en sang,
exactement où ma tête aurait dû cogner la vitre de l’auto. »
« Morte dans des univers
parallèles ? », demande Benoît. « Tu penses encore qu’il existe des
mondes parallèles, mais ta théorie de l’expansion subatomique vient de détruire
la mécanique quantique, il n’existe plus d’autres réalités qui existent en
parallèle de la nôtre. »
« Et pourtant si le voyage dans
le temps existe, Benoît, il faut bien admettre l’hypothèse des mondes
parallèles, pour contourner ces théories des paradoxes du temps. Tout le monde
existe encore, je n’ai vu aucun paradoxe, aussi loin que l’on puisse voir et se
souvenir des événements », affirme Virginie. « Il est possible qu’il
n’existe qu’une seule réalité, qu’une seule ligne du temps, et maintenant nous
la changeons et le futur que l’on connaît n’a jamais existé, n’existera jamais.
Mais j’ai pas cette impression. Benoît, voilà dix ans sur le podium du Palais
des sports de Jonquière, j’ai eu un déjà vu vivide. L’ex-Premier ministre était
pas là, il n’aurait pas dû être là, j’allais être assassinée. Il le savait, ne
me demande pas comment, mais il le savait. Il m’a dit que j’allais
comprendre dans moins d’une minute pourquoi il s’avançait vers le podium avec
moi. Il s’est jeté sur moi pour me protéger, avant même que les coups de feu se
fassent entendre. »
« Mais il t’a dit qu’il avait des
renseignements de ses contacts aux États-Unis, il le savait que le Président
Johnson planifiait ton exécution. »
« Le Québec a jamais eu de
service secret ou d’espions d’la couronne à
« Comme tu es certaine que dans
ton accident de voiture voilà des années, juste en bas, tu sois morte ? »
« Oui, pourquoi pas, exactement.
Ça me laisse froide, vide, comme si j’avais perdu une grande partie de ma
force, de moi-même. Les mondes parallèles n’existent plus parce que la
mécanique quantique n’existe plus. Mais j’ai l’impression que la réalité du
monde est loin d’être aussi matérielle qu’on le pense. On crée notre réalité
Benoît, on crée notre futur, comme un ordinateur fait quand il crée des mondes
virtuels. On a le même cerveau que les machines, un est fait de carbone et
l’autre de silicone, mais ça fonctionne exactement de la même manière, ça crée
ce que ça veut, ce que l’on programme que l’on veut. C’est pourquoi on est
exactement en 1754, une année tellement propice pour
« Tu penses que c’est ta destinée
d’être encore en vie. Mais si t’étais morte le jour de tes élections, on aurait
évité la guerre, l’enfer dans lequel on vit à l’heure actuelle. Quel intérêt
alors de te sauver ? As-tu pensé à ça ? », demande Benoît.
« Ben oui j’y ai pensé. Les
seules personnes capables d’éviter mon assassinat le soir de mes élections,
sont ceux qui existent parce que j’ai survécue. Sans moi il n’y aurait pas eu
de souveraineté, il n’y aurait pas eu de guerre, il n’y aurait pas eu de voyage
dans le temps. Pourtant on m’a sauvée, c’est donc qu’il existe au moins un monde
parallèle où j’ai survécue. Et ils sont retournés dans le passé pour maximiser
les avenues où le voyage dans le temps sera possible, pour assurer leur propre
existence. Bien sûr ceux du futur, de notre futur actuel, ne peuvent pas, ne
veulent pas conceptualiser une existence radicalement différente de la leur.
Eux seuls pouvaient me sauver, eux seuls voyaient la raison de me sauver la
vie, pour assurer leur futur. J’existe juste pour eux aujourd’hui. Mais
peut-être as-tu raison, il aurait peut-être mieux valu que je meure voilà dix
ans. Le voyage dans le temps doit être considéré comme dangereux, même pour le
Québec libre du futur. Si jamais un président américain mettait sa main sur une
telle technologie, on n’aurait aucune chance de survie hier, aujourd’hui ou
demain. J’espère qu’ils en sont conscients dans le futur et que c’est un secret
durement gardé. »
« Tu n’as tout de même pas
l’intention d’annoncer ça au représentant français à Québec ? »
« Non, non. J’suis pas folle
quand même. Ça va déjà être impossible de les convaincre que l’on vient du
futur, j’vas pas commencer à leur parler de théosophie et de philosophie. »
« Théosophie ? »
« Manière de parler… J’crois pas
encore en Dieu, sinon, c’est moi-même qui suis Dieu et je crée cette réalité et
tout autre monde parallèle comme bon me semble, car il n’existe que moi dans
tout l’univers, un univers qui n’existe que dans ma tête, comme dans un de mes
rêves. J’en suis capable de tels rêves, j’ai beaucoup lu de science-fiction
dans ma vie, mes rêves sont forts complexes, crois-moi. »
« Pfiou ! »
« Oui, pfiou ! Enfin on
arrive à Québec, il était temps, avant que je ne devienne complètement folle aliénée
mentale. »
15
Ville
de Québec, enceinte fortifiée, 25 juin 1754
« Suivez-moi ! »,
annonce le soldat de 2039 arrivé la veille sur le sous-marin, alors qu’une
délégation le suit. « Depuis hier on a déjà expliqué la situation au
Français en charge, comme on a pu. Il avait des doutes c’est certain, mais
après avoir visité le sous-marin, il a dû admettre qu’on disait peut-être la
vérité. Y’avait jamais vu une lumière artificielle pour commencer… une ampoule
électrique ! Alors un sous-marin… »
« J’ai mal au ventre »,
commence Virginie. « Qu’est-ce que j’ai mangé… je me suis toujours demandé
qu’est-ce que ma mère met dans sa tourtière végétarienne. Ou c’est le vin cheap
de mon père. Lui pis ses convictions qu’il connaît tout du vin français, à en
avoir fabriqué lui-même avec des sachets de poudre… j’me rends compte que
finalement il n’a jamais acheté que du vin de table. Notre vin maison, mon œil,
j’ai mal au ventre ! »
« Virginie, ce n’est pas le moment
d’être malade. Nous sommes en train de faire l’histoire, nous allons rencontrer
l’équivalent de Louis-Joseph de Montcalm », affirme Benoît. « Lui va
arriver dans deux ans, quand ça va devenir sérieux, au début de la guerre de
Sept Ans. Regarde, le Vieux-Québec, le mur tout beau tout nouveau, les dernières
fortifications de la ville de Québec. Respire, c’est vivifiant ! »
« J’vas dégueuler… », répond
Virginie, marchant sur le côté et vomissant près du mur. « Oh mon
Dieu ! Comment j’vas survivre la journée ? »
« Pauvre Virginie… »,
console Benoît. « Ça a pas été facile ces derniers jours… »
« C’est sans doute même pas le
vin. C’est de revenir dans la ville de Québec, ça me rend toujours malade.
C’est ma ville natale, j’avais tellement de rêves quand j’étais jeune, d’aller
à la grande polyvalente, de devenir ingénieure dans la vieille ville, mais mes
parents ont déménagé trop vite au Saguenay-Lac-St-Jean. Soudainement ma réalité
d’enfance s’est effacée. J’avais pas l’impression de vivre dans le vrai monde,
la vraie réalité. Quand je reviens à Québec, que je constate que j’ai jamais
atteint l’Université Laval, la seule université en existence pour moi quand
j’étais jeune, j’ai comme l’impression d’avoir manqué ma vie. D’être une
ratée. »
« Mais voyons, tu as été Première
ministre à Québec pendant 10 ans, comment as-tu survécue ? », demande
Benoît.
« Justement, j’ai pratiquement
pas survécue. Voilà pourquoi j’ai passé le clair de mon temps au
Saguenay-Lac-St-Jean. Ma ville natale me rend malade, c’est inexplicable.
Pis j’peux t’assurer que j’marchais pas sur la rue Saint-Jean quand j’revenais
à Québec. »
Passant la nouvelle porte Saint-Jean, Virginie
regarde la porte, et recommence à être malade. Devant l’aide qui vient à elle,
elle se reprend, les repousse et demande :
« Qui est en charge à Québec ? »
« Un certain Jérôme I. Écolan
d'Armor », annonce le jeune soldat.
« Jamais entendu parler de
lui », annonce Benoît.
« On a fait une recherche
monumentale sur la cache de l’Internet qu’on a sauvée, toutes les encyclopédies
possibles, Jérôme Écolan d’Armor n’a jamais existé », affirme le soldat.
« N’a jamais existé de notre
point de vue », confirme Virginie. « Tout a changé, j’le sais
maintenant, j’l’ai compris aussitôt que l’ex-Premier ministre connaissait une
histoire que nous ignorions. Montcalm ne viendra jamais au Québec, l’histoire
est déjà différente. Quelqu’un, un Québécois ou une Québécoise du futur a déjà
été dans le passé. Mais il ou elle n’a pas changé grand-chose du passé, sinon
prévenir mon assassinat en 2029. Le voyage dans le temps a été perfectionné
dans le futur, au Québec du moins, on n’a aucune idée du comment l’histoire a
changé, si l’un d’eux a remonté dans le temps avant 1754. »
« Mais dans ce cas, l’histoire
aurait radicalement dû être changée », dit Benoît. « Nous devrions
déjà avoir conquis le monde entier ! »
« Benoît ! », crie Virginie.
« On pense pas comme toi dans le futur, on ne pense plus à conquérir le
monde entier à l’avantage d’une nation. Et je pense que cette mentalité
commence avec moi. Commençait avec moi, a commencé avec moi. J’ai été sauvée.
C’est pas la suprématie de
« Ça ne fait aucun sens ce que tu
dis Virginie. Tu n’as aucune idée, tu ne sais pas. Personne ne s’intéressait au
Québec en 1754, il est fort possible que Jérôme Écolan d’Armor était le
Français stationné en Nouvelle-France, et comme la date n’était pas très
importante, il est passé inaperçu et n’est entré dans une aucune de nos
encyclopédies. »
« La guerre de
Enfin ils atteignent un bâtiment
sur la rue Saint-Jean et Jérôme Écolan d’Armor vient à leur
rencontre :
« Alors vous êtes les Français du
futur, ceux qui vont conquérir l’Amérique et sauver
« Nous sommes les Québécois du
futur, nous sommes ceux qui vont sauver le monde », répond Virginie.
« Vous avez d’la ranitidine pour l’indigestion et quelque chose qui
ressemble à des toilettes ? J’peux quand même pas r’tourner au bateau
ou l’sous-marin, et j’ai comme… mal au cœur. Est-ce que les brosses à
dents et la pâte dentifrice existent en 1754 ? »
16
Quartiers
généraux français à Québec, 1754
« On vous a préparé un buffet,
j’ai pensé que d’abord ce serait mieux une rencontre informelle »,
commence Jérôme Écolan d’Armor. « Vous avez faim ? »
« Plusieurs d’entre-nous sont
végétariens, je suppose pas que… », répond Virginie.
« Végétariens ? »,
demande Jérôme.
« On mange pas de viande »,
continue Virginie.
« Quoi ? C’est ça le futur
de
« Non, non, en France moins de 2%
de la population est végétarienne en 2039 », asserte Benoît. « Je
suis Benoît Girard, le Président de
« Vous êtes à la tête des
gouvernements en France et en Nouvelle-France dans le futur ? Je suis
honoré. J’ai cru comprendre par vos soldats que la monarchie était tombée en
1789, mais pas en Grande-Bretagne et certains autres pays, apparemment ils ont
tous des gouvernements démocratiques en parallèle de la royauté ? »
« Oui, exactement ! »,
annonce Virginie surprise. « Avec qui de notre délégation vous avez
parlé ? »
« Un certain Jérôme
Thivierge », répond Jérôme. « Je me suis intéressé à lui parce que
nous avons le même prénom, comment alors pourrait-il être un traître ? Il
m’a également expliqué que vous aviez découvert une nouvelle théorie de la
gravité qui remet en question Isaac Newton. Je trouve le sujet fort
intéressant, votre nouvelle science qui permet le voyage dans le temps. »
« Ouais, ben, enfin, y’a rien
dans notre théorie qui puisse expliquer le voyage dans le temps, au contraire.
Dans notre vieux modèle standard fantaisiste oui, mais plus maintenant »,
reprend Virginie embarrassée. « Mais certainement avec le temps on va
réussir à comprendre ce qui s’est passé, et aussi, on le sait maintenant, dans
le futur on va inventer une machine à voyager dans le temps. Pour l’instant
notre présence en 1754 demeure un mystère. »
« Un mystère qui va nous faire
gagner la guerre contre les Anglais ? Une guerre hypothétique… »,
demande Jérôme.
« Oh oui, cette guerre est très
réelle, elle va commencer la semaine prochaine dans la vallée de l’Ohio, avec
le meurtre du Français Joseph Coulon de Jumonville, un meurtre que va commettre
George Washington lui-même à la bataille de Jumonville Glen. Nous allons les
massacrer ces Anglais ! », ajoute Benoît en riant, alors que Jérôme
semble se questionner. « C’est-à-dire, c’est une figure de style, une
façon de parler. »
« Ce que Benoît veut dire, c’est
que définitivement nous avons les moyens d’arrêter toutes les guerres dans le
monde, dans les prochains jours. Mais ce n’est pas une prise de pouvoir absolue,
ou le début d’un nouvel ordre mondial. Mais c’est certainement la fin du règne
anglais et espagnol en Amérique, en Australie et en Nouvelle-Zélande, et le
début d’une colonisation française. Mais tout le monde, même
« Mais c’est impensable !
Jamais le roi n’acceptera ça ! », se scandalise Jérôme.
« Il n’aura pas le choix », annonce
gravement Virginie. « En plus, son règne va devenir symbolique très
bientôt, parce que
« Je n’avais pas compris que vous
représentiez un ennemi encore plus grand que
« Mais voyons donc, tes gardes
peuvent rien faire contre nous autres », annonce Virginie. « On n’est
pas venu ici sans prendre de précautions. Mes soldats, comme tu les appelles,
ont déjà testé tes meilleures armes. Jérôme, demande à tes hommes de nous tirer
dessus avec leurs mousquets. »
« Mais je n’ai pas l’intention de
vous tuer, je vais vous prendre en otage, vous êtes mes prisonniers. »
« Ils ne nous tueront pas, c’est
pour te prouver que nous sommes invulnérables », continue Virginie.
« Gardes, parez à tirer… feu ! »,
lance Jérôme.
La garde de Jérôme s’exécute, et alors
que le nuage commence à se dissiper, tout le monde constate que tous les coups
de feu ont raté leurs cibles et se sont retrouvés au plafond.
« Mais c’est de la
magie ! », rétorque Jérôme.
« Non, c’est juste un déflecteur
magnétique puissant, mais ça sera pas assez pour les autres invasions. On a
d’autres idées. Mais voici un pistolet à impulsion électrique sans fil, aussi
appelé un taser gun ou un choqueur. Tu permets la démonstration ? C’est
non létal, personne va en mourir », répond Virginie.
« Faites… je suis curieux »,
commande Jérôme.
Virginie appuie sur la gâchette et
aussitôt la garde de Jérôme Écolan d’Armor lance des cris et s’effondre par
terre.
« Ils seront debout et comme
neufs dans environ vingt minutes », annonce Virginie.
« C’est avec ça que vous allez
convaincre le Roi de céder son royaume à vos propres hommes ? », questionne
Jérôme.
« Pas nos propres hommes, ce sera
une démocratie. N’importe quel Français ou Française pourra se présenter aux
élections et être élu(e) président ou présidente de la République française »,
affirme Benoît.
« Écoute Jérôme, on n’est pas ton
ennemi ou l’ennemi du roi », affirme Virginie. « Nous sommes des
alliés qui vont changer le monde, que l’aristocratie le veuille ou non. L’aristocratie
n’aura plus aucun pouvoir, c’est vrai, elle va devenir symbolique, des
ambassadeurs non officiels pourquoi pas, elle sera encore riche pour l’instant,
mais ce que nous avons à offrir pour tout le monde c’est la devise de
« J’imagine que vos bateaux de
guerre sont capables de beaucoup plus ? Capable de détruire la ville de
Québec en un instant ? », demande Jérôme incertain.
« Vous êtes nos ancêtres, nos
frères et nos sœurs. Jamais on détruirait la ville de Québec », affirme
Virginie. « De toute manière, on va tenter de ne tuer personne, nos armes
sont non létales. Mais tout de même, on a énormément d’armes létales si
nécessaire. Est-ce que tu veux voir en combien de secondes je peux ordonner la
destruction de tes quartiers généraux ? Encore une fois personne ne va
mourir. »
« Faites… », confirme
Jérôme.
Aussitôt Virginie semble se parler à
elle-même, alors qu’elle approche d’elle un microphone installé dans ses
vêtements.
« Regardons par la fenêtre, le
ciel… », annonce Virginie.
Quelques secondes plus tard une bombe
explose au-dessus des quartiers généraux français à Québec, mais d’une hauteur
suffisante pour éviter un quelconque impact, mais tout de même suffisamment
proche que le bâtiment en tremble.
« Si j’avais voulu j’aurais pu
ordonner notre mort instantanée, la destruction absolue de vos quartiers
généraux, en quelques secondes seulement », averti Virginie. « Mes
soldats ne m’auraient jamais questionnée, ils l’auraient fait. Et ma mort ne
changerait rien à ton problème, demain matin quelqu’un d’autre me remplacerait.
Quelqu’un qui deviendrait aussi important ou importante que moi, parce que
finalement je ne suis pas vraiment importante ou quelqu’un d’extraordinaire
pour ma nation. J’ai juste été élue, et seulement pour quatre à cinq ans. Après
je suis ou bien réélue ou je suis remplacée. En fait, nos élections ont été
reportées à dans un an, l’année prochaine tu devras faire affaire avec
quelqu’un d’autre que moi au pouvoir, et ça peut être n’importe qui. C’est ça
l’idée de la démocratie. »
« Je vois que je n’ai aucun
choix », admet finalement Jérôme. « Vaut mieux vous avoir de notre
côté que du côté de l’ennemi. Eh bien, passons à la salle voisine, à la table
de négociations, et discutons vos demandes.
Alors que notre monde passe à la salle
voisine et s’assoit à la table, Virginie s’exclame :
« Mais tu comprends rien, le
Québec capitulera jamais ! On est le Québec ! On est tous québécois
et québécoises ici. On va assurer l’hégémonie québécoise dans le monde !
Ça va juste être pour le bénéfice de l’humanité, et non des Québécois ou des
Français. Jérôme, peut-être que si tu apprenais notre histoire depuis 1754, tu
comprendrais nos intentions. Les idées de conquêtes, de colonisations, de
prendre avantage et d’exploiter les autres nations, c’est fini. L’humanité
entière va entrer dans une nouvelle ère de prospérité, de paix, et surtout de
libération contre toute autorité écrasante. Même les religions dans le monde
vont soudainement prendre une place beaucoup plus petite, les autorités
religieuses vont s’asseoir en arrière plan. J’ai peine à me contenir, sauter
dans un avion, me rendre au Vatican, et annoncer au Pape que son règne de
terreur est terminé. »
« Je n’aime pas ce que j’entends.
Le Roi non plus n’aimera pas l’entendre », affirme Jérôme.
« Concrètement, qu’est-ce que vous voulez ? »
« Il vaudrait peut-être mieux de
continuer notre conversation avec le Roi, à Versailles ? », demande
Benoît.
« Tu penses ? », répond
Virginie. « Si on prend plusieurs nouveaux jets on peut être là en moins d’une
heure, on va emmener Jérôme, ça devrait surprendre le Roi. »
« Une heure ! »,
s’exclame Jérôme. « Mais c’est impossible ! Vous êtes vraiment
capables d’un tel accomplissement ? »
« On va voler au-dessus de
l’océan, laisse-moi contacter Bagotville… », avise Virginie avec un sourire
ironique. « C’est tellement facile d’impressionner la galerie de 1754…
leur premier vrai vol va avoir lieu en 1903, je pense ? La seule question
est où atterrir près de Paris ? »
« Les jardins royaux de
Versailles devraient être adéquats pour nos derniers modèles », annonce un
soldat, « on peut atterrir n’importe où si on prend les jets qui
atterrissent à la verticale ».
« On va créer toute une sensation
à Paris ! », lance Virginie. « On y va ! Mais avant
d’atterrir on va leur présenter tout un show, j’veux d’la boucane, une
explosion de feux d’artifices, du bruit à ras les maisons parisiennes, ils vont
en parler encore dans 100 ans. Les Québécois reviennent en France ! »
« Vous allez attaquer Paris ?
Sans même d’abord négocier avec le Roi ? », questionne Jérôme.
« Nous n’attaquerons jamais
Paris, je suis le Président de
« Vous allez m’emmener de
force ? Comme un prisonnier ? », demande Jérôme ?
« Pauvre Jérôme, t’as vraiment
aucune idée de nos intentions », murmure Virginie. « Est-ce qu’on y
va trop fort ? Est-ce qu’on a apeuré les Québécois du passé ?
J’voudrais pas commencer nos nouvelles relations avec
« J’accepte alors l’invitation,
mais seulement parce que je dois absolument m’entretenir avec le Roi au plus
tôt, pour lui indiquer ce que j’ai vu et le danger que vous représentez pour la
monarchie française. »
« D’accord, on passera le reste
de la soirée à le convaincre du contraire », finalise Virginie. « On
n’est pas des monstres. D’ailleurs, c’est quel Roi en ce moment en France en
1754, ça serait pas Louis XVI ? »
« Louis XV », corrige
Jérôme.
« Louis XVI va naître dans deux
mois exactement à Versailles, le 24 Août 1754, je pense.
« La
fameuse Révolution française dont Jérôme Thivierge me parlait ? »,
demande Jérôme Écolan d’Armor. « Il ne savait pas grand-chose de
« J’imagine que les Français de
2039 connaissent toute l’histoire de
« Je pensais que l’histoire des
Québécois c’était l’histoire des Français ? », continue Jérôme.
« Bon, bon ! Ça va changer
maintenant tu peux être sûr. J’suis certaine que tout l’monde au
Saguenay-Lac-St-Jean en ce moment sont sur l’Internet pour lire l’histoire du
monde en 1754. C’est seulement depuis la souveraineté du Québec voilà 10 ans
qu’on s’est rapproché d’
« Virginie Tremblay, je comprends
rien à ce que vous dites. Cependant, Jérôme m’a montré votre Internet »,
affirme Jérôme.
« Eh puis ? », demande
Benoît.
« Eh puis quoi ? »,
répond Jérôme. « Je n’ai rien compris de ce que c’était, malgré que ça ma
semblé extraordinaire. J’ai découvert qu’il existait toute une littérature
française que personne ne connaît. »
« Est-ce que Louis XV aime la
littérature ? », questionne Virginie. « Vous autres les Français
vous êtes trop cultivés, trop intellectuels. On pourrait préparer un cadeau
pour Louis XV, une librairie entière de la littérature française du futur.
Penses-tu qu’il pourrait lire sur mon téléphone cellulaire ? Ça va marcher
en France, il se recharge à la lumière et au mouvement… en plus il va bien
falloir garder contact avec lui pour coordonner notre attaque contre les
Anglais et les Espagnols. »
« Tu sautes du coq à l’âne
Virginie », annonce Benoît. « On aura bien le temps de regarder à
tout ça. »
« En tout cas moi je suis très
intéressé… », répond Jérôme.
« Ah tu vois ? »,
affirme Virginie avec le sourire.
« Eh bien, je vais lui offrir un
exemplaire de Paul et Virginie de Bernardin de Saint-Pierre », dit Benoît.
« L’auteur est vivant en France aujourd’hui, il serait surpris d’apprendre
qu’il est l’auteur d’un classique. Je pense que le livre a été publié juste
avant
« Non, non, Paul et Virginie ça
reflète vraiment pas les idéaux du futur. Le triomphe de la vertu… mon Dieu, ça
s’rait une régression absolue », se lamente Virginie.
« D’autant plus que tu es loin
d’être l’image de la virginité », continue Benoît. « J’ai suivi dans
les magazines l’histoire de tous tes amants avant que tu te stabilises avec
Sylvain. »
« Au moins j’en ai jamais trompé
un », confirme Virginie.
« Tu les remplaçais trop
rapidement pour commettre une infidélité », ajoute en sarcasme Benoît.
Virginie et Benoît se retournent alors
pour observer Jérôme qui se tient maintenant droit, la bouche ouverte,
incapable de dire un mot.
« Oups, je pense qu’on a
scandalisé le grand Jérôme Écolan d’Armor. J’ai pas été élue Première ministre
pour ma vertu, pis j’suis pas différente des autres du futur. C’est juste que
ma vie a été décortiquée en long et en large à TV, c’est pas ma faute. De toute
manière les rois en France avaient toujours un paquet de maîtresses. »
« Très vrai, la maîtresse de
Louis XV en ce moment est
« Alexandrine serait morte ? »,
se plaint Jérôme.
Virginie sort alors son téléphone
cellulaire, cherche sur l’Internet et affirme : « Tu es si proche du
Roi Jérôme ? Et pourtant tu n’existes pas dans nos livres d’histoire. Voilà !
Madame de Pompadour… mon Dieu, elle possède au moins une dizaine de châteaux, a
une tête ovale parfaite comme une olive verte, le Petit Trianon de Versailles a
été construit pour elle par Louis XV, mais elle est morte avant que ça soit
finit, en 1764. Sa fille Alexandrine serait morte voilà 15 jours à l’âge de 9
ans… ils vont être en deuil. »
« On pourra vérifier quand on
sera à Paris », finit Benoît.
« Mon Dieu ! », lance
Jérôme.
17
Au-dessus
de l’océan Atlantique, six jets volent en direction de Paris, 25 juin 1754
« Tu vas faire une impression à
Paris, à piloter un tel jet », affirme Benoît assis derrière Virginie.
« Quand j’ai la chance je suis
toujours au volant », confirme Virginie. « Savais-tu que j’ai dessiné
les plans de cet avion, mêmes les moteurs ? »
« Vraiment ? », on peut
entendre Jérôme dire d’un autre jet. « C’est une chose de métal infernale…
et le bruit assourdissant, mais ça hurle ! »
« Peut-être, mais ça fait le tour
du monde en trois heures, pis ça marche à l’eau, aucune pollution »,
répond le pilote de Jérôme.
« J’ai travaillé là-dessus avant
mes élections, j’étais alors ingénieure mécanique, Jérôme », admet
Virginie. « Aujourd’hui je meurs un peu plus chaque jour ensevelie sous la
bureaucratie du monde politique. »
« Quelle perte pour
l’humanité ! », crie Benoît.
« Benoît, arrête tes niaiseries.
Il faut qu’on parle. Ça commence à m’inquiéter de rencontrer Louis XV et Madame
de Pompadour. J’connais même pas le nom d’
«
« Détrôné ? », demande
Virginie. « Qui l’a décapité ? »
« Il n’est pas mort… »,
ajoute Jérôme.
« Qu’est-ce qui
t’inquiète ? », demande Benoît. « Écoute, tu ne seras pas seule,
je suis là,
« Ce qui l’inquiète, je pense,
j’espère, est qu’elle remet en question son hégémonie sur
« Justement Jérôme, ce jet peut
voler plus haut que jamais auparavant », confirme Virginie. « C’était
notre réponse au programme spatial américain, c’est pourquoi j’en suis aussi
fière, et que je suis la meilleure pilote au monde en ce qui concerne mon bébé…
c’t’avion-là c’est mon bé. Mais tu as raison sur l’autre point, j’ai pas envie
d’arriver en France pis de dicter ce qu’ils vont devenir. Peut-être que
j’aurais jamais dû devenir une politicienne. »
« De notre point de vue
« Je sais pas Benoît »,
ajoute Virginie. « Pour l’instant on rend juste une visite au Roi de
France, on verra ensuite. Établir la communication sera déjà une bonne
chose. »
« Oui, pourquoi pas », lance
Jérôme. « Inutile de commencer à faire des menaces et de vouloir tout
changer du jour au lendemain ! »
« Mais tout changer le plus
rapidement possible est certainement à l’agenda », admet Virginie.
« Il faut instantanément arrêter toutes les guerres dans le monde, prévenir
la guerre de
« On verra bien », dit
Benoît. « Regardez, c’est Londres en bas… »
« Wow, c’est petit ! Message
aux autres pilotes, suivez-moi, je veux voir Londres de plus près »,
annonce Virginie alors que les jets descendent vers Londres. «
« C’est assez incroyable de voir
Londres d’une telle hauteur », admet Jérôme. « Vous êtes vraiment des
dieux de mon point de vue. Peut-être que vous avez raison dans vos manigances,
si toutefois il est vrai que le monde est tellement mieux dans le futur. »
« Est-ce que c’est vraiment le
cas ? », se questionne Virginie.
Les jets arrivent à Versailles et
atterrissent à la verticale près du château, à la surprise générale des
habitants de
« C’est maintenant j’imagine que
Jérôme Écolan d’Armor est en train de convaincre le Roi que nous sommes la plus
grande menace jamais connue de
« Tu voulais l’emmener, tu
voulais qu’il raconte au Roi ce dont il a été témoin à Québec », admet
Benoît. « C’est peut-être une bonne chose, nous n’aurons pas besoin de
faire exploser des bombes au Château de Versailles, nous ne voudrions pas le
détruire par accident… un tel monument national français, pense aux millions
d’Euros qu’on perdrait avec les ans juste en touristes. »
Peu de temps après le Roi et sa suite
sortent du Château en une sorte de cérémonie royale qui semble impressionner nos
représentants du futur, et décourager davantage Virginie.
« Louis XV, Roi de
France ! », annonce haut et fort un damoiseau.
« Eh bien le Roi sait faire une
sortie, lorsque soudainement il se sent menacé par quelque chose
d’incompréhensible, mais tout à la fois intriguant », annonce tout bas
Benoît à Virginie.
« Eh bien, s’il voulait nous
impressionner, il a certainement réussi, je me questionne davantage sur nos
plans initiaux de changer le monde », ajoute Virginie.
« Soit forte ! Sinon
fais-moi un signe et je serai fort pour nous deux », conclue Benoît.
« J’pense que j’vais tout
simplement me vider le cœur et voir sa réaction… »
« Ça pourrait fonctionner, tu as
toujours su charmer les politiciens internationaux avec ton honnêteté et ta
candeur, même ton accent français prononcé et ton ignorance sont reconnus comme
des points positifs dans tes négociations », affirme Benoît.
« Malheureusement ça a pas marché
avec George Johnson, dans quel pétrin y nous a mis celui-là. Si j’pensais me r’trouver
à
« Qualifierais-tu ce rêve de
cauchemar ? »
« En fait c’est un conte de fée,
non ? Sans doute j’vais finir Reine de France, ou Reine du monde
entier ? »
« Silence en présence du
Roi ! », crie le damoiseau.
« Oh ça, ça m’impressionne
moins ! Je me sens redevenir forte tout à coup… j’ai jamais su respecter
aucune autorité, c’est pourquoi j’ai fini Première ministre », lance Virginie.
« En effet, tu n’as jamais
respecté personne en position d’autorité, c’était aussi une de tes qualités,
alors pourquoi soudainement tu devrais changer avec le Roi de
France ? », répond Benoît.
« Les invités du Roi vont se
taire en la présence du Roi ! », crie le damoiseau.
« Il commence à m’énerver
celui-là », commente Virginie un peu plus haut.
« Aussi bien être de bons invités
du Roi, obéissons leurs coutumes sans les insulter. Manquer de tact lors de
notre première rencontre avec le Roi pourrait être fatal pour l’histoire de
l’humanité et de
« Ok, j’ai compris, j’la ferme ma
gueule ! », annonce Virginie d’une voix suffisamment haute que même
le Roi peut l’entendre.
« Sa majesté, vous voyez bien ce
que je disais, un tel manque de respect en face du grand Roi Louis XV »,
chuchote Jérôme au Roi. « Et c’est elle qu’ils ont choisi pour les
représenter, ces Québécois du futur. Aucun sang royal, ça c’est certain. »
« Elle est née bagarreuse et
ardente, comme
« Votre majesté ! Elle est
d’un commun inégalé, une paysanne, jamais une telle personne ne devrait se
retrouver en position d’autorité », continue Jérôme.
« Si ce que tu m’as dit s’avère vrai,
mon cher Jérôme Écolan d’Armor, ce bout de femme deviendra bientôt la femme la
plus importante et la plus puissante du monde. Voyons voir si elle pourra
succomber à mes charmes. »
« Je ne crois pas, elle a des
enfants, et elle vit hors mariage avec le même homme depuis une dizaine
d’années. Elle a même affirmé qu’elle n’avait jamais trompé un de ses
amants. »
« Nous verrons bien, ça ne m’a
jamais arrêté avant. »
« Non plus semble-t-elle
impressionnée par votre titre de Roi, Sa Majesté. Quelle défiance j’ai entendue
d’elle à Québec. »
« Il me la faut à tout
prix », confirme le Roi avec un large sourire.
« De quoi ils parlent ces deux-là »,
demande Virginie.
« En tout cas le Roi semble de
bonne humeur. Il semble amusé de ta défiance, c’est bon signe, ton charme
d’anarchiste couronnée fonctionne », affirme Benoît.
« Mmh, il a besoin de pas s’faire
d’idées, j’ai pas l’intention de laisser Sylvain, même pour le Roi de France.
Même si je lui trouve un charme particulier… Il est vrai que j’ai jamais
pu résister à un homme en uniforme, ou dans le cas présent, en costume de… en
costume de clown », admet Virginie en riant.
Et alors que le damoiseau s’apprête
encore à ajouter quelque chose, le Roi l’arrête du revers de la main.
« Visiteurs du futur », le
Roi commence, « soyez les bienvenus en France ! Vous êtes nos invités
pour aussi longtemps que vous le désirerez, le Roi désire tout apprendre de vos
aventures et de vos projets futurs. »
« Ah ! Ça inaugure
bien », chuchote Virginie, ajoutant plus fort : « Louis XV, euh,
Votre Majesté, pardonnez-moi, ce n’était pas nos intentions de vous
insulter. Nous ignorons les protocoles adéquats en de telles
circonstances. Nous acceptons votre invitation avec joie. »
« Ah tu vois », chuchote le
Roi à Jérôme, « il y a de l’espoir ».
« Mmh… je me demande », est la
seule réponse de Jérôme.
« Votre Majesté, je suis Benoît
Girard Président de
« Virginie Tremblay, Première
ministre de
« Euh, oui… merci ! »,
balbutie Virginie. « Mais bon, on est ici parce que… »
« J’aimerais faire un tour dans
une de vos choses volantes, vous les appelez des jets ? », demande le
Roi.
« Louis, je peux t’appeler
Louis ? », demande Virginie.
« Certainement pas ! »,
lance le damoiseau, devant le regard ahuri de tout le monde, surtout Jérôme.
« Mais bien sûr, appelez-moi
Louis. Et en retour je vais te tutoyer et t’appeler Virginie. »
« Bien sûr ! Ça tombe bien,
j’ai mon brevet de pilote et j’ai insisté pour apprendre à voler dans tous les
appareils de l’armée du Québec, au cas où on se retrouverait en guerre. Je peux
moi-même t’emmener Louis. On y va ? »
« Louis ! », crie une
femme qui se tenait un peu plus loin. « Tu vas te tuer ! »
« Ah mais c’est… la tête
ovale comme une olive verte… c’est Madame de Pompadour ! », affirme
Virginie, marchant vers elle avec ses deux bras ouverts. « Madame de
Pompadour, wow, j’suis tellement enchantée de vous rencontrer. Et j’approuve de
tout ce que vous faites, c’est vraiment l’histoire dont on est témoin, je veux
tout savoir sur vous, j’ai déjà l’impression de vous connaître. Je suis
tellement désolée pour Alexandrine. »
« Alexandrine ? »,
demande estomaquée Madame de Pompadour.
« Oui, votre fille, elle est
morte d’une péritonite voilà une quinzaine de jours, non ? », demande
Virginie.
« Elle est gravement malade, mais
elle est toujours vivante, elle est au château… », et alors éclate en
sanglots Madame de Pompadour.
« Peut-être pouvez-vous
l’aider ? Vous êtes du futur, vous pouvez guérir sa maladie ? »,
questionne Louis XV.
« Benoît, tu te rends compte de
ce que ça signifie ? », lance Virginie en se retournant vers lui.
« Oui, Jérôme Écolan d’Armor au
Québec, alors que nous n’avions rien pour prouver sa présence en
Nouvelle-France, n’est plus un cas unique. Définitivement l’histoire est
différente de nos livres d’histoire », répond Benoît.
« Mais pas si différente, juste
un p’tit peu », continue Virginie. « Ça veut dire que ce n’est pas
quelqu’un venu du futur volontairement pour radicalement changer l’histoire,
c’est plutôt qu’il doit exister une ou quelques personnes aussi transportées
dans le passé en même temps que nous. Mais ils seraient arrivés avant nous, et
aurait eu un impact négligeable sur le futur, mais tout de même suffisant pour
changer bien des choses. Au Québec surtout, mais certainement aussi en France.
Ça prend pas grand-chose pour changer bien des choses. Il va falloir trouver
qui du futur est peut-être encore parmi nous sur
« Donc l’histoire de vos livres
est différente des événements actuels ? », demande le Roi.
« Oui, mais pas beaucoup
différente à mon avis », ajoute Virginie. « Il va falloir faire une
étude de comparaison le plus rapidement possible, pour comprendre l’étendue des
changements, et peut-être aussi traquer la source de ces changements. Avec
toute notre technologie et nos connaissances, on va massivement changer le
monde. Mais si un petit groupe se retrouvait dans le passé, une famille disons,
sans aucune technologie ou les moyens de reproduire notre monde moderne, ils ne
pourraient affecter l’histoire que d’une façon marginale. Mais tout de même
avec un impact assez impressionnant, qu’Alexandrine soit encore
vivante ! »
« Mais vous pouvez la
sauver ? », se lamente Madame de Pompadour.
« Louise, Charles, apprêtez-vous
à retourner au Saguenay-Lac-St-Jean immédiatement », ordonne Virginie à
deux de ses pilotes. « Vous allez emmener Alexandrine et Madame de
Pompadour à l’hôpital de Chicoutimi le plus rapidement possible. Le futur de
nos relations avec
« Non, non ! »,
commence Madame de Pompadour.
« On peut la sauver, mais ça
demande une chirurgie la péritonite », affirme Virginie. « Vous allez
être là en moins d’une heure. À mon avis, bien que j’y connais rien, dans
une dizaine de jours elle ira mieux. Vous êtes chanceux, le meilleur docteur du
Québec était à Chicoutimi quand on a été transporté dans le passé. Il est un
peu queeny, et vous devez avoir plein de préjugés aujourd’hui à propos de ça,
mais il est reconnu dans le monde entier comme un des meilleurs
docteurs-chirurgiens, il a pratiquement découvert comment guérir le sida et le
cancer. »
« Queeny ? », demande
le Roi. « Comme dans le mot anglais Queen, une Reine ? »
« Y’é gai, c’est un homosexuel,
une vraie drama-queen, très efféminé, mais c’est mon docteur, à mon avis le
meilleur docteur au monde. Donc, vous avez pas le choix. Enfin, vous avez le
choix, on a plein de docteurs qui peuvent opérer pour une péritonite, j’suis
sûre, mais aujourd’hui, considérant la vie d’Alexandrine, la fille de la Marquise
de Pompadour, la maîtresse de Louis XV Roi de France, il me faut le meilleur
docteur possible. »
Soudainement tout le monde devient
silencieux, comme en état de choc de par ce que Virginie vient d’affirmer.
Quand enfin Virginie s’en rend compte, elle se retourne et affirme :
« Je suis désolé, devais-je garder sous secret ici à
Alors le Roi s’avance vers Madame de
Pompadour et ils marchent tous les deux un peu plus loin.
« Tu te sens la force de prendre
une de ces machines volantes avec Alexandrine ? » chuchote le Roi.
« Tu fais confiance à ces
étrangers ? Même s’ils parlent français… j’ai vu comment tu la
regardais », répond Madame de Pompadour. « Mais s’ils peuvent
vraiment sauver la vie d’Alexandrine… »
« Gardes ! Amenez
Alexandrine ici le plus vite possible », s’écrie le Roi.
« Tu veux l’accompagner ? »,
demande le Roi à Madame de Pompadour.
« Je voudrais bien voir qui m’en
empêcherait. De plus, je pourrai voir par moi-même qui sont ces gens du futur. »
« Et tu me feras un rapport,
bien », termine Louis XV.
« J’ai comme l’impression que ça
t’arrangerait si nous n’en revenions pas, de cette Nouvelle-France. Oublie pas
que je suis plus intelligente que toi Louis, je serai toujours plusieurs
longueurs d’avance sur toi. S’il y a un moyen pour moi de voir une opportunité
qui me fera sortir victorieuse d’une telle situation, je la prendrai. »
« Je sais, c’est pourquoi tu es
ma maîtresse, et tu sais bien qui si c’était possible, tu serais ma
Reine. »
« Aujourd’hui je me le demande.
Mais ça n’a plus d’importance, pour la vie d’Alexandrine, ma fille. »
À ce moment Alexandrine est amenée et
placée dans un jet, ainsi que Madame de Pompadour dans un autre. Pendant ce
temps Virginie parle sur son téléphone lumière, à coordonner leur arrivée à
l’hôpital de Chicoutimi.
« Mais qu’est-ce que tu
fais ? », demande le Roi.
« Je suis en train de parler à
Pierrette, comme je l’appelle. C’est mon docteur, il s’appelle Pierre. Je
m’assure que tout va être prêt pour leur arrivée à Chicoutimi », répond
Virginie.
« Tu peux leur parler avec ça,
d’une telle distance ? », questionne le Roi.
« Oui, tu vois, c’est lui là, on
peut le voir sur mon téléphone, c’est en direct. Tu veux lui parler ? Il
faut tenir le téléphone en face de toi pour qu’il puisse te voir, il y a une
petite caméra ici », affirme Virginie, alors que le Roi lui prend le
téléphone des mains.
« Mais c’est extraordinaire,
c’est lui sur cette image, en ce moment même de l’autre côté de l’océan ? Bonjour ! »,
commence le Roi.
« Allo ! Qui est ce bouffon,
quel accoutrement ! », demande Pierre.
« Je suis Louis XV, Roi de
France ! »
Un gros rire gras se fait entendre du
téléphone, mettant tout le monde mal à l’aise, en particulier Benoît.
« Un peu de respect quand même ! »,
lance Benoît, alors que Virginie pose sa main devant sa bouche et doit se
retenir de pouffer de rire. « Mais voyons Virginie, tu peux pas faire
quelque chose ? »
« J’suis peut-être leur Première
ministre, mais chu pas leur mère. Tous les citoyens et citoyennes sont libres
et responsables de leurs actes », confirme Virginie.
« Eh Louis, es-tu le Louis dont
j’ai lu, celui qui s’intéressait davantage aux jeunes damoiseaux du royaume plutôt
que les jeunes filles de l’aristocratie ? Si oui il faudrait vraiment
arranger une rencontre… », lance le docteur à l’autre bout de la lumière.
« On m’a dit que tu étais queeny,
ou une Reine », répond Louis XV.
Encore des rires gras de l’autre côté
du téléphone.
« Je deviens ta Reine n’importe
quand, Louis », continue Pierre.
« Est-ce que tu peux sauver
Alexandrine ? », demande le Roi.
« On vient de m’annoncer que je
suis le meilleur docteur au monde à l’heure actuelle, Louis. Si j’peux pas
sauver Alexine, personne d’autres dans le monde pourra la sauver. »
« Alexandrine », répète le
Roi.
« Oui, oui, j’suis pas sourd.
Écoute, j’ai pas le temps de t’parler, j’ai plusieurs opérations qui
m’attendent. Mais on va être prêt quand Alexandrine arrivera dans une heure.
Ok ? Je t’embrasse fort, un gros baiser, pis j’prends mes prochaines
vacances à Versailles. Savais-tu que les docteurs passent plus de temps en
vacances qu’à sauver des vies ? Mon gros pitou, prépare mon arrivée, j’r’viens
à Paris avec ton Alexandrine une fois guérie, avec ton Centre
Georges-Pompidou ! Enfin, sa mère, or whatever you call your bitch ! »
« Virginie ! », crie le
Roi en lui remettant le téléphone. « Es-tu certaine qu’il va sauver
Alexandrine ? Il vient juste de me parler en anglais ! »
« Pas de panique ! C’est
normal au Québec d’utiliser des expressions anglaises aujourd’hui. Louis, ça
fait des centaines d’années que les francophones sont une minorité en Amérique,
notre langue est remplie d’anglicismes, en France aussi d’ailleurs en 2039.
C’est pourquoi on est ici aujourd’hui, pour assurer la suprématie de
« L’espace ? »,
questionne le Roi.
« Viens-t-en, laisse-moi t’installer. »
18
Peu de temps après l’avion s’envole,
Virginie immédiatement monte le plus rapidement possible, le plus haut
possible.
« Ça c’est une vision que jamais
un Roi de France était supposé avoir », annonce Virginie dans son
microphone. « En bas on peut voir l’hexagonal qu’est
« Extraordinaire.
Impensable », commente le Roi.
« Sa Majesté voudrait-elle voir
son Royaume de plus près ? On peut aller survoler toute
« Je voudrais aller le plus haut
possible, je veux voir le monde où l’on vit d’une manière globale. »
« En quelle année vous avez compris
que la planète était ronde et qu’elle flottait dans l’espace dans le système
solaire, et que l’univers ne tournait pas autour de
« C’est vieux ce savoir. Le Roi
Soleil c’était mon père, Louis XIV. J’ai plus de vision que lui, je mérite le
titre bien plus que lui, surtout aujourd’hui, grâce à toi. »
« Attache ta ceinture de
sécurité, on s’en va encore plus haut que la station spatiale internationale
maintenant inexistante, notre plus grand défi international du futur. Comme si
elle n’avait jamais existée, et pourtant, voici un jet capable d’aller plus
haut encore, capable d’offrir une vision de notre planète jamais vue en 1754.
Louis, on fait l’histoire aujourd’hui. Ces jets sont vraiment nouveaux, j’ai
jamais été aussi haut avant, j’avais jamais été dans l’espace. Le monde est
tellement paisible vu de cette hauteur, si seulement ça pouvait toujours être
comme ça. Attends, je vais arrêtez tous les moteurs, je vais nous mettre en
orbite. Ça va être silencieux. » Elle s’exécute.
« Mais nous ne retombons
pas ? Nous sommes en orbite, comme la lune autour de la Terre ? Quel
silence ! Jamais je n’aurais cru. Ça change toute ma perspective du
monde dans lequel on vit, de
« Moi aussi ! Je dois
t’avouer que j’avais vraiment peur de nous lancer en orbite autour de la terre.
Je pensais pas que ce serait aussi facile, mais l’ordinateur de bord calcule
tout. Un ordinateur, c’est une intelligence artificielle. Parfois,
souvent, beaucoup plus intelligent que nous autres, humains. C’est une des
grandes créations du futur. Si tu veux, je vais tout t’apprendre. »
« Et je désire apprendre. Explique-moi
par quelle magie tu as coupé les moteurs sans que nous retombions, et comment
il se fait que nous tournions ainsi autour de la Terre à une vitesse exceptionnelle.
C’est ça être en orbite, comme Newton le décrivait ? »
« Newton ? Non, non. Newton
était certes un génie, mais toute sa théorie de la gravité est complètement
fausse, comme celle d’Einstein, que tu ne connais pas encore, ça ça viendra
dans 150 ans. Aussitôt que l’on prend en ligne de compte la masse dans nos
calculs de la gravité on se trompe grandement. Les orbites ne s’expliquent que
par la géométrie de l’expansion des planètes et des étoiles, et même
l’expansion des systèmes solaires et des galaxies. Rien à voir avec Newton ou
Einstein et la masse des objets célestes. D’ailleurs, tous nos programmes
spatiaux, nos calculs de trajectoires, avant la venue de la théorie de
l’expansion subatomique, c’était surtout les équations de Galilée, Copernic et
Kepler, toutes ne considèrent que la géométrie de l’espace, jamais la masse des
objets qu’il contient. La lune par exemple, elle est un quart de la grosseur de
la Terre, pourtant la gravité à la surface est seulement un sixième celle
de la Terre. On sait maintenant en théorie que sur le côté caché de la lune, la
gravité doit nécessairement être un tiers celle sur terre. »
« Tu veux dire que même en 2039
ça n’a pas encore été vérifié ? »
« Ces choses prennent du temps, notre
communauté scientifique était tellement bornée à Newton, Einstein et la théorie
de la mécanique quantique, ils n’auraient jamais pu considérer quoi que ce soit
d’autres avant que l’on puisse leur apporter des preuves irréfutables, et
encore là c’était impossible de leur faire entendre raison. »
« Donc si je comprends bien, la
Terre en bas grossit sans cesse en ce moment, et nous allons suffisamment
rapidement pour toujours échapper à cette expansion, comme en une grande
spirale ? Sans accélérer ? »
« Alors même que la Terre
accélère dans son expansion. La géométrie se réinitialise à chaque moment, mais
tout ça c’est assez compliqué, et d’ailleurs, je travaille encore là-dessus. Je
vais bientôt finir d’écrire un livre sur le sujet, mais considérant ce qui
vient de nous arriver, je devrai maintenant ajouter plusieurs chapitres. »
« Tu m’as déjà mentionné
plusieurs théories, comment sais-tu que la toute dernière est la
bonne ? »
« Parce qu’elle a réponse à tous
nos mystères en physique théorique, même l’anomalie des deux sondes spatiales
appelées Pioneer qui ont maintenant quitté le système solaire. On a observé
qu’elles semblaient ralentir alors que c’est impossible. Les hypothèses
avancées avaient encore une fois à voir avec cette fameuse masse noire que
jamais personne n’a su observer ou prouver. Il est clair que la seule façon
d’expliquer cette anomalie c’est par l’expansion des orbites des planètes
autour du soleil, et donc par l’expansion du système solaire. C’est pourquoi
nous ne retombons pas sur la terre sans avoir besoin d’accélérer, notre
trajectoire géométrique grandit sans cesse relative à la Terre, à cette hauteur
notre vitesse correspond exactement à l’expansion de la planète. »
« Tu m’as déjà perdu. On devrait discuter de choses
que je comprends. Pourquoi veux-tu me détrôner, comme m’avertissait Jérôme
Écolan d’Armor ? »
« Je ne sais plus, pour tout
t’avouer, Louis », admet Virginie. « J’allais tout révolutionner,
apporter une démocratie instantanée sur le monde, après avoir arrêté toutes les
guerres. Mais je pense aussi à l’histoire, l’histoire du Québec. Je sais que je
peux me faire confiance, pour faire les choses comme il se doit. Mais est-ce
que je peux faire confiance à mon successeur, le prochain Premier ministre du
Québec l’an prochain ? Est-ce qu’on a le droit de dicter au monde entier
ce qui doit être, comment le monde doit vivre ? Tout changer du monde
entier pour le meilleur ou pour le pire ? J’ai toujours été contre cette
mentalité, d’être une police mondiale, de construire un nouvel ordre mondial.
C’est ce que les Américains et les Britanniques ont toujours tenté d’accomplir,
et les Nazis d’Allemagne deux fois dans l’histoire. Et
« Je vois que ton royaume
potentiel s’étend beaucoup plus loin que le mien. »
« Louis, j’ai vraiment besoin d’aide.
Benoît m’aide pas, il me pousse vers une hégémonie québécoise sur le monde. Il
voudrait voir la planète entière se plier à la nouvelle puissance mondiale que
du jour au lendemain on pourrait offrir à
« Pourquoi pas ? »
« Pour plusieurs raisons. Il te
faudrait comprendre la corruption politique que le monde a souffert depuis
aujourd’hui jusqu’en 2039. On dirait que le monde entier a toujours été
misérable, que l’on n’a jamais vraiment connu un âge d’or, un âge de la raison.
Louis, c’est le monde entier que je veux aider, tous les citoyens et citoyennes
du monde, pas juste les Français, et certainement pas juste l’aristocratie.
Est-ce que tu t’inquiètes de tes sujets, tes vassaux je pense qu’on les appelle
en 1754 ? Est-ce que tu souhaites pas leur bonheur, leur réussite, leur
sourire et leur fierté d’être français ? »
« Euh… »
« Bon, on redescend, mais on va
faire le tour de
« Je te trouve très intéressante
Virginie, je dois avouer. Je ne croyais pas avoir une telle discussion
philosophique aujourd’hui, mais peut-être mieux vaut tard que jamais. »
« Peut-être que si on travaille
ensemble, on pourrait faire de toi le vrai Roi Soleil… »
« J’aimerais bien… mais je suis
Louis le Bien-Aimé. »
« Vraiment ? Alors ton
peuple t’aime bien ? »
« Il m’aimait beaucoup mieux
avant, mais il est peut-être temps de changer certaines choses ? »
« Inquiète-toi pas à propos
de ce que Jérôme t’a dit, j’ai changé d’avis. On va pas t’obliger à
prendre un rôle symbolique, ou d’abdiquer et d’instaurer un gouvernement démocratique
en France… pour l’instant. On va plutôt t’éduquer sur l’histoire et te
convaincre que c’est la seule solution. Et si tu es pas prêt à prendre le saut,
j’espère au moins que tu seras prêt à te nommer dernier Roi de France. Après
toi la démocratie, la république. Ça sauverait la vie de ton fils, il va être
tué à cause de
« Dans 20 ans ? »
« Je me corrige. Tu allais mourir
dans 20 ans de la petite vérole, mais on a un vaccin, tu ne mourras plus dans
20 ans de la petite vérole. »
« Dans ce cas il est fort
possible que cette Révolution française ne survienne jamais ? Si je sais
devenir un bon Roi pour mes sujets ? »
« Ce sera pas assez, ton peuple
veut être en contrôle de sa destinée, tes sujets veulent prendre les décisions,
en des élections, même si souvent, je l’admets, ça fait pas grand différence
que celui au pouvoir soit élu ou non, qu’il soit Roi ou Président de la
république. C’est pourquoi j’ai changé d’avis sur toi, Louis. Peut-être que je
peux te convaincre d’un certain compromis qui apportera les mêmes
résultats. »
« Tout en me gagnant la guerre
contre les Anglais et les Espagnols ? Jérôme m’a fait comprendre que
c’était un de vos buts les plus importants ? »
« Arrêtez les guerres dans le
monde, oui. Arrêtez la colonisation du monde, oui, sauf des Amériques, de
l’Australie et de
« Eh bien, je ne vois pas
pourquoi le Roi de France tenterait d’arrêter un tel projet de nos descendants
du futur. Mais je n’ai certainement pas l’intention d’abdiquer mon trône. »
Virginie et Louis XV survolent maintenant le globe en
silence jusqu’à ce qu’ils atteignent la région du Saguenay-Lac-St-Jean.
« Nous sommes juste au-dessus du
Québec maintenant. »
« Tu veux dire la
Nouvelle-France ? »
« Oui, bon, pour nous autres
c’est le Québec. Voilà le Lac-St-Jean… si tu regardes sur une carte du monde,
c’est un petit point bleu, mais si tu tiens sur la plage, tu vois pas de
l’autre côté. Ça donne une bonne perspective de la grandeur de la Terre. On
l’appelle une mer intérieure. »
« C’est magnifique. »
« Nous descendons maintenant le Saguenay, je vais te
montrer Sainte-Rose-du-Nord, notre nouvelle colline parlementaire. Ah voilà à
droite. »
« C’est ton palais présidentiel, ça ? »
« C’est le Parlement québécois, c’est là où tous les
politiciens se rencontrent pour prendre toutes les décisions. Je n’ai pas de
palais, nous vivons dans une démocratie. On va retourner vers Chicoutimi, on va
atterrir directement à l’hôpital où on va retrouver Madame de Pompadour et sa
fille. »
« Je les avais complètement oubliées
celles-là. »
« J’ai pu observer un portrait gigantesque d’elle
une fois au National Gallery de Londres quand j’ai visité mon frère, c’était
vraiment impressionnant. »
« Ton frère vit à Londres ? Un portrait de
Madame de Pompadour à Londres ? »
« Oui. Et sans doute ce portrait aujourd’hui doit
valoir une vraie fortune que même un Roi ne pourrait acheter. »
« Je peux acheter ce que je veux. »
« Les temps ont changés. Mais il est vrai
qu’aujourd’hui rien n’a encore changé. »
19
Hôpital
de Chicoutimi
L’avion
atterri dans le stationnement alors que plusieurs policiers, des membres de la
sécurité et des automobiles se dirigent vers l’avion.
« C’est quoi ces machines qui
roulent ? », demande le Roi.
« En France vous les appeler des
voitures, au Québec on les appelle plutôt des autos, pour automobiles. C’est
notre moyen de transport le plus courant », affirme Virginie.
« Tout ça me semble un peu trop,
je me sens soudainement mal. Tout est tellement différent, exotique, ça me fait
peur. Je n’aime pas tellement l’architecture de l’hôpital, ça laisse à
désirer votre architecture du futur, mais l’illumination du bâtiment est assez
bizarre. J’ai entendu parler de ces lampes à incandescence, elles ont été
inventées par l’horloger de Blois Jean Eugène Robert-Houdin. »
« Mais je connais son nom, c’est
le magicien qui a inspiré Houdini ? Je me suis intéressée à la magie. Il
aurait donc inventé une lumière avant Thomas Edison ? Pour un de ses trucs
de magie ? Je me souviens qu’il s’était
intéressé à l’électricité et le magnétisme… enfin bref la lumière
n’impressionnera pas le Roi de France autant que ça a intéressé les
Amérindiens. »
« Tu veux dire les Indiens ?
Ah mais eux ils n’ont jamais rien vu… »
« Crois-moi, tu n’as encore rien
vu. »
« Ça reste à voir. »
« Exactement. »
À ce moment sort Madame de Pompadour
de l’hôpital, ses bras grands ouverts pour souhaiter la bienvenue à son amant
le Roi de France. C’est également à cet instant que l’on entend un coup de feu
et que ce grand Louis XV s’écroule par terre de par la loi de la gravité de
l’expansion subatomique elle-même. Un silence écroulant s’ensuit, alors que
personne n’arrive à comprendre ce qui vient de se produire. On aperçoit
Virginie regarder les fenêtres de l’hôpital, comme si elle attendait son tour à
être frappé d’une balle en plein cœur. Alors les gardes se jettent sur elle
pour la protéger et pour couvrir le Roi, alors que le cri strident de Madame de
Pompadour en pleurs se fait finalement entendre. Elle repousse les gardes, en
criant :
« Laissez-moi passer, laissez-moi
le regarder ! Virginie Tremblay, et moi qui vous faisait confiance, et
Louis qui vous faisait confiance, et pendant tout ce temps vous n’aviez aucune
intention de tenir vos paroles, de nous convaincre avec le temps de vos
idéaux ! Vous ne serez jamais plus les bienvenus en France ! Vous
allez maintenant me tuer aussi sans doute, et ma fille, et ça n’a pas d’importance :
c’est la guerre, tu m’entends Virginie ? C’est la guerre ! », lance-t-elle
alors qu’elle pleure toutes les larmes de son corps, tandis que les docteurs
s’affairent déjà à la retirer de là pour tenter de ressusciter le Roi.
Et soudainement, d’une voix du Roi
encore vivant et se tenant à côté de Virginie :
« Virginie ? Est-ce que ça
va ? »
Virginie revient soudainement à elle,
rien des événements qu’elle vient de vivre ne sont encore survenus :
« Je viens d’avoir un déjà vu, d’un événement qui à mon avis je devrais
être capable de prévenir. Sécurité ! Vite, entourez-nous et rentrons dans
l’hôpital immédiatement ! »
Les gardes de sécurité s’exécutent
sans questionner la Première ministre et à l’intérieur ils rencontrent Madame
de Pompadour :
« Qu’est-ce qu’il y a ? Tout
va bien ? »
« Virginie vient d’avoir un
pressentiment que quelque chose allait survenir », répondit le Roi.
« Eh bien ? », demande
Madame de Pompadour, se retournant vers Virginie.
« J’étais certaine qu’on allait
nous tirer dessus. Mais maintenant je pense que je suis juste paranoïaque. Mais
tout de même. Sécurité ! Je veux que une recherche complète de l’hôpital,
cherchez une arme quelconque, commencez par le cinquième étage, les fenêtres
qui donnent sur cette entrée. Vérifiez l’identité de tout le monde. Doublez la
sécurité autour de la fille de la Marquise de Pompadour. Visionnez l’enregistrement
de toutes les caméras en circuit fermé, je veux un rapport complet à chaque 10
minutes. »
« Très bien », annonce le
garde avant de partir.
« Et maintenant allons voir
comment va votre Alexandrine, chère Madame de Pompadour », termine
Virginie.
Dans la chambre d’Alexandrine, Benoît les
attendait :
« Ah Benoît, tu es revenu et tu
es déjà ici », constate Virginie.
« J’ai entendu dire que vous êtes
allés sur la lune ? »
« Juste en orbite autour de la
terre », témoigne Virginie. « Tu sais bien que j’attends de ne plus
être en politique pour terminer mon avion prototype capable d’aller sur
n’importe quelle planète du système solaire. »
« Cette femme est extraordinaire,
si elle n’existait pas il faudrait l’inventer », commente le Louis XV.
« Louis ! Oublie-moi pas
trop rapidement quand même, j’existe encore ! », se lamente Madame de
Pompadour alors que Pierre le docteur fait son entrée dans la chambre.
« Pierrette ! », chante Virginie.
« Virginie, celle qui n’est plus
vierge depuis longtemps ! », répond Pierre.
« Comment sais-tu
ça ? », demande Virginie.
« C’est moi qui a attrapé tes jumeau-jumelle
en plein vol quand tu les as expulsés hors de ton ventre à une vitesse phénoménale…
tu te souviens pas ? », continue le docteur en riant.
« Les enfants sont expulsés en
plein vol dans le future ? », questionne la Marquise.
« Dans le cas de Virginie, en
moins de dix minutes ses deux enfants étaient sortis en pleine santé… »,
répond le docteur.
« Par césarienne », confirme
Virginie.
« César ? », continue
Madame de Pompadour.
« Une césarienne c’est coupé le
ventre avec un scalpel, sortir les bébés du ventre et recoudre le tout en un
temps trois mouvements. Comme je suis un vrai pro, ça m’a pris moins de dix
minutes », se vante Pierre.
« Mais c’est
dégoûtant ! », s’écrie la Marquise.
« Mais non, c’est la médecine du
futur, ma chère Madame de Pompidou. Aucune femme et aucun homme n’est mort des
suites d’un accouchement dans cet hôpital depuis des décennies », rajoute
le docteur.
« Les hommes accouchent de bébés
dans le futur, mais comment est-ce possible ? », demande le Roi.
« Mais c’est une opération très
simple la transplantation d’un œuf embryonnaire à l’intérieur d’un homme. Par
exemple mon mari est enceint à l’heure actuelle, il ne lui reste plus que deux
mois avant la naissance de notre premier bébé. »
« Et moi qui croyais que c’était
toi la femme du couple… », blague Virginie.
« Viens ici ma Virginie que je te
squeeze dans mes bras. Tu es tellement politiquement incorrecte pour une politicienne,
no wonder tu es devenue notre Première ministre », raconte Pierre.
« Et cette science de la médecine
du futur, ce sont toutes ces lumières et ces bruits ? », questionne
le Roi en regardant l’équipement médical entourant Alexandrine.
« Ah mais Louis je vais
t’expliquer comment ça fonctionne », commence Madame de Pompadour. « C’est
tout ce que j’ai fait depuis mon arrivée ici, tenter de tout comprendre des
procédures et de ce qu’ils appellent des machines. J’ai assisté à l’opération,
ce fut un succès, d’ici une semaine Alexandrine sera tout à fait guérie. Par
exemple tu peux voir les battements de son cœur, et ici sa ligne de vie. Si
cette ligne devient droite, c’est que le patient est mort. Comme tu peux voir
cette ligne me montre à chaque moment qu’Alexandrine va bien. Et si je touche
les différentes sections de l’image, je peux lire tous les diagnostiques sans
besoin d’un médecin… »
À ce moment entre une infirmière
précédée d’un charriot :
« Votre Majesté Louis XV, Madame
de Pompadour, bienvenue au Québec. Thé, café, biscuits ? »
« Ah oui, un thé serait
bien », demande le Roi.
« Ah non il faut que tu goûtes à
leur café, c’est vraiment exotique le café du futur », affirme la
Marquise.
« Le café d’hôpital c’est
certainement très exotique, c’est même imbuvable… », annonce Pierre. « Vraiment
on a pas vraiment fait d’efforts pour vous accueillir, mais on va remédier à ça
dans les prochains jours, n’est-ce pas Virginie ? »
« J’ai pas l’habitude de… »,
balbutie Virginie, « Pierre, il existe des restaurants chics dans la
région ? »
« Il existe un petit restaurant
exquis dans une maison en décomposition dans le village de Saint-Nazaire, juste
à côté de la pharmacie de mon cousin. Enfin, si Saint-Nazaire a pas été rayé de
la carte dans l’attaque. »
« Saint-Nazaire existe
encore », confirme Virginie. « Mais avec le rationnement d’la guerre,
va falloir voir ce qu’ils peuvent encore nous servir. Faudrait d’ailleurs que
je demande un rapport à ce sujet à mes ministres. C’est ben beau d’aller
visiter Versailles et de rencontrer l’aristocratie française, mais j’ai aussi
d’autres responsabilités. On a tout de même commencé une guerre mondiale…
faudrait que je contacte le Général Néron pour savoir où il en est. J’aurais
peut-être pas dû lui donner carte blanche. Il a peut-être oublié qu’il fallait
pas tuer personne. On n’est pas les Russes en Amérique, lâcher un paquet de
bombes nucléaires sur toutes les grandes ville américaines… je veux même pas un
mort ! »
« Voilà votre café votre Majesté,
vous allez voir c’est un mélange assez explosif », annonce l’infirmière.
« Il faut boire rapidement et d’un coup pour bien apprécier la saveur de
ce café fabriqué au Québec. »
« Un mélange explosif… »,
marmonne Virginie. « Non ! Arrêtez ! Il faut pas boire, il faut
lancer le café par la fenêtre ! »
« Trop tard ma chère
Virginie… », lance l’infirmière en se retournant. « Vite, j’ai moins
d’une minute avant de disparaître. Mon nom est Virginia Tremblay, je suis ta
descendante du futur, au moins 200 ans dans le futur. Premièrement je dois
avouer que c’est honneur inestimable pour moi de vous rencontrer. Voici une
carte mémoire qu’on a sortie d’un musée qui devrait fonctionner avec votre
vieille technologie de 2039. Ça va expliquer pourquoi il est nécessaire que
Louis XV meure maintenant et que la Marquise de Pompadour devienne Présidente
de la nouvelle république française le plus tôt possible. Si on ne montre pas
aux autres pays immédiatement un exemple de démocratie qui fonctionne, aucun
pays dans le monde développera une démocratie en 200 ans. Oubliez pas que notre
histoire sur la carte mémoire ne sera pas votre histoire, je viens de changer
votre futur. »
« Et tu peux quand même retourner
dans ton présent ? », demande Virginie.
« Oh oui, on peut facilement
choisir la réalité dans laquelle on évolue, même seulement avec la volonté.
Mais avec la technologie c’est plus certain et plus expéditif. On vous donne
également tous nos développements technologiques des 200 dernières années sur
la carte mémoire, ça va vous donner une bonne longueur d’avance. Vous en aurez
besoin parce que garder la paix dans le monde, même avec votre technologie
actuelle qui prendra peu de temps à se répandre dans le monde entier, sera pas une
chose facile. Vous avez déjà des espions en devenir, leur identité est sur la
carte. »
Soudainement Virginia Tremblay
disparait devant tout le monde en un nuage chimique verdâtre. Aussitôt le Roi
commence à se plaindre d’un mal alors que le docteur s’apprête à aller vers
lui.
« Non, tout le monde, reculez,
éloignez-vous du Roi, il va exploser ! », crie Virginie.
« On dirait que ses organes intérieurs
sont en train de s’agrandir, c’est de la technologie de l’expansion
subatomique », propose Benoît.
« Mon Dieu, qu’est-ce que j’ai
fait, j’ai créé un monstre avec mes théories… aucune scrupule dans le futur, ma
descendante qui porte mon nom en plus, quelle insulte, c’est vraiment écœurant »,
se plaint Virginie.
« Je pense que l’histoire sait
très bien que toi, Virginie, aurait jamais été capable d’un tel acte », a
juste le temps d’affirmer Benoît alors que l’estomac du Roi Louis XV gonfle et
explose partout dans la petite chambre d’hôpital.
20
Sainte-Rose-Du-Nord
Le lendemain matin Virginie se
retrouve devant l’Assemblée nationale du nouveau Parlement québécois, accompagnée
de la délégation française et de la Marquise de Pompadour assis près d’elle
devant les députés et le Cabinet des ministres. Encore une fois le tout est
transmis en direct à la télévision pour la population régionale.
« Citoyens, citoyennes, députés,
ministres, je vais sortir mon français du dimanche parce que ceci sera un discours
historique de votre Première ministre. Vous m’avez fait confiance dans le
passé, je vous demande de me faire confiance aujourd’hui.
« Vous êtes maintenant au courant des événements
d’hier, ça a fait les nouvelles, vous pourrez pas dire qu’on vous cache des
choses. Malgré ce qu’affirme l’histoire d’une femme du futur, ma descendante
dans 200 ans, que je suis tout de même faible comme Première ministre, et sans
doute incapable de mener à bien notre mission pacifique dans le monde, j’ai pas
l’intention de changer ma façon de faire ou mon humanité pendant mon mandat,
même s’il ne me reste pas grand temps au pouvoir.
« Vous aurez toute la transparence souhaitée de
votre gouvernement, et je lis toutes les opinions dans les journaux et sur les
blogs de la population, j’ai pas l’intention de faire quoi que ce soit
contraire à la volonté générale de la population. Sauf si la majorité devient
immorale et sans éthique. Alors je rendrais ma démission en tant que Première
ministre et laisserais aux autres le soin de créer cet enfer qui sera certain
de suivre une telle inhumanité. En ce qui me concerne, notre histoire n’est pas
encore écrite.
« On m’a suggéré d’arrêter et de
mettre en prison une liste d’espions potentiels, surtout des citoyens d’autres
pays qui vivent dans la région. Est-ce que l’on peut vraiment les appeler des
espions, est-ce que l’on peut leur en vouloir s’ils ne partagent pas notre
nationalisme, notre désir d’apporter une paix durable dans le monde, mais tout
de même avec le Québec au premier plan ? Aussi je ne pouvais tout de même
pas emprisonner des gens qui n’ont encore rien fait, et qui peut-être même ne
feront jamais rien. Notre histoire vient de changer de course avec notre
visiteur du futur. Eux aussi pourront voir le fruit de leurs actions, toutes
les guerres du futur. Depuis ce matin nous avons mis en ligne sur l’Internet notre
histoire des prochains 200 ans. C’est juste une version qui n’existera jamais
maintenant, pour nous du moins.
« On me suggère de cacher la
technologie du futur, même de supprimer tout savoir sur la théorie de
l’expansion subatomique, et d’offrir plutôt à l’humanité les fausses théories de
la relativité d’Albert Einstein. Comme si la vraie science qui gouverne
notre monde, les vraies lois de la physique théorique et de la nature ainsi
que leur potentiel, ne devraient jamais voir la lueur du jour. C’est pas le
Vatican icitte, c’est le Québec ! Les années noires du catholicisme romain
qui voulait que l’on vive dans une ignorance absolue, c’est loin et enterré dans
notre passé. Il va falloir faire confiance à l’humanité, il va falloir partager
notre savoir, il va falloir bâtir une démocratie fiable et construire la
conscience des peuples.
« Je propose donc de renvoyer la
Marquise de Pompadour en France avec Benoît, l’ex-Président de la République française,
pour organiser des élections honnêtes basées sur mon plan électoral actuel que
je mets dès maintenant en action. Nous sommes maintenant officiellement, comme
en France, en élections. Le vote en France comme dans la région aura lieu dans
trois mois. Je propose une nouvelle démocratie pour le monde entier, et mes
ministres qui ont lu ce projet de loi sont d’accord avec moi. Rapidement il
existe bien des choses qui vont changer.
« Premièrement il n’y aura plus de partis
politiques, plus de ligne de parti à suivre pour les députés, chacun vote
comme il veut, et non pas comme le chef de parti le dicte. Les députés ne
gagneront plus leurs élections juste parce qu’ils font partie d’un parti
politique, ils devront gagner de leurs propres mérites. C’est fini également
cette chance d’investir des millions dans une campagne électorale pour assurer
une victoire, et où seuls les riches peuvent gagner leurs élections. Tous les
candidats auront exactement la même visibilité dans les médias et auprès de la
population, le tout payé par l’État. On va enfin redonner la chance à n’importe
qui d’aller en politique, d’autant plus que personne n’aura le droit à plus
d’un seul mandat de cinq ans en politique, même en tant que député. Il faut
sans cesse renouveler le monde politique si on veut un vrai changement et
éviter la corruption. Ainsi, aucun d’entre nous qui sommes en politique
aujourd’hui le seront dans trois mois. De plus, quelqu’un doit avoir habité un
comté électoral au moins pendant cinq ans avant de pouvoir se présenter aux
élections pour ce comté électoral. Bien qu’aujourd’hui il faille bien revoir à
cette division des comtés, il n’existe plus que la région.
« Plus aucune organisation commerciale ou non, ou
groupe de pression auront le droit d’aider financièrement les politiciens et
d’espérer en retour quoi que ce soit. C’est fini les pots de vin, la corruption
politique et les conflits d’intérêts. Il suffit d’étudier la politique
américaine et française de 2039 pour constater que la séparation des pouvoirs
de Montesquieu n’existe plus, ou du moins que les moyens de la contourner sont
devenus un jeu d’enfant. Ça nous a apporté des tyrans qui ont conduit à
l’anéantissement des États-Unis, du Canada et du Mexique, et à l’écroulement de
l’Union européenne. Il faut bien apprendre de notre passé. Une dernière chose,
le leader et les ministres seront décidés après les élections par les députés
eux-mêmes, encore une fois sans aucun parti politique.
« Voilà, on verra en pratique comment ça va
fonctionner en France et dans la région, on pourra ajuster en conséquences, et
inviter le monde entier à suivre notre exemple. J’invite la population à
me faire part de son opinion, ce que vous changeriez, vous serez entendus,
parce les politiciens du futur ne serviront plus leurs propres intérêts
politiques et privés, ils seront à l’écoute de la population qu’ils
représentent.
« Et d’après le feedback qu’on a reçu, je constate
que la population est d’accord en général sur l’idée d’arrêter les guerres dans
le monde sans tuer personne et de faire pression sur le monde pour
l’instauration de vraies démocraties durables. Alors de ce pas la délégation
française retourne en France avec la Marquise de Pompadour qui sera peut-être
ou non la première Présidente de notre première république en France, en
espérant que la France ne nous fustigera pas pour la mort de son Roi, misère. La
diplomatie qui sera nécessaire… sans la Marquise de Pompadour comme
ambassadrice de la nouvelle ère francophone, nous aurions aucune chance, il
faut remercier son ambition personnelle confirmée par l’histoire d’un de nos futurs
possibles. C’est d’ailleurs un problème majeur ces voyageurs dans le temps qui
apparaissent et disparaissent après avoir mené une pagaille incommensurable, il
va falloir passer des lois et se protéger contre ça.
« Maintenant je m’en vais diriger avec le Général
Néron une campagne importante dans la vallée de l’Ohio, où nous allons empêcher
des groupes importants de Français, d’Américains, de Britanniques et d’Amérindiens
de s’entre-tuer. Nous allons par tous les moyens à notre disposition empêcher
la confrontation en étendant un mur gigantesque entre les deux armées, comme
quoi la technologie de l’expansion subatomique peut au moins aussi servir à
arrêter les guerres. On va aussi bombarder autour d’eux à bonne distance
jusqu’à ce qu’ils comprennent qu’ils n’ont aucune chance et qu’ils doivent
arrêter la guerre. C’est à peu près le seul conflit important en ce moment dans
le monde. J’espère que ça va suffire à lancer le ton de nos intentions.
« Je vais ensuite moi-même aller rencontrer George
Washington pour tenter de lui démontrer comment un futur différent pourrait
faire toute la différence dans le monde. Ou au moins pour lui faire comprendre
que pour l’instant la guerre de la Conquête et la guerre de Sept ans ne sont plus
une possibilité. J’ose espérer que personne du futur va apparaître pour me le
faire exploser en pleine face.
« Je me demande comment va réagir George Washington quand
je vais lui raconter comment l’histoire s’est souvenue de lui et de ses accomplissements.
Et comment son beau grand projet d’une démocratie en Amérique s’est terminé en
fiasco de corruption politique, une tyrannie, la plus grande guerre civile jamais
vue et le morcèlement de ses États américains en neuf régions différentes pratiquement
prêtes pour une nouvelle guerre de territoire, de ressources naturelles
épuisées et de suprématie dans le monde.
« J’espère qu’il aura plus de génie et de sens
commun que le Président de la région du Panier de Pain en 2039, notre fameux
Président George Johnson qui sans le vouloir nous a envoyés dans le passé. Celui-là
je suppose qu’il ne serait pas immoral d’empêcher sa naissance ou la montée de
sa famille, que dis-je sa dynastie, dans le monde politique américain du
futur ? Je puis déjà vous confirmer que si j’en ai la chance, le parti
Républicain n’existera en aucun cas et en aucun temps, et la religion ne jouera
jamais plus un rôle en politique.
« Notre projet sera pas facile, et d’après ma
descendante du futur on a déjà failli à la tâche, voilà pourquoi je propose
maintenant des solutions radicales. On nous a donné une nouvelle chance de
changer le monde pour le mieux, sans être aussi dictatoriaux que nos
descendants semblent être devenus, on va apporter la paix et une démocratie durables
dans le monde.
« Je vous l’avais bien dit que ce serait un discours
historique, non ? », termine Virginie avec un sourire embarrassé,
incertaine, alors que l’Assemblée nationale et sa famille devant la télévision
demeurent silencieux, comme encore sous le choc d’un tel exposé. Et alors
l’Assemblée nationale spontanément se lève et se met à applaudir sa Première
ministre.
21
Vallée
de l’Ohio, 3 juillet 1754
Virginie
pilote un jet accompagnée du Général Néron sur le siège arrière.
« Voici donc la Vallée de l’Ohio,
l’Ohio Country, il fallait bien être le 3 juillet 1754 pour que je visite ce
coin de pays », affirme Virginie. « J’arrive même pas à
conceptualiser qu’y a neigé dans les derniers jours, en plein juillet. Oh
regarde, ça c’est certainement le fort Duquesne, difficile à croire qu’un jour
ici sera la ville de Pittsburg. Nommé d’après le Premier ministre Britannique
William Pitt. »
« George Washington a essayé
plusieurs fois de reprendre le fort, mais comme il en était incapable, il a
décidé de construire le fort Nécessité plus loin, là, tu vois ? »,
demande le Général Néron.
« Ah mais c’est misérable comme
effort. Pas surprenant que les Français aujourd’hui vont facilement raser ce
fort. Et c’est ce que l’on va arrêter aujourd’hui. La capitulation de
Washington. »
« J’ai presque envie de lâcher
une bombe sur le fort Nécessité, ce serait un message clair pour
Washington. »
« Je suis d’accord, si on pouvait
le faire sans tuer personne, sans tuer Washington lui-même, malheureusement
c’est pas le cas. Voilà les armées, mon Dieu, c’est moins une, il était
vraiment le temps qu’on arrive. Intéressant, je vois pas de distinction entre
les Britanniques et les Américains. »
« C’est la même chose Virginie, les treize colonies
américaines sont encore des colonies anglaises jusqu’au 4 juillet 1776, encore 22
ans avant leur déclaration d’indépendance. Je me demande si ce serait pas mieux
de laisser les Français gagner cette bataille du fort Nécessité, attendre que
Washington signe sa défaite, et ensuite lui parler. Nous serions dans une bien
meilleure position. »
« Ils ont tous vu les avions, ça
a peut-être déjà changé bien des choses. Les Français ont jamais entendu parler
de nous autres, ils vont penser qu’on est là pour protéger Washington, ils vont
y penser à deux fois avant d’attaquer le fort Nécessité. En vérité c’est un
échec spectaculaire pour Washington aujourd’hui, il va penser avant la fin de
cette journée que sa carrière est terminée. À son retour à Williamsburg, le
Gouverneur Dinwiddie va tourner cet échec en victoire pour Washington. La
propagande existait déjà en 1754. J’ai pas besoin de l’humiliation et de la
capitulation de George Washington, ou de sa confession de meurtre de ce jeune français
à la bataille de Jumonville Glen que les Français vont lui faire signer dans
quelques heures. J’ai juste besoin qu’il comprenne que sans nous c’est ça qui
l’attendait. En fait, comme le Gouverneur Dinwiddie, j’ai besoin d’un George Washington
très fort qui sera de notre côté et qui va nous aider dans notre projet de
démocratie et de paix. Parce que j’ai pas l’intention d’attendre 1776 pour leur
indépendance, et j’ai pas l’intention de l’appeler Lieutenant Washington
aujourd’hui, pour moi il est déjà le Président des treize colonies américaines,
avec la condition que leur immigration ne va pas s’étendre plus loin que leurs
frontières actuelles. »
« Virginie, c’est du génie,
franchement je suis vraiment impressionné. Je vois comment sans toi j’aurais
manqué une chance inouïe de tout tourner à notre avantage. Triste que dans
trois mois tu ne seras plus notre Première ministre. Je me demande qui d’autres
dans la région pourra te remplacer. »
« Toi peut-être ? Et quand
tu me visiteras dans mon hangar où je travaillerai sur mon nouveau vaisseau
spatial, tu trouveras toujours une oreille attentive et de bons
conseils. »
« Pourquoi pas ? Mais j’aime
mieux demeurer commandant de l’armée si le prochain Premier ministre ne me
remplace pas, c’est là mon expertise. Ça m’empêchera pas de toujours te
demander conseil. »
« Bon, aussi bien construire
notre mur maintenant pour lancer un clair message aux Français que l’attaque
d’aujourd’hui n’aura pas lieu. Après ça Washington va nous accueillir comme ses
sauveurs d’une défaite cuisante. Je nous mets en position. »
Le jet de Virginie passe entre l’armée
française et le fort Nécessité et lâche une lignée de bombes chimiques dont le
rôle est d’agrandir de façon significative ce qui est déjà au sol. Instantanément
un mur gigantesque s’érige entre l’armée française et le fort.
« Oups, on a mal calculé, c’est
beaucoup trop haut ! », annonce Virginie. « C’est quoi ça au
milieu ? Il y avait un objet sur le sol, c’est maintenant devenu immense,
ça transperce la montagne de bord en bord. »
« Retournons pour voir »,
suggère le Général Néron.
Virginie s’exécute et retourne le jet
vers la nouvelle montagne et l’objet mystère qui a été agrandi avec le reste,
et s’exclame :
« Mais c’est une épée… une épée
décorative, en or avec des joyaux, comme celle d’un chef d’armée. Et ça
traverse la montagne de bord en bord ! »
« Mais c’est fantastique, voilà notre symbole de
paix dans le monde pour signifier à tous les peuples que l’on va arrêter toutes
les guerres », annonce le Général. « Une épée prisonnière des
montagnes que l’on peut instantanément construire pour séparer n’importe
quelles armées du monde. Attends, je suis en train de filmer le tout et de
prendre des photos. »
« Tu vas maintenant devenir mon
propagandiste ? », questionne Virginie avec le sourire. « En
effet, c’est vraiment une bonne coïncidence. Je vais faire un autre survol et
après on atterrit dans le fort Nécessité. »
22
Fort
Nécessité, 3 juillet 1754
Plusieurs
jets atterrissent devant le fort Nécessité, à ce moment les portes du fort s’ouvrent
et avancent plusieurs soldats et George Washington.
« Tu as bien mis ton gilet et tes
pantalons pare-balles ? », demande le Général.
« Oui, active le champ magnétique
juste au cas où ils viseraient ma tête… », répond Virginie.
« Ils ont des canons tu sais, tu
vois en haut ? On a aucune protection contre ça. »
« On dirait que déjà en 1754 ils
avaient vraiment développé l’art de tuer leur monde… va juste falloir prendre
une chance. C’est quand même invitant, non ? George Washington lui-même.
Il a pas l’air d’avoir peur de nous autres, exactement comme je pensais, après
l’avoir sauvé des Français. »
Virginie et le Général sortent du jet
suivis de plusieurs autres québécois du futur.
« Virginie ? Virginie
Tremblay ? », demande Washington. « Oui, je te reconnais, tu es
Virginie Tremblay. »
« Vous parlez français monsieur
le Président Washington ? Vous me connaissez ? Mais comment est-ce
possible ? », questionne Virginie.
« Aujourd’hui la prophétie
s’accomplit. J’ai reçu la visite d’un jeune homme qui affirmait ne pas être
français voilà des années, mais être un Québécois du futur. Il est resté avec
moi pendant cinq ans et m’a enseigné le français. La journée où il est disparu
sous mes yeux, il m’a dit qu’au jour de ma plus grande défaite, un jour décisif
dans l’histoire de toute l’humanité, la bataille qui allait déclencher une
guerre mondiale, la guerre de sept ans, je serais sauvé par toi. Il m’a dit de
te tutoyer, j’espère que c’est acceptable ? »
« Ben sûr, voyons. »
« Eh bien tu dois me tutoyer toi
aussi. Et merci de m’avoir sauvé la vie.
J’avais peur que la prophétie ne s’accomplisse pas.
« Voyons, t’allais pas mourir
aujourd’hui, au contraire, il faut bien que tu crées les États-Unis d’Amérique
avant, et que tu deviennes Président. »
« Tu m’appelles le Président Washington, je ne suis
que Colonel. Ça aussi il m’a prédit que c’est quelque chose que tu allais
affirmer. Je n’ai plus aucune raison de douter maintenant, j’allais mourir
aujourd’hui. »
« Il t’a peut-être menti pour des
raisons inconnues. C’est certain que si tu pensais que j’allais te sauver la
vie, tu allais être beaucoup plus enclin à suivre mes conseils. À vrai dire
sans l’aide de ce Québécois tu aurais été difficile à convaincre, tu hais les
Français dans nos livres d’histoire. Mais je pense qu’il disait sans doute la
vérité. Votre histoire devient de plus en plus différente de la nôtre, parce
qu’il existe maintenant plusieurs voyageurs du futur qui ont visité le passé. Je
suis même surprise que les événements clés de l’histoire existent encore, ils
ont dû faire attention que notre rencontre d’aujourd’hui se produise. Mais à
vrai dire, après aujourd’hui c’est le déluge. L’histoire va à jamais
changer. »
« Entrez, mais entrez donc, vous
êtes les bienvenue ici. Nous allons planifier les États-Unis d’Amérique,
non ? Une Amérique entièrement bilingue. »
« Bilingue ? », se
demande tout haut le Général Néron.
« Et pourquoi pas ? »,
répond Virginie avec un sourire narquois. « J’avais pas l’intention de
renvoyer les treize colonies britanniques à la couronne d’Angleterre, quand
même. Et mon cher Général Néron, ça aurait pu être pire, il aurait pu dire
trilingue. À mon avis l’espagnol dans le futur deviendra peut-être une langue
morte. »
« On peut au moins
l’espérer », termine le Général alors qu’ils marchent vers le fort.
Assis autour d’une table primitive
dans une cabane en bois prête à tomber à cause des dernières pluies, Virginie
commence à parler :
« George, tu pensais vraiment que
ton fort Nécessité allait faire une différence contre les Français ?
Venant d’une telle personnalité, d’une telle légende, vraiment je me serais
attendu à mieux. »
« Le George Washington de ton
histoire était peut-être désespéré, mais pas moi. Je savais très bien que ce
fort serait inutile, que je n’en avais pas besoin. J’attendais un miracle digne
de la Bible, une montagne qui se soulèverait pour me sauver des Français. Et
surtout l’épée en or. Si tu savais comment j’ai eu peur de ne pas la placer au
bon endroit. Regarde le dessin que Patrice m’a laissé, c’est pas très clair où
la montagne allait apparaître. »
« Patrice qui ? »,
demande machinalement Virginie alors qu’elle étudie le dessin. « Ah, il a
signé, Patrice Tremblay. Un autre de mes descendants sans doute. »
« Oh oui. Il m’a aussi donné ceci…
que j’ai jamais montré à personne avant aujourd’hui », annonce Washington
en sortant une tablette électronique d’un sac. « J’ai étudié toute votre
histoire, enfin l’histoire de ton descendant, puisque tu me dis qu’elle diffère
peut-être de la tienne. Je suis familier avec les paradoxes que le voyage dans
le temps peut entraîner. J’ai eu le temps d’étudier tous les sujets
importants. »
« Un ordinateur portatif. Je peux
voir ? », demande Virginie. « J’aimerais faire une copie du
disque dur, j’aimerais pouvoir étudier comment l’histoire a déjà changé. »
« Il l’avait prévu que tu allais
le demander. Voici une carte mémoire, ça a le même contenu que la
tablette. »
« Charles, prends la carte et
transmet les données à Sainte-Rose-Du-Nord. Explique-leur que c’est une autre
version de l’histoire que nous devons maintenant comparer à la nôtre et à celle
de Virginia qu’on a obtenu à l’hôpital de Chicoutimi. »
« Bon, eh bien on peut
manger ? », demande Washington ?
« Asseyons-nous », confirme
Virginie, alors que tout le monde s’assied et que des soldats apportent des
denrées. « C’est tellement bizarre, je pensais arriver ici et devoir me
battre pour te faire entendre raison, George. Voilà moins d’un quart d’heure je
me demandais comment j’allais te faire comprendre que les grandes corporations
américaines, surtout les institutions financières, nous ont complètement
déshumanisés avec leur hiérarchies internes déprimantes, tout en nous apportant
au gouffre absolu. Je me demandais comment j’allais te faire comprendre que tes
idées de démocraties peut-être déjà en germe dans ta tête allaient
éventuellement tourner au désastre. Je me disais, comment allons-nous faire
pour unilatéralement déclarer un nouveau pays des États-Unis d’Amérique
pratiquement instantanément et le faire reconnaître dans le monde entier sans utiliser
la force. Mais je vois que nous avons déjà une bonne longueur d’avance ?
Que tu es déjà au courant au moins d’une version d’où tant d’idéaux qui ont
quand même fonctionnés pendant des centaines d’années vont finalement être
anéantis par l’avarice, les extrêmes et la corruption ? »
« Je suis tout à fait au courant,
Patrice m’a déjà offert ses plans, et avec les années j’ai eu le temps des
raffiner. Ce n’est pas toi ma chère Virginie qui va me dire ce que nous allons
faire, c’est moi qui vais t’expliquer la suite des événements. »
« Attention George, le Québec
s’est pas battu pour sa souveraineté aussi longtemps pour maintenant se faire
dicter quoi faire par un président américain, même si ce Président est George
Washington lui-même. Vous avez peut-être eu les Premiers ministres canadiens
d’Ottawa dans votre poche pendant des années, mais aujourd’hui c’est moi qui va
te dire ce qu’on va faire. Même si j’avoue ne pas encore avoir eu le temps d’y
penser. »
« Eh bien ça tombe bien, parce
que les plans que j’ai raffinés, ce sont les tiens. Ils sont tirés de tes
mémoires que tu as écrits à la fin de ta vie, ce que tu crois avoir été de
bonnes idées et d’autres de mauvaises. Ce que tu ferais si tu pouvais retourner
dans le temps et tout changer. Eh bien voilà, tu l’as réalisé ce rêve. Voici
tes mémoires… », montre Washington sur sa tablette.
« Wow ! J’ai écrit ça,
moi ? Wow ! Et tu l’as lu ? Et ça nous donne toutes les réponses
à mes questions, notre marche à suivre ? C’est trop facile, vraiment. Tout
de même, il va falloir lire tout ça et présenter notre nouveau plan au
Parlement québécois, et aussi à la population. C’est pas moi qui décide, tu
sais, je présente le meilleur plan possible, après avoir considéré tous les
points de vue du monde, et on passe au vote. Alors George, explique-moi tes
raffinements. »
23
Jonquière,
Café l’Envol, 3 août 1754
« Qui pourrait croire que nous
sommes en 1754 ? », lance Virginie à Sylvain qui paie la serveuse et
remplit leur verre de bière.
« En effet, en tout cas à Jonquière rien n’a changé,
sauf que la bière est maintenant faite en région. A semble être meilleure
d’ailleurs. »
« C’est l’fun de pouvoir relaxer et d’oublier toute
la politique mondiale, mais j’ai l’impression que quelque chose va
arriver… », continue Virginie juste au moment où son téléphone sonne.
« Eh bien voilà ! Oui allo ? »
« Oui ? Virginie ? C’est Benoît. Tu
devrais venir à Sainte Rose du Nord, l’équipe espagnole a découvert quelque
chose d’intéressant, une nouvelle crise ! »
« J’t’avec Sylvain à Jonquière, tu peux pas t’en
occuper ? C’est quoi l’problème ? Le roi d’Espagne a été
assassiné ? »
« Non, il vient de lancer une flotte de navires,
d’après les images de nos nouveaux satellites leur destination semble être la
Nouvelle-France. »
« C’est grand la Nouvelle-France à notre époque,
sois plus précis. »
« Ils montent vers le nord. L’équipe espagnole qui
espionnait le port nous affirme qu’ils ont l’intention de venir jusqu’à la
région du Saguenay-Lac-St-Jean. »
« Où es-tu, Bagotville ? »
« Non, Sainte-Rose-du-Nord. »
« Bon, j’arrive avec Sylvain. J’imagine que c’était
le temps d’une p’tite démonstration de nos pouvoirs », termine Virginie en
raccrochant.
« Qu’est-ce qui se passe ? », demande
Sylvain.
« Les Espagnols ont pas encore compris qu’ils
peuvent pas gagner contre nous. Mais chu pas la Reine Élizabeth, l’Espagne
m’inquiète pas. Mais va falloir faire une sortie. »
« L’Angleterre non plus a pas
compris, d’après c’que j’peux comprendre. L’équipe Britannique a aussi indiqué
que les Anglais préparait que’que chose. »
« Mmh… Il faudrait donner une
leçon aux deux pays, j’ai déjà une idée. Mais on va d’abord finir notre pichet
de bière. Ça doit bien prendre du temps pour ces bateaux-là pour arriver
ici ? »
« Je sais pas, mais si le Titanic
était supposé le faire en 10 jours à la vapeur, à voiles y vont bien
prendre un mois ? »
« S’ils ne se perdent pas avant,
ou s’ils atteignent pas les monstres à la fin de l’océan. »
« Tu viens de me donner une idée
géniale ! Vite, laisse la bière… »
24
Milieu
de l’Océan Atlantique, sur le pont d’un porte-avion, 5 août 1754
« Tout est en place Madame la
Première ministre, il commence à faire noir, la flotte espagnole est presque en
vue », annonce le général Néron alors qu’il lui passe les jumelles
militaires.
« Les sous-marins sont près avec
leurs charges spéciales et leurs déguisements ? », demande-t-elle,
alors qu’elle scanne l’horizon. « Et les écrans géants sur les
porte-avions, et les hydravions sont remplis ? »
« Oui, je vais donner l’ordre de
au département des effets spéciaux de lancer la fumée sur des kilomètres et de
simuler les orages électriques. Si on commence pas maintenant ils risquent de
nous voir et comprendre qu’ils n’ont pas vraiment atteint la fin de
l’océan. »
« Allons-y ! Général, on va
prendre un hélicoptère, je veux rien manquer », confirme Virginie alors
qu’elle saute aux commandes de l’hélicoptère.
Alors qu’ils s’envolent, déjà les avions ont produit une
boucane infernale et les sous-marins ont commencé à lancer leurs charges pour
créer des vagues instantanées et impressionnantes. Des caisses de son simulent
un orage et des bruits de monstres, tandis que les écrans géants sur les
porte-avions projettent des éclairs et des images de fin de l’océan et de fin
du monde. Les hydravions survolent les bateaux à voiles et simulent une pluie
torrentielle. Les sous-marins déguisés en monstres de toutes sortes font leur
apparence près des bateaux, créant une panique jamais vue sur mer.
« Je donnerais n’importe quoi pour voir la tête du
capitaine du bateau principal », lance en riant Virginie.
« On commence à épuiser nos ressources, il va
falloir passer à la deuxième phase », contrecarre Néron.
« Bon ! Lance les autres avions, averti nos
troupes de se protéger, on va tous les assommer avec des ultrasons. Après il va
falloir les endormir au gaz. Prépare les bateaux, ils vont pouvoir commencer
l’abordage et l’évacuation de tous les Espagnols. Je veux qu’on les laisse
endormi partout sur la longueur de la côte de l’Espagne. »
« Ce qu’ils vont rapporter au Roi d’Espagne ! Ils
vont avoir de la misère à convaincre leurs forces de reprendre la mer. Un plan
magnifique Virginie ! », admet le général.
Après l’évacuation des bateaux
accomplie, aux premières lueurs du jour, les avions s’envolent pour éparpiller
les Espagnols sur la côte de l’Espagne. Virginie et le Général Néron survole la
grande flotte vide du Roi d’Espagne.
« Bon, lançons le gaz, on
rapetisse le tout à la grosseur de gros bleuets étendus, il faut que tous les
bateaux entrent dans un gros sac vert », annonce Virginie.
Le Général appuie sur un bouton et une
canne de gaz tombe près des bateaux, un grand nuage s’épand et la flotte
rapetisse à vue d’œil. Lorsque le nuage est dissipé, des bateaux de l’armée
approchent pour ramasser les voiliers qui ne ressemblent plus qu’à des jouets.
« Et maintenant ? », demande le Général.
« On retourne au
porte-avion, on prépare une délégation, et on va faire une petite visite au Roi
George II de Grande-Bretagne, et son Premier ministre Thomas, le Duc de
Newcastle.
25
Londres,
Ancien Palais de Westminster, 6 août 1754
Lors de leur atterrissage devant
l’entrée de l’ancien Palais de Westminster, Virginie remarque l’état des
lieux :
« C’est petit l’ancien Palais de
Westminster, on va changer tout ça. »
À l’intérieur notre délégation est
reçue par le Premier ministre et le Roi.
« Salut George II… et Thomas, Duc
de… de… Newcastle », ouvre Virginie.
« Vous êtes la représentante, la
Première ministre de ces gens du futur ? Virginie Tremblay ? »,
demande le Premier ministre.
« Nous avons pu observer vos
objets volants voilà quelques mois », avance le Roi.
« Oui, c’est vrai, on a survolé
Londres. Ça m’a d’ailleurs donné une idée. Mais avant j’ai quelque chose à vous
montrer. »
Virginie prend le sac vert et vide son
contenu sur une grande table, toute la flotte espagnole. Le Roi s’avance et
prend un des bateaux dans ses mains, intrigué. Virginie sort alors une tablette
et leur montre les images prises hier, incluant la réduction des bateaux.
« Hier durant la nuit on a arrêté
la flotte espagnole qui voguait vers le Québec. On a la technologie pour
réduire et agrandir des objets de toutes sortes, et ces bateaux sont les vrais
en version réduite. Tous les soldats espagnols sont maintenant de retour en
Espagne. »
« En une journée ? Toute
cette technologie est fort impressionnante », commence le Premier
ministre.
« Mais comment le
croire ? » continue le Roi. « Nous n’avons que votre parole, et
votre magie, ce n’est peut-être qu’une illusion. »
« Eh bien, justement j’aimerais
arranger une démonstration », annonce Virginie alors qu’elle enlève un
voile d’une maquette placée sur la table. « Voici une maquette parfaite du
Palais de Westminster en 2039. Si vous voulez, on peut vous l’agrandir grandeur
nature. C’est not’ cadeau à la couronne, d’autant plus que Londres sans le Big
Ben, ce n’est pas vraiment Londres. Il faudra alors évacuer les lieux, ça va
prendre moins d’une heure. »
« Construire un tel palais en une
heure ? » demande le Duc de Newcastle.
« Ce serait toute une
démonstration. D’accord, comment procède-t-on ? », déclare le Roi
avec un sourire moqueur.
Après l’évacuation Virginie embarque
avec le Roi dans un des avions qui décollent à la verticale, et elle lui laisse
la chance d’appuyer sur le bouton qui lance une canne pour réduire ce qui est
déjà en place. Devant la panique du Premier ministre qui observe les événements
d’une certaine distance, le Général Néron le rassure et l’invite à venir avec
l’équipe pour bien placer la maquette et une autre canne de gaz tout près. Une
fois en place Virginie annonce au Roi que tout est prêt et que l’équipe a déjà
installé une autre canne près de la maquette. Elle l’invite à appuyer le bouton
à nouveau et cette fois ils observent un nuage de gaz autour de la maquette.
Puis soudainement la maquette s’agrandie pour offrir au tout Londres le nouveau
Palais de Westminster, avec le Big Ben.
« Extraordinaire ! »,
crie le Premier ministre.
« Incroyable ! »,
chante le Roi. « Vous pourriez peut-être me construire un
château ? »
« Oui, bien sûr », enchaîne
Virginie. « Redescendons. »
Une fois en bas, devant le nouveau
Palais, le Général Néron remarque qu’il est presque midi, et soudainement le
Big Ben sonne sa cloche pour la première fois dans toute l’histoire de
l’humanité.
« Tout est déjà fonctionnel, et
c’est même meublé à l’intérieur, du moderne, j’espère que vous
aimerez », affirme Virginie en redonnant la tablette électronique au Roi. « Ceci
est toute l’histoire du monde du futur, et surtout de la Grande-Bretagne. Autour
de 1754-1756 il y quelques guerres importantes et il est important de les
éviter. Charles, tu n’en que pour 6 ans à vivre, tu vas mourir d’un anévrisme
aortique, mais on peut guérir ça et le prévenir, si tu travailles avec nous sur
un projet de paix mondial. »
« Je pense que si vous pouvez partager cette
nouvelle technologie, et me construire des châteaux partout, et me sauver la
vie… », commente le Roi.
« D’autant plus que votre système politique du futur
est déjà en place, vous avez déjà pratiquement une démocratie. Ne reste plus
qu’à négocier la situation des colonies. »
« Je pense que nous réussirons à bien nous
entendre », termine le Premier ministre.
26
Village
de Val-Jalbert, Lac-St-Jean, 26 septembre 1754
En
haut de la montagne juste au-dessus des chutes du village de Val-Jalbert, avec
une vue superbe sur le Lac-St-Jean, Virginie s’adresse à une foule de
journalistes, de citoyens-citoyennes de la région, de grandes personnalités de
tous les pays, ainsi que Benoît, la Marquise de Pompadour et George Washington.
« Aujourd’hui est mon dernier
jour en tant que Première ministre du Québec, demain auront lieu les élections
que nous vous avons promises voilà trois mois. Non seulement au Québec et en
France, mais aussi aux États-Unis d’Amérique. J’ai essayé de cacher que
j’aimerais bien que la Marquise de Pompadour devienne la première Présidente
française, et que George Washington, comme dans notre histoire, devienne le
premier Président américain, mais les journalistes m’ont espionnés et vous ont
tout raconté. Au Québec vous savez aussi qui est mon préféré, l’ex-Général
Néron. Sans ces trois personnes clés de notre nouvelle histoire, rien de ce que
nous avons accompli depuis les trois mois de notre arrivée en 1754 aurait été
possible. Applaudissons-les.
« La dernière tâche de ma vie
politique, puisque je n’aurai plus le droit d’aller en politique au Québec, est
la construction de l’Université du Québec à Val-Jalbert. Derrière-moi, un
peu plus loin, se trouve la maquette que vous pouvez apercevoir sur l’écran
géant. Dans quelques minutes notre petit modèle inspiré de la Tour de Babel va
s’agrandir sous vos yeux et s’étendre aussi haut dans le ciel que notre
Parlement à Sainte-Rose-Du-Nord. C’est la première d’une série d’Universités du
Québec que nous allons construire dans le monde. Les premières à venir seront
aux États-Unis, en France, en Angleterre, en Espagne, en Allemagne, en Italie,
en Russie, au Japon et en Chine, pour n’en nommer que quelques-uns, tous nos
alliés actuels qui se sont montrés intéressés à notre désir de paix et de
vraies démocraties dans le monde.
« Et comme l’architecture de la Tour de Babel
l’indique, dans ces universités la langue française ne sera pas plus importante
que les autres langues. J’ai compris que finalement la culture française ne va
pas disparaître avec le temps, au contraire nous devons célébrer la diversité
mondiale sans tenter d’assimiler les peuples et leurs cultures. Cette première
université pour le partage de notre savoir et l’éducation de notre histoire
afin de conscientiser les peuples aux problèmes de demain, servira surtout à former
les professeurs qui iront ensuite enseigner dans les Universités du Québec dans
les autres pays. Quand vous verrez l’envergure du bâtiment qui
dépassera la hauteur de la plus grande tour même en 2039, vous comprendrez
vite que la majeure partie de la population deviendra enseignante. C’est mon
dernier cadeau avant ma retraite politique, de l’emploi pour tout le monde. De
toute manière, fiers de toutes ces mines d’or et de métaux qui sont maintenant
à notre nom, nous sommes suffisamment riches pour offrir notre éducation au
monde gratuitement. Et la technologie que nous avons déjà partagée avec nos
alliés et que nous partagerons avec tous nos alliés futurs, éliminera
pratiquement les famines et la pauvreté dans le monde, tout en sauvant
l’environnement. Québécois et Québécoises, il y a de quoi être fiers !
« On peut y aller, j’appuie le
bouton ici, et voilà ! »
Virginie appuie sur le bouton et
aussitôt une Tour de Babel gigantesque s’étend vers le ciel avec pour
arrière-plan tout notre petit monde, toute la région, et surtout le majestueux
Lac-St-Jean et sa rivière Saguenay.
Fin
***
Roland Michel Tremblay